James Andean navigue sur les eaux d’une électro-acoustique nourrie de field recordings, puisés dans notre environnement direct et assemblés de manière à transformer cette matière première en narrations émotionnelles passées par un prisme déformant.
Assemblance(s) enchevêtre les éléments pour créer des atmosphères chancelantes aux allures de sketches étranges, où tout prend des allures grossissantes ou rapetissantes, selon que l’on soit grand ou petit, doté d’une ouïe fine ou équipé d’un sonotone.
L’artiste déplace les bribes sonores sur d’autres espaces, leur offrant le loisir de devenir quelque chose de différent, d’endosser un habit de lumière sur un plateau de cinéma, de jouer la comédie sur une scène de théâtre, se rapprochant sans équivoque de l’esprit d’un Bernard Parmegiani. On est happé par ces histoires à l’approche cosmologique, projection dans un espace bousculé par les incertitudes et les faux-semblants. Très fortement recommandé.
Sur son album éponyme en 2016, Nordjevel faisait la démonstration d’un black cru et intense ; avec Necrogenesis la même approche est de rigueur, mais un cran au-dessus. Les riffs, le chant, les rythmiques semblent redoubler de puissance. Et on ne va pas s’en plaindre. Certes, le genre développé est très classique, déjà entendu des dizaines de fois au travers des travaux de Setherial, Dark Funeral, Marduk ou Watain mais, en même temps, on trouve ici l’ex batteur de Dark Funeral capable d’en rajouter encore un peu plus dans l’outrance.
Impossible de ne pas adhérer à des titres comme « Panzerengel » qui conclut l’album comme pour témoigner de la marge de progession et de créativité rehaussé d’ambiances au clavier et de parties techniques qui transfigurent le titre. Bien sûr, rien ici n’est du domaine de l’inédit mais cela cela rend toutefois cet opus imparable et plein de promesses pour un avenir qui s’annonce noir et glacial à souhait.
The Budos Band est un combo plutôt atypique puisqu’il mixe avec bonheur jazz rock fiévreux et hard rock à la Black Sabbath. Sur ce cinquième opus, on est loin de sentir le vent tourner ; on pourrait même dire qu’il continue de plus belle d’aller dans le même sens.
C’est une approche très personnelle, assez intrépide pour qui n’est pas ouvert d’esprit (les deux univers qui cohabitent ici sont en effet assez éloignés), mais qui tient un truc unique et inédit, et s’y tient.
Les cuivres sont fous, libres, hurlants, les riffs sont classiques et efficaces, groovant avec sobriété. Le batteur est assez discret dans le mix mais a vraiment un toucher magique. Les titres ne traînent jamais en longueur, pourtant les ambiances sont volontiers changeantes au sein des trois ou quatre minutes qui les composent. Le côté psychédélique et heavy / doom est encore renforcé ici, et on ne s’en plaindra pas. La bizarre impression de se retrouver plongé dans une dimension parallèle où Tony Iommi serait né à Harlem plutôt qu’à Birmingham, on s’y fait vite, et on ne peut bientôt plus se passer d’un Vqui passe si vite qu’il donne envie de remettre le couvert.
Un an après leur dernier LP Performance, nos Texans surexcités reviennent ici avec un huitième et imprévisible album, Side Effects. Imprévible cet opus l’est car White Denim pourrait s’apparenter aux Allman Bothers sous amphétamines, à savoir des riffs accrocheurs au sein de structures parfois kraut, parfois classic rock, parfois psyché : un son toujours nerveux et sans concessions, variant sans cesse.
La bande de déjantés texane se joue une fois de plus des structures musicales attendues, un constat qui émerge dès le premier morceau « Small Talk (Feeling Control). » Et si l’album continue dans la même lignée, c’est « NY Money »qui sera de première surprise et s’avèrera être le centre de ces neuf titres. Commençant de façon classique avec une structure harmonique accrocheuse et un chant rapide, le morceau se désaxe vers la 4ème minute pour partir en jam psyché planante, riche de multiples couches de guitares s’entremêlant comme autant de reflets scintillants.
Le titre est suivi de l’interlude « Out of Doors « où les répétitions rappelleront les cadences africaines, une source d’influence qui disparaît entièrement sur un « Reversed Mirror » dont la longue instrumentation des plus chics nous ramènera, elle, vers le milieu des années 70.
Rockeurs hyperactifs aux riches influences, nos Texans, rangers des contrées sonores, ne sont toujours pas dans l’errance ; avec ce huitième album, leur discographie demeure aussi cohérente que riche et créative, et çaaprès déjà plus dix années.
Si la power-pop a acquis ses lettres de noblesse, Matthew Sweet fait partie de ceux qui les lui ont données aux côtés d’autres contournables. C’est dire si l’auteur de Tomorrow Forever l‘année dernire avait à nouveau eu son heure de gloire auprès d’un public de plus en plus large. On comprends alors qu’il ne souhaite pas en rester là et qu’il « récidive » aujourd’hui avec cette « sequel » logiquement nommée Tomorrow’s Daughter.
Une fois de plus, Matthew Sweet reste dans son élément avec sa power-pop toujours aussi implacables. De l’introductif « I Belong To You » rappelant quelque peu The Byrds dans la démarche à « Show Me » en passant par les entraînants « Lady Frankenstein », « Years » ou encore « Something Someone », ll’artiste possède toujours autant sa verve et son énergie aussi caractéristique.
Même si rien de révolutionnaire n’est à souligner sur cet opus, Matthew Sweet reste toujours aussi constant dans sa démarche allant de la jangle-pop au rock alternatif des années 1990 réminiscent de l’âge d’or de MTV. Que ce soit sur « Girl With Cat », « Now Was The Future » ou bien même sur « Ever After », on a affaire à un plutôt bon album de faces B de Tomorrow Forever montrant un talent quasi-intact.
La formation diigée par Michael Collins sort ici Raw Honey, un deuxième album dont on peut espérer qu’il passera moins inaperçu que son premier, paru en 2016.
Avec Mac Demarco aux commandes, Drugdealer continue sur sa lancée de compositions soft-rock dignes des années 1970, résolument planants et mélodiques. Il suffit de fermer les yeux et de se laisser emporter par les douces ritournellesde la trempe de l’introduction instrumentale « You’ve Got To Be Kidding ».
Comme sur l’album précédent, la voix de Natalie Mering alias Weyes Blood survole avec classe l’agréable et sucré « Honey » qui rappelle son dernier album de tandis que Harley Hill-Raymond joue les crooners sur un « Lonely » réminiscent de The Hollies et que le chanteur de country new-yorkais Dougie Poole est convié sur le plus cinématographique « Wild Motion » évocateur deRoy Orbison dans la démarche.
Pour le reste, Drugdealer nous offre un condensé de nostalgie à travers des titres résolument smooth nous donnant envie de rouler en décapotable les cheveux au vent sur les ambiances dignes du Magic Mystery Tour de « Lost In My Dream » ou encore la merveilleuse « If You Don’t Know Now, You Never Will ».
S’achevant sur l’instrumental solennel nommé « Ending On A Hi Note », Drugdealer est de retour avec un disque qui tombe pile poil pour les printemps ensoleillés où les températures avoisinent les vingtaines de degrés. Raw Honey est tout simplement un doux nectar musical où son soft-rock vintage et remis au goût du jour ne pourrait que chatouiller agréablement nos oreilles.
Le dernier album de The Tallest Man On Earth, Dark Bird Is A Home, ne méritait pas d’être marqué d’une pierre blanche. Il est vrai que Kristian Matsson nous avait habitué à mieux dans le passé. Quatre ans plus tard, le tir se devait d’être rectifié ; il porte le nom de son nouvel opus, I Love You. It’s A Fever Dream.
Ce qui avait quelque peu obéré Dark Bird Is A Home, c’était la volonté pour l’auteur-compositeur-interprète suédois d’engager un live-band. Le résultat en a été qu’on a perdu ce côté intimiste que l’on appréciait tant.
Pour ce nouvel album, il opère un virage à 90° en revenant à ses sources ; celles où il n’est armé que de sa guitare acoustique et de quelques arrangements discrets. Ainsi, l’émotion est de nouveau au rendez-vous à l’écoute des morceaux allant de « Hotel Bar » à « All I Can Keep Is Now » en passant par les sentimentaux « There’s A Girl », « I’m A Stranger Now » et « Waiting For My Ghost » qui renoueront avec la magie des débuts.
I Love You. It’s a Fever Dream. est un disque personnel car Kristian Matsson a traversé un divorce pour le moins traumatisant et on ressent toute sa peine tout au long de ce nouveau disque. Que ce soit sur « My Dear », sur « I’ll Be A Sky » ou bien même sur la conclusion éponyme, The Tallest Man On Earth sait émouvoir son auditeur comme peu réussivent à le faire en empruntant cette même voie.
Il sera malaisé de cataloguer cette jeune auteure compositrice si ce n’est l’apparenter àa la nouvelle sphère britpop. Produit par Simon Felice et David Baron, qui semblent lui avoir majoritairement laissé carte blanche, on notera très vte la qualité de leur travail discret à travers des morceaux comme « My Motto » ou « Ruin »s, dans lesquels les instruments à corde accompagnent l’artiste en arrière plan, pour complètement laisser place à sa voix seule sur d’autres titres comme pour la poser sur un piédestal lumineux.
Alternant entre douces mélodies et explosions vocales (« Love Has All Been Done Before », « I Get No Joy »), entre refrains colériques et réflexions calmes sur les relations amoureuses et la découverte de soi (« Does Anybody Know »), Jane Bird fait déjà preuve d’une assurance surprenante pour ses 21 printemps.
Jade Bird afait pourtant déjà parler d’elle de l’autre côté de la Manche puisque, après avoir assuré la première partie d’Hozier, de Father John Misty, de Brandi Carlile et de First Aid Kit, cette fan de Bruce Springsteen se lance en solo pour une tournée en Angleterre et aux Etats-Unis. On remarquera à cet égard que son album rassemble les influences de tous ces artistes réunis.
Résolument country, le timbre de voix de la jeune femme n’est pas sans rappeler celui de la tout aussi talentueuse Amy McDonald. Une voix versatile, qui se veut à la fois réservée, calme et limpide sur les balades, mais aussi puissante, énervée, piquante comme du papier de verre sur les morceaux plus rock.
Si le thème de ses chansons semble avoir été visité des centaines de fois (la réalisation soudaine qu’un couple n’est pas toujours ce qu’il semble être), la chanteuse a au moins le mérite d’attirer l’attention par son énergie destructrice et ses paroles ponctuées d’un humour sans borne, presque insolent.
Si cet album éponyme surprend, c’est aussi parce qu’il est difficile de mettre une étiquette dessus. Pop-Folk ? Country ? Acoustique ? Sur certains titres, l’auditeur se laisse porter par une douce introduction avant d’être catapulté dans une bagarre de salon, des fenêtres qui se brisent et des chaises qui fracassent le sol.
Bird a compris comment jongler entre savant mélange de solos acoustiques et refrains furieusement rock’n’roll et, par conséquent,proposer de quoi séduire tout le monde. Ne lui restera plus qu’à continuer sur une voie qui lui soit propre.
Il y a trois années et demi de cela, le groupe de Bowling Green avait connu la consécration avec son quatrième disque Tell Me I’m Pretty produit par Dan Auerbach qui lui avait permis de remporter le Grammy du meilleur album rock. Le combo est, aujourd’hui, de retour avec son successeur, Social Cues.
Ce nouvel opus n’est pas intrinsèquement différent de son prédécessuer mais, tout en marchant sur ses pas de son prédécesseur, Cage The Elephant continue d’explorer l’âge d’or du rock’n’roll avec un soupçon « radio-friendly » pour ne pas surprendre son auditeur. Ecrit alors que Matt Shultz a traversé des périodes un peu troubles dans sa vie personnelle, il en résulte un disque où ils visent clairement plus haut comme l’atteste l’introduction space-glam nommée « Broken Boy » qui sonne comme une fusion entre David Bowie et MGMT ou les plus immédiats « Black Madonna » et « Skin and Bones ». Que l’on aime ou l’on déteste, nul ne doute que le groupe de Kentucky est bien de retour.
Il s’agit également de leur disque le plus diversifié allant des influences reggae-dub sur « Night Running » conviant le toujours aussi déluré Beck aux allures post-punk sur « House of Glass ». Cage The Elephant arrive à balancer le côté garage-blues qui a longtemps fait sa réputation avec « Ready To Let Go » qui fait écho à la vie personnelle de Matt Shultz et sure un « Love’s The Only Way » aux arrangements de corde somptueux ou « What I’m Becoming ». Ces morceaux arrivent à transmettre à la perfection ce qu’a traversé Matt Shultz avec un divorce qui a gaspillé son énergie en particulier sur un déchirant « Goodbye » en titre de final.
Avec Social Cues, Cage The Elephant signe son disque le plus hétéroclite de leur discographie mais aussi le plus abouti et cohérent. Prouvant qu’il est capable les de se renouveler comme bon lui semble, le sextet du Kentucky, en appuyant les textes personnels de son auteur, arrive avec succès à conjuguer passé, présent et futur.
Bien que sorti l’année dernière, impossible de ne pas parler du dernier album, Сka3ka, du phénomène russe Ic3peak.
Leur précédent opus Сладкая Жизнь / Sweet Life, avait été malencontreusement oublié mais Cka3ka, bien que moins rageur, possède une musicalité des plus singulières, plongeant ses racines dans la bass music, la trap, la witch house et les expérimentations électroniques transversales, appuyés par un coté « Pop » qui rend le tout hypnotique.
La voix de Nastya n’y est pas pour rien, ensorcelant l’auditeur à coups de susurrements enfantins et de décharges sensuelles à dresser les pores de la peau.
Elle alterne les modulations vocales avec une aisance et une diversité qui forcent l’oreille et à se pencher sur le travail de production pertinent, aidée qu’elle est par son acolyte Nick, véritable artisan d’instrumentations trépidantes et tendues, où basses monstrueuses et synthés malades bâtissent des ambiances caverneuses et inquiétantes.
Sous les textes et la musique d’Ic3speak se cachent une poésie sombre et engagée, renvoyant à la situation plus que fragile de leur pays d’origine, certains de leurs concerts s’étant vus censurés par la police, et eux-mêmes arrêtés plusieurs fois. Les contes de fées du duo, sont le reflet terrible d’une jeunesse rêvant de liberté et de soleil radieux, de silences brisés et de droits d’expression. Très fortement recommandé.