Il y a de l’ambition dans le monde de la musique instrumentale. sleepmakeswaves en savent quelque chose : le post-rock australien a passé une bonne partie des 14 dernières années à se faire une place dans un genre connu pour sa puissance, dans lequel la richesse musicale et thématique s’exprime par des crescendos orageux et des explosions mélodiques pointues, assez souvent pour que les groupes s’en écartent délibérément au profit de structures moins traditionnelles. Comme nous l’avons entendu pour la dernière fois sur Made of Breath Only en 2017, leur stock particulier penche vers des nuances plus progressives, et cet album a été ressenti comme la fin de quelque chose et le début d’autre chose.
Lors de la dernière sortie, le trio composé d’Alex Wilson (basse), Tim Adderley (batterie) et Otto Wickes-Green (guitare) s’illustrait, confiant en ses capacités de musiciens individuels et de groupe, en prenant garde de ne pas revenir à la composition de trois albums. Aussi à l’aise sur des projets néo-prog avec des groupes comme Voyager et Skyharbor que sur des groupes plus lourds comme The Contortionist et Rolo Tomassi (ce dernier en première partie de leur tournée australienne de 2021, qui sera sans doute fascinante), leur son est très varié et leur spectre complet est offert à l’auditeur.
S’ouvrant sur l’épopée de 11 minutes en plusieurs mouvements « the endings that we write », le disque s’écoule naturellement, avec patience et pratique, occultant le fait qu’il a été initialement conçu comme trois EPs interconnectés – No Safe Place, Out of Hours et Not an Exit, sorti en plusieurs parties depuis mars. Le fait d’opérer en dehors du format traditionnel de l’album – tout en y existant simultanément – a donné au trio une plus grande liberté créative ; cette collection de 12 titres reprend le flambeau de son prédécesseur et pousse le son sleepmakeswaves vers de nouveaux territoires. La « batavia » est entraînée par les rythmes créatifs d’Adderley et par un sentiment de lourdeur puissante, tandis que la chanson titre de l’album est un exemple clair de la cohésion du trio, pleine de fioritures électroniques de bon goût et de frissons subtils, un final nuancé rempli de détails.
L’ambiance nostalgique de « mind palace » et la façon dont « pyramids » équilibre habilement l’urgence des riffs et les passages atmosphériques, pour n’en citer que deux, surprennent à chaque coin de rue. Une première notable pour le groupe est l’inclusion de voix, en accord avec la nature plus expérimentale du disque. Les contributions supplémentaires de Wickes-Green sur des chansons qui fonctionnent toujours dans le cadre typique du groupe et qui apparaissent à des moments cruciaux de la narration de l’album, illustrent bien la façon dont le trio a modifié et adapté son son pour s’adapter à différents contextes au fil des ans, en incorporant quelque chose que beaucoup de groupes de son genre auraient peur de faire. En effet, le balayage cinématographique de « cascades » et la ruée post-hardcore de « zelda » indiquent que l’ajout des voix de Wickes-Green au mixage sur une base plus permanente pourrait être quelque chose à explorer dans le cadre de leur évolution continue.
Ils n’ont jamais eu peur du changement, et une grande partie de cet album est le son d’un groupe qui réécrit les règles à sa convenance, chaque morceau étant différent du précédent. Dans un genre qui s’enorgueillit d’un maximalisme sonore, il est rafraîchissant d’entendre l’un de ses phares se pousser ainsi. Tout au long de leur nouveau disque de près de 70 minutes, parmi leur éclectisme et leur esprit créatif insatiablement curieux, leur don inné pour la mélodie et la catharsis émotionnelle reste très intact. Plutôt que de se reposer sur leurs lauriers, sleepmakeswaves choisssenit d’accueillir la nouvelle décennie avec enthousiasme et ingéniosité. Ce n’est pas un rêve qui oblige l’auditeur à vérifier ses attentes à la porte, et sa nature exploratoire est un délice sur l’offre la plus engageante et la plus accomplie du groupe à ce jour.
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