Robyn Hitchcock: « Robyn Hitchcock »

19 avril 2017

Robyn Hitchcock est une icône excentrique aussi, à ce titre, sa carrière a connu maints rebondissements. La pop sur ce nouvel opus est teintée de psychédélisme mais elle conserve toujours son originalité facétieuse enrobée, ici, de tonalités plus sérieuses. Ceci est sans doute lié à une environnement musical plus posé, en particulier des « backing vocals » assurés par Emma Swift, Grant Lee Philips et Pat Sansone de Wilco.

Si on prend par exemple le savoureux «  Mad Shelley’s Letterbox » avec un chorus en « singalong » tout droit tiré de Underwater Moonlight et qu’on y considère ses textes lysergiques acidulés par une production moins fiévreuse, on retrouve un musicien en pleine forme, un artiste pour qui les mélodies, toujours aussi fortes, sont verrouillées par une forme de retenue.

«  I Want To Tell You About What I Want » nous présente un chanteur dont la voix navique sur plusieurs registres et « Virginia Woolf fascinera par sa joliesse familière et entraînante.Beatles et Stones sont également évoqués sur un «  I Pray When I’m Drunk » délicieusement et inhabituellement country et « Sayonara Judge » nous montrera tout le talent de Hitchcock à composer de merveilleuses ballades.

De ce panorama et ce savoir faire, on retiendra un exhaustivité qui vire à la nostalgie. Celle-ci sera encore plus prégnante avec « Raymond and the Wire », somptueuse composition baroque sertie de violoncelle en mémoire au père de Hitchcock. Les références aux notions de prise d’âge sont, alors, judicieusement sublimées comme pour, album éponyme oblige, enraciner et faire perdurer une aura, celle d’une époque où un titre psyche comme le « closer » « Time Coast » nous montrera que la passé n’est pas irrémédiablement figé.

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Circa Waves: « Different Creatures »

17 avril 2017

Le « debut album » de Circa Waves, Young Chasers, était une bien belle démonstration d’exubérance juvénile de par des riffs appuyés, pour son « follow-up » le quatuor de la Mersey a décidé de monter un peu plus la vitesse d’exécution.

Different Creatures est plus impétueux que son prédécesseur et s’honore d’un son allant encore plus loin dans les décibels et la distorsion. Ici,le combo semble avoir bien intégré ce qui se profile pour lui : des festivals et une attitude alt-rock et bravache. Format infatigable fait de chansons pop rock infatigable, mélodies aérées et riffs bouillants appuyés sur un mur de guitares il n’est question qu’offrir un « gros » son sans ressentir le besoin de grandir.

Rien de mal à cela dans la mesure où les textes insitent sur la notion de transition, de mouvement d’une phase vers l’autre. Ainsi « Crying Shame » ou « Fire That Burns » glosent avec intensité sur la thématique des relations dysfonctionnelles alors que « Out Of My Own » se frotte à une prise de conscience : indépendance peut rimer avec isolation.

Different Creatures est, sans aucun doute, un album de bon « gros » rock mais « Love’s Run Out », un des morceaux les plus tendres est aussi le titre phare du disque. Ici, une guitare acoustique et un simple phrasé de voix suffisent à emporter la mise et nous toucher.À cet égard il appartiendra au combo de décider si opter vers ce répertoire plus dépouillé est signe d‘acalmie ou de nouvel élan vers plus d’assurance.

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Cheshires: « Cheshires »

16 avril 2017

De Remy Zero, un groupe d’Alabama connu par son approche et ses textes ésotériques, est né Cheshires combo réunissant Shelby Tate (le vrai nom de Zero), Louis Schefano et Leslie Van Tresse pour un « debut album » qui sonne comme une extension de ce que fut RZ originalement.

Sur une douzaine de plages,Cheshires rassemble ainsi une collection de titres moroses dont l’élan est néanmoins bien plus extraverti que ce qu’on aurait pu attendre d’un trio.

La musique date un peu par moments avec des tonalités « home demo » mais, comme il arrive cycliquement qu’on se penche sur le passé, son parfum nostalgique ne devrait pas en souffrir. On voyage donc dans une resucée de Pavement ou Dinosaur Jr qui, faute d’être original, n’efface en rien le confort qu’on peut éprouver à l’écouter.

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Choir of Young Believers: « Grasque »

16 avril 2017

Quatre années ont passé depuis que Jannis Noya Makrigiannis et son ensemble, Choir of Young Believers, ont sorti leur dernier album, le hanté,Rhine Gold. Ces quatre ans ont mené à une démarche de réinvention, de fusion et d’expérimentation. Grasque est le produit, 3 ans plus tard, de cette réflexion ; un disque kaléidoscopique qui, pour les Danois, est une véritable volte-face par rapport à leur pop orchestrale.

L’opus se caractérise par un son tiré de la fin des années 80, par exemple le lunatique « Face Melting » qui alterne les hauts et les bas tout au long de ses sept minutes, titre qui éoque des heures aussi diverses que ces climats ou un « clubber » imbibé de produits stupéfiants tente désespérément de s’introduire dans une discothèque tard le soir avant de d’écrouler sur le sol dans les 5 heures du matin.

Les morceaux phares est pourtant «  Græske » et « Jeg Ser Dig », distillant tous deux un climat qui jalonne l’album dans don intégralité. Là intervient le bat qui blesse ; Grasque prétend vouloir promettre beaucoup de choses mais il ne les délivre pas véritablement. On a affaire à une profession de foi qui se veut grandiose mais qui échoue misérablement : ainsi, «  Perfect Escosada » nous offre plus la vision d’une personne titubant que celle d’une élégance dont le noctambulisme se veut porteur, rafales sonores jaillissant du bar le plus proche, néons clinquant clignotant dans les allées et l’odeur d’une boisson s’insinuant hors de chaque taverne.

Ici se trouve le siège d’un expérience qui n’est sans doute pas celle dont Makrigiannis avait rêvé. Même dans les passages les plus forts (le groove affriolant de « Gomma Moth » ou «  Does It Look As If I Care ») la sensation est que les heures traînent en longueur et on ne peut se défaire de l’idée que les choses auraient méritées d’être plus ramassées. Reste une production luxuriante et festive ; il est dommageable de constater celle-ci est avant tout tape à l’oeil et trompeuse.

**1/2


Children of Alice: « Children of Alice »

16 avril 2017

Children of Alice, selon leurs propres dires produisent, depuis plusieurs années, des paysages sonores à la fois amorphes et intoxicants sous le patronyme du collectif Folklore Tapes. Ils sont constitués de James Cargil, son collègue Raj Stevens (Broadcast) et Julian House co-fondateur de Ghost Box Records.

Ce « debut album » se veut difficile tant, si on s’en tient à la terminologie « amorphe », il n’a pas véritablement de forme identifiable. Le résultat noua amène à quelque chose qui peut s’avérer excitant et vecteur de sens mais cela peut également signifier un manque de structure et de focus. C’est un peu dans ce travers que tombe l’album.



Celui-ci est bâti autour de quatre passages, « Harbinger of Spring », « Rite of the Maypole », « Invocation of a Midsummer Reverie » et « The Liminal Space ». Amorple il l’est certes mais il a néanmoins une fonction hypnotique dans la mesure où il semble vouloir cumuler les espaces en, hélas,les étirant d’une manière qui semble affranchie de toute limite. On peut aimer le jeu sur le son mais on peut, aussi, y trouver une ébauche de mélodie ou de rythme ; rien de tel ici mais plutôt la sensation d’un disque qui veut en dire beaucoup sans, toutefois, exprimer quelque chose. Children of Alice est, paradoxalement, un opus insulaire et verrouillé.

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Captain of the Lost Waves: « Hidden Gems – Chapter 1 »

16 avril 2017

Comme Ziggy Stardust ou Sgt. Pepper, Captain of the Lost Waves appartient à cette tradition très anglaise de musiciens masquant leurs identités sous des alter egos. Ce qui sépare Captain des autres, par contre, est que son véritable nom nous reste inconnu. Ce n’est pas son album, Hidden Gems – Chapter 1, qui nous donnera des indices. Tout au plus peut-on y noter quelques pierres angulaires (le rock progressif de Jethro Tull, l’expérimentalisme de de Brain Wilson) et y noter que le groupe prospère dans ce no man’s land qui amalgame cabaret,vaudeville et cirque.

La production est minimaliste et l’instrumentation obscure, à l’image de ce que serait un assemblage de troubadours bohèmes enregistrée par un anthropologiste musical pour la postérité.

Hidden Gems oscille entre le larmoyant ou le mélodramatique (« Summer », « Another Planet ») et l‘espiègle humoristique (« Happy In Bed » ou « Danger », ode autocritique sur les auteurs compositeurs complaisants).

En résumé, voilà un disque des plus sincères dont l’honnêteté anticonformiste et séduisante nous fera espérer un deuxième chapitre.

***1/2


Flamingods: « Majesty »

14 avril 2017

Partageant son temps entre le Royaume Uni et Bahreïn, Flamingods persiste, sur ce troisième album, dans cette démarche atypique qui reflète son origine exotique. Majesty est le parfait reflet de ce qu’un tel titre peut impliquer, tant il nous transporte dans des territoires étrangers et transcendants où les tonalités sont rêveuses et hypnotiques que ce soit en termes de vocaux ou d’instrumentation.

Ainsi y sommes-nous catapultés dès la chanson titre rappelant Spaceman 3 et ses vibrations venues d’outre-monde alors que « Jungle Birds », lui, va mixer roots et funk made in Bollywood et que « Taboo Grooves » va aditioner garage rock et guitare façon Thirteenth Floor Elevators.

Plus loin, « Anya » présentera la bande originale idéale d’un film noir alors que le « closer, « Mountain Man » nous offrira une ascension frénétique à la Don Cherry.

Subliminalement, on se sent transporté dans un univers où le Yellow Submarine des Beatles naviguerait  avec la fluidité d’une mer chaloupée. Majesty est un opus « world » à mi-chemin entre folk exotique fracturé et cultures occidentales, un voyage dont on accepte la rémanence tant elle s’insinue dans les interstices de notre imagination.

***1/2


Cherry Glazzer: « Apocalipstick »

14 avril 2017
Le troisième album de ce trio de Los Angels les voit enfoncer un peu plus le clou de son évolution garage-rock. Le titre d’ouverture, « Told You I’d Be With The Guys » en est une introduction exemplaire avec des riffs de guitare, simplistes certes mais super addictifs.
Si on y ajoute des percussions qui frappent au plus profond et au plus lourd de là où elles peuvent aller et les vocaux de Clementine Creevy expressant de manière on ne peut plus explicite un besoin de solidarité féministe on n’aura aucun doute (ni ralentissement) sur ce à quoi Cherry Glazzer aspire.


Quelques titres « uptempo », « Humble Pro », plus émollients (« Nuclear Bomb ») ou plus hantés (« Nurse Ratched ») affineront un tableau qui se fermera sur une chanson titre, impressionnante marée instrumentale de guitares et de basse en fuzz se chevauchant l’une l’autre.

Apocalipstick ne dément pas l’appellation dont il se pare ; il a la dextérité suffisante et l’attitude qui va avec ses ambitions.

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C.K. Flach « Empty Mansions »

14 avril 2017

Ce musicien d’Albany dans l’état de New York a fait depuis longtemps partie du circuit indie-folk avec son groupe précédent, The Kindness. Son premier album solo ne va pas s’éloigner du style alt-folk dans lequel il se situe mais Flach va ici s’aventurer dans un univers conceptuel dont les thèmes principaux seront la fragmentation et la confusion dans lesquelles l’époque actuelle nous plonge.

Cette notion lui permet sans doute dde nous faire partager de longs moments d’expérimentation puisque nous vivons dans une ère marquée par l’incertitude et le tumulte.

Empty Mansions va essayer d’y trouver un sens tout au long des neuf titres, souvent parlés, qui abordent des thèmes comme l’amour, le racisme, la dissociation et le salut. Le disque trouve sa consistance grâce à un travail très complexe et un art de la composition assez raffiné. Les morceaux les plus frappants sont le « single » « Boxcar Dreaming » « road song » nostalgique frappé d’allégories empruntes de lassitude ainsi que « Calamty », une ballade mélancolique pleine de rêveries.

L’ensemble sonne hérité de ces climats fin 60’s tels qu’on les trouvait à Laurel Canyon avec, parfois, un peu trop de complaisance comme sur « Firmament ». Reste un album dont on salue une ambition et une exécution en tous points réussies.

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British Sea Power: « Let the Dancers Inherit the Party »

14 avril 2017

Il y a un écart très ténu entre ambition et prétention et c’est précisément dans cet interstice que British Sea Power s’est toujours situé. C’est sans doute pour cette raison que le combo est, à la fois, apprécié des critiques et jugé avec circonspection par le public parfois perplexe devant sa tendance à l’expérimentation et au « progressisme ».

Cette formula a, jusqu’à présent, souvent été gagnante et Let the Dancers Inherit the Party, leur nouvel album depuis quatre ans va les voir, sans cynisme, s’équilibrer entre ces deux propensions.

Point, ici, de musiques de films ou d’approche conceptuelle trop prononcée, cet opus est sans doute le plus direct que le combo ait jamais offert. Les onze titres ont une mouture fluide et cohérente sans trop de divergences vers une sensibilité intellectuelle.

Celle-ci demeure toutefois dans les graphiques, les vidéos et les références culturelles mais, l’essentiel va vers un auditoire qui a les goûts les plus simples. Le « single », « Bad Bohemian », l’exemplifie à merveille avec une attitude « stadium rock » et une pompe qui ne dépasse pas la veine « pop-rock ».

Le disque a cet apprêt lisse, contemporain et à mille lieux de l’intemporalité dont BSP se faisait le chantre. Les allusions politiques sont presque « normales » et sans fard (« Keep On Trying (Sechs Freunde) ») avec un clin d’oeil avec un message positif contrebalançant ce qui auparavant était perclu de sinistrose et de prise de tête.

On schématiserait en parlant de rock conceptuel si celui-ci se berçait d’accessibilité et on aurait mal à y coller des influences comme celles d’Arcade Fire, Joy Division ou, dans un registre plus commercial, Coldplay, si BSP puisaient tout autant dans des combos comme The Killers avec des tubes potentiels comme «  International Space Station » ou « Saint Jerome ».

Les passages les plus lents et introspectifs (« Electrical Kittens ») ou «  Want To Be Free » et « Alone Piano » complèteront le large spectre sonique ; celui-ci montrera, une fois de plus, que BSP est autant capable de se plonger dans son « back catalogue » que de ne pas attendre que celui-ci ait pris la poussière.

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