Siskiyou: « Not Somewhere »

31 mai 2019

Siskiyou n’en est pas à un coup d’essai avec sa folk hybride qui avait peine à choisir entre une certaine tendance au contemplation et une propension à l’expérimentation. On y trouvait parfois son compte, suffisamment en tout cas pour que le combo remette le couvert avec sa pop-folk un peu bricolée telle qu’il nous la propose sur Not Somewhere.

L’album opère un virage vers un style plus épuré, apaisé, presque en apesanteur. Les éléments les plus équivoques ont été fondus dans l’ensemble, et sont donc plus digestes.

Une atmosphère beaucoup plus bucolique et élégiaque habillera ainsi l’ensemble du disque. Homogène et agréable, il s’écoulera et s’écoutera alors comme des jours tranquilles au sein d’un petit cocon préservé des affres de la civilisation. On peut aimer au point de trouver charme à la monotonie générée tant que, comme ici, elle ne rime pas avec ennui.

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Bibio: « Ribbons »

30 mai 2019

Après une parenthèse ambient en 2017, avec Phantom Brickworks, Bibio revient à quelque chose de plus naturel pour lui, à un format chanson pop folk tel qu’on le connait et qui se trouve être un nouveau motif de bonheur et de plaisir absolu.

L’aspect bucolique qui caractérisait ses précédentes productions se décline encore une fois dans des chansons où la nature semble présente à chaque instant ou presque, avec en plus ici des influences irlandaises ou écossaises, matérialisées par la présence presque surprenante de flûtes et de violons aux accents celtiques sur « Curls », « Watch The Flies » et d’autres titres encore.

D’une tonalité globalement mélancolique, et même si l’on pourra danser sur « Old Graffiti », Ribbons n’en reste pas moins un album chaleureux et dans lequel on se sent bien à observer, au travers des carreaux d’une petite maison, la nature et les animaux.

***1/2


Tyler Ramsey: « For The Morning »

30 mai 2019

Deux ans après avoir quitté Band of Horses où il officiait depuis une décennie pour reprendre sa carrière solo, Tyler Ramsey revient avec For The Morning, son quatrième album, le premier depuis The Valley Wind paru en 2011. Et il n’a pas tellement changé. Œuvrant toujours dans un registre folk-rock gracieux et intimiste, cet adepte du fingerpicking évoque dans ses textes sa vie de musicien sur la route, qu’il veut désormais davantage accorder avec celle de sa famille et surtout sa récente paternité, ou bien encore son amour d’une nature belle et sauvage, celle-là même qui l’entoure au quotidien, tout autour de sa maison dans la campagne des environs d’Asheville en Caroline du Nord. Le son très spacieux et ample de ce nouvel album, enregistré à Louisville dans le Kentucky, principalement en compagnie de ses amis de longue date, les impeccables Kevin Ratterman (batterie, guitares, qui s’est également occupé de l’enregistrement et du mixage) et Seth Kauffman (basse, batterie, guitares, membre de Floating Action), qui ont tous deux collaboré avec My Morning Jacket et Ray LaMontagne, est le parfait écrin pour ses nouvelles compositions et on se régale de tous ces détails de production minutieux, l’ensemble sonnant tout de même de manière très naturelle. La superbe voix de Ramsey, que l’on peut rapprocher de celle de Neil Young, est également parfaitement mise en valeur.
Le chanteur peut ainsi dérouler sereinement ses chansons. L’admirable ouverture « Your Whole Life » reflète parfaitement ce sentiment de quiétude qui l’habite et laisse bientôt la place à « A Dream Of Home ». Tout son talent de compositeur ardent et sensible éclate dans ce splendide morceau : des paroles à la musique, des guitares à la rythmique, tout est parfaitement en place. Il y a quelque chose d’intemporel dans ce titre, d’intimidant presque, d’immédiat aussi, qui en fait instantanément le meilleur du disque. Ce dernier va ensuite pareillement alterner entre morceaux calmes à large dominante acoustique et titres plus enlevés. On peut ranger « White Coat », où le jeu de guitare de Ramsey fait merveille, et la langoureuse « Cheap Summer Dres » » dans la première catégorie, alors que « Evening Country » et la très belle « Breaking A Heart » appartiennent à la seconde. « Evening Country » se trouve être une réinterprétation en mode country de « Evening Kitchen », morceau acoustique que Ramsey avait composé pour Infinite Arms, le troisième album de Band of Horses sorti en 2010. Les ajouts de chœurs doux et rêveurs et d’une pedal steel légère la rendent particulièrement appréciable.


« The Bottom Of The Sea » est une belle comosition de presque six minutes qui prend bien le temps d’installer son ambiance à la fois alanguie et paisible, grâce notamment à de beaux arrangements de violons. Comme à son habitude dans ses disques, Ramsey distille ensuite une plage instrumentale envoûtante, ici « Darkest Clouds », qui constitue en fait le premier segment d’un diptyque formé avec « Firewood ». Ces deux morceaux, qui s’enchaînent naturellement et pourraient aisément ne faire qu’un, sont indéniablement un autre temps fort de cet album. Tout à la fois intense, puissamment évocateur et délicat, le natif de Cincinnati tisse lentement sa toile, sa dextérité et sa maîtrise totale de son instrument atteignant une forme de plénitude absolument remarquable, poussant un duo d’abord inquiet et quelque peu sombre vers une clarté apaisante, après avoir été rejoint à point nommé par ses compagnons musiciens. « For The Morning », consacré à sa petite fille, vient conclure le tout comme il avait débuté, avec élégance et douceur, bouclant définitivement la boucle, puisque ce dernier titre fut en fait le premier que Ramsey composa pour son nouveau projet.
Après huit ans d’absence, Tyler Ramsey nous gratifie, pour relancer sa carrière solo, d’un disque à son image, chaleureux, plein de charme et de classe. For The Morning est une œuvre qui prend son temps pour dévoiler ses atouts et qui donc se savoure sur le long terme et se révèle meilleure à chaque écoute. Un retour parfait pour cet artiste talentueux, discret et affable, dont on guettera avec envie et curiosité la suite des aproductions.

****1/2


Anatoly Grinberg & Mark Spybey: « 123 m »

30 mai 2019

La rencontre entre Anatoly Grinberg alias Tokee et Mark Spybey (ex Zoviet France / Dead Voices On Air), ne pouvait faire que des étincelles, embrasant tout sur son passage, à l’image du sublime album 123 m, plongée en apnée dans une ambient funèbre, qui peint de noir les paysages sur lesquels elle se déplace.

Le russe et l’anglais proposent un album aux ambiances cinématographiques, où les field recordings forment une matière première enrobant les machines, disparaissant derrière des mélodies sombres et suintantes, glissant sur des tapis recouverts de matière organique souvent méconnaissable.

La production chirurgicale est d’une efficacité phénoménale, véritable sound design aux sursauts imprévisibles. Les vociférations gutturales semées avec parcimonie, tendent à ajouter un coté horrifique à la musique, à rapprocher de bandes son de films gore.

123 m est un objet sonore profondément bouleversant, de par sa tribalité sophistiquée et l’obscurité qui s’en dégage, envolée vers des terres défigurées par la violence de l’âme humaine, trou noir sans fond à la désolation irrévocable. Envoûtant.

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slowthai: « Nothing Great About Britain »

30 mai 2019

Tyrone Raymone Frampton, alias slowthai, est devenu en l’espace de quelques mois la nouvelle coqueluche grime de l’autre coté de La Manche. Avec son énergie punk, qui n’est pas sans évoquer Sleaford Mods , et ses paroles politiquement chargées, s’en prenant à peu près à tout ce qui bouge dans l’establishment britannique, slowthai est un jeune homme qui sait faire valser les mots avec un style qui lui est propre, rappelant parfois celui de Mike Skinner alis The Streets.

Adoubé par Skepta, invité sur le titre « Inglorious, » le jeune MC livre un premier album Nothing Great About Britain, dont le titre est à lui seul une déclaration d’intention. Les productions riches et complexes, à la diversité bluffante, chargées de sub-bass et de rythmiques puissantes, confèrent à l’ensemble une densité physique imposante.

slowthai est en passe de s’imposer comme un des nouveaux fers de lance de la scène hip hop britannique, de par sa capacité à écrire des textes aux vitrioles, tout en gardant une certaine dérision, le tout appuyé par des clips travaillés qui offrent une vision assez concentrée de son univers musical malgré tout relativement éclectique. Très fortement recommandé.

***1/2


The Amazons: « Future Dust »

30 mai 2019

Après leur premier album qui n’avait pas fait l’unanimité, ce quatuor de Reading à qui on avait promis une place confortable au sein du rock dévoile Future Dust après quatre « singles » qui avaient servi de « teaser ».

Le premier d’entre eux, « Mother », ouvre les hostilités sous forme de petite bombe rock faisant espérer que l’ensemble du nouvel album allait lui ressembler. Dans leur style « stadium rock », on pourra apprécier l’intro assez calme qui laisse ensuite place aux riffs habituels propres au genre. Le refrain est plus que plaisant, et le final surprend avec une transition pour embrayer sur la suite qui se laisse écouter.

Arrivera ensuite « Fuzzy Tree » ; voix et guitares prendront une grande place suivie eneuite de « 25 » qui viendras redonner un peu de pétillant dans ce style désinvolte auquel on est habitué de la part de Amazons. « The Mire », petite interlude, interrogera alors, chose qui s’accentuera avec « Doubt It » dont on se demande pour quelle raison il a été choisi pour promouvoir l’album.

En effet, si les solos sont judicieux et les chœurs ne sont pas de trop l’ensemble semble un peu trop s’éterniser sur la fin. Voici désormais « All Over Town », un poil plus calme et qui nous emmène dans une balade bien agréable. Les guitares sont plus en retrait, ce qui aurait pu être l’occasion pour la basse de se mettre en valeur.

« End of Wonder » viendra tenter de remettre les pendules à l’heure mais la tentative y est vrain tant le rythme est peu convaincant et les choeurs sont cette fois-ci un peu de trop même si es solos sont plus que convenables.

Avec ces nouvelles chansons, The Amazons reste dans la lignée du premier album : quelques chansons marquantes, d’autres que l’on oubliera, mais dans l’ensemble un potentiel que l’on ne peut nier et qui restera encore à confimer.

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Ellicist : »Point Defects »

30 mai 2019

Comme souvent, lorsque deux musiciens actifs par ailleurs (au sein de groupes, ou en solo) se retrouvent pour constituer une nouvelle formation, c’est le label qui héberge leurs autres projets qui publie la résultante de cette rencontre. C’est ainsi qu’Ellicist voit son premier album sorti par le label berlinois, attentif aux carrières parallèles de deux intervenants familiers de cette structure : Florian Zimmer fut membre de Lali Puna aux débuts du groupe avant de rejoindre notamment Saroos, pendant que Thomas Chousos, sous le nom de Tadklimp, multiplie les participations aux albums de Fenster, Slow Steve ou Rayon.

Avec de tels héritages, on imaginait plutôt un disque de pop, légèrement matinée d’électro. Surprise, donc, à l’écoute de Point Defects car il s’agit, en vérité, d’une proposition électronique minimaliste, avec souffles, touches de synthé impressionnistes, accords pastels, perturbations des bribes mélodiques et mini-cut-ups.

Au-delà de l’étonnement de trouver un tel registre sur Morr Music, qui renoue là avec des sonorités que le label pouvait accueillir dans ses premières années, au début du siècle, on est en mesure de goûter les huit morceaux d’un album limité à vingt-sept minutes. On tient d’ailleurs ici une limite de ce premier effort, probablement trop bref dans son ensemble, et livrant des titres pas suffisamment longs.

Restent néanmoins l’intérêt de la découverte et la capacité d’Ellicist à se renouveler, y compris sur cette petite demi-heure. En témoigne, par exemple, les accointances quasi-dub des rythmiques d’ « Ihnen Steg » ou les percussions semblant être frappées à la main de « Ponds & Graves ». Plus généralement, on gardera en mémoire une approche non ostentatoire, marquée par une forme de délicatesse dans le toucher, qui pourrait peut-être gagner à se bousculer un peu mais qui séduit malgré tout.

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El-P x Leonis: « I’ll Sleep When You’re Dead Remix »

29 mai 2019

Décidément Leonis n’a pas froid aux yeux ! S’il nous avait emballé l’année dernière avec son album Europa, on était en droit de s’interroger sur son nouveau projet, reprendre le chef-d’oeuvre I’ll Sleep When You’re Dead d’ EI-P, sorti en 2007 et d’en livrer une relecture complètement débridée.

Avant de chroniquer cette expérience, je me suis replongé dans l’original, histoire de me le remettre entre les oreilles et de m’en imprégner, de ressentir les vrombissements du génial MC américain, appuyé par un fond sonore rythmique aux allures de rouleau compresseur, enrobé d’urbanité suintante.

Avec I’ll Sleep WhenYou’re Dead Remix, Leonis garde la voix d EI-P et lui offre un nouvel écrin, où les tempos se fond moins lourds, gagnant en légèreté sans perdre en efficacité, pouvant même se targuer d’emmener Habeas Corpses (Draconian Love) sur des terres funky au groove lumineux.

Leonis développe sur chaque plage une approche pleine de subtilité et d’intelligence, agençant les samples avec un talent qui met le smile, transformant un classique en autre classique, jouant avec les clins d’oeil à la culture noire américaine, juxtaposant les styles, un peu de sixties italien par-ci et de groove seventies, de touches jazzy et de psychédélisme, le tout habillé de rythmiques flirtant avec une certaine tradition old-school.

Un album au travail époustouflant, qui confirme que le hip hop peut se construire en empruntant dans tous les genres sans exception, pour qui sait manier le samples avec brio, à l’image du nouvel opus de Leonis. Vital.

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pronoun: « i’ll show you stronger »

29 mai 2019

Depuis qu’elle a publié un premier E.P. : there’s no one new around you, la popularité de pronoun est montée en flèche de manière surprenante. Alyse Vellturo de son vrai nom ,s’emploie désormais à sortir de l’ombre avec un « debut » album nommé i’ll show you stronger qui la voit vouloir confirmer les impressions initiales .

La force de pronoun est puisée entre pop de chambre, indie rock et effusions synthpop pour en faire un disque fort en caractère. Ces douze morceaux permettent de définir l’univers musical de pronoun partagé entre Alvvays, Waxahatchee et Stars mais en plus pop-rock dont le titre introductif bien nerveux nommé « you’re not trying at all » ou encore « you didn’t even make the med » et « stay ».

L’interprétation riche en émotions de la native de Brooklyn aura de quoi laisser pantois plus d’un (et je la soupçonne d’avoir trop écouté Enya ou Bjork à un point que ça en devient un peu troublant) que ce soit sur « sadie » et « some people ».

Il y en a pour tous les goûts pour i’ll show you stronger où l’on vacille entre moments bien rentre-dedans (« temporary tantrum ») d’autres plus dansants (« the pieces of you ») ou plus mélancolique (« for the story »).

Chaque morceau possède sa propre identité et pronoun sait exorciser ses maux les plus profonds par moments de façon théâtrale et, à d’autres, de menière quelque peu convenue qui n’empêcheront, toutefois, pas à ce disque de se faire remarquer pour sa singularité.

***1/2


Paula Temple: « Edge Of Everything »

29 mai 2019

Depuis plus de deux décennies, Paula Temple enflamme les dancefloors de la planète avec ses sets furieusement rentre dedans, mais ce n’est qu’aujourd’hui qu’elle sort son premier album, Edge Of Everything.

Pas de doute, la rage est toujours là, avec ses kicks techno dévastateurs et ses synthés agressifs, bâtissant des atmosphères sombres débordant de matière organique corrosive, entrecoupées de plages ambient, histoire de se pauser et de prendre du recul.

L’artiste nous livre un album en forme de manifeste politique, musique engagée jusqu’au bout des ongles avec des titres qui en disent long sur ses motivations, conçus avec une simplicité de sons qui force le respect.

Paula Temple ne sort pas un disque pour faire de la figuration, mais pour frapper fort et faire danser nos neurones sur des rythmiques binaires qui donnent le tournis, nous faire ouvrir les yeux et les oreilles avant la dernière décharge qui menace notre humanité, à l’image du trou noir central de la pochette. Très fortement recommandé.

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