La musique de William Tyler pour First Cow reflète tout le paysage luxuriant du Nord-Ouest du Pacifique vu dans le nouveau film First Cow réalisé par Kelly Reichardt. D’une part, la nature sauvage est belle et abondante, mais d’autre part, elle est hostile à ceux qui tentent d’y faire leur vie. La musique d’ambiance rappelle la beauté de la frontière imprégnée par la tension de la colonisation envahissante, mais utilise des mélodies et des sons simples pour faire subtilement ressortir ce point.
Le film suit deux des premiers habitants du territoire de l’Oregon alors qu’ils entreprennent de voler le lait d’une vache appartenant à un riche propriétaire terrien. Dans le majestueux et imperturbable Nord-Ouest du Pacifique, vers 1820, la tension entre les humains qui empiètent sur la terre et l’étendue sauvage du territoire constitue un contexte idéal pour explorer un récit aussi ciblé. William Tyler utilise la même mise en scène de l’intime contre l’immense dans sa partition.
« First Cow in the Territory » commence l’album en le plaçant dans le domaine de la musique country. Un banjo solitaire s’arrête pendant que des bavardages et des dialogues du film se déroulent. Le banjo errant est à la fois un son familier et une indication de notre éloignement. « An Opening » introduit une mélodie dont le refrain de rechange se glisse tout au long de l’album. La chanson se gonfle lentement autour de la mélodie unique jouée par un seul instrument mais ne culmine jamais, au contraire, la mélodie s’évanouit dans le son des oiseaux qui gazouillent.
« Cookie’s Theme », du nom d’un des protagonistes, est un peu plus optimiste, mais sa mélodie est teintée de juste assez de mélancolie pour qu’on se pose plus de questions sur Cookie. Qu’est-ce qui pousserait quelqu’un à aller jusqu’au bout du continent ? Hélas, la partition de Tyler ne donne pas la réponse, mais continuera d’inviter à se poser des questions sur le film.
William Tyler est connu comme un artiste indie-folk. First Cow est son premier film dont il a écrit la bande-son mais il a apporté à l’album une grande partie de son style, issu de ses travaux antérieurs. Il a tendance à écrire des morceaux instrumentaux expérimentaux pour lui-même à la guitare, ce qui démontre son habileté technique et son penchant pour un son riche et méditatif.
Dans l’ensemble, l’album suggère plus qu’il n’informe. Il présente une beauté épurée tempérée par une tension. Les chansons sont parfois solitaires, car la plupart reposent principalement sur un seul instrument qui porte la mélodie avec peu d’autres accompagnements, mais la simplicité de son son est l’un des points forts de l’album. L’album est conçu comme un élément contribuant à la narration, et le ton et l’atmosphère qu’il procure approfondissent certainement l’expérience du film.
Il n’y a pas de paroles – bien qu’il y ait parfois des dialogues de film – mais plusieurs des chansons contiennent les sons naturels de la forêt. Le gazouillis des oiseaux sur « An Opening » qui se fond dans « Cookie’s theme », le bruit de l’eau qui coule doucement sur « Arrival » et « River Dream » » et les doux pas sur le sol dans « The Separation » contribuent tous à l’ambiance de l’album mais ne sont guère nécessaires pour saisir l’impression de forêt dans la musique. La musique a une certaine innocence, avec des mélodies simples qui se répètent et un accompagnement luxuriant mais clairsemé, mais elle est aussi émotionnellement complexe, comme si quelque chose d’inquiétant était juste hors de portée de la musique qui se déroule ainsi à notre ouïe.
***1/2