Thomas Bullock prête son oreille bien rodée à ce mélange hédoniste de disco, de post-punk et de krautrock. L’artiste est, en effet est un vagabond ; il a rejoint DJ Harvey en tant que membre du Tonka Sound System, il a, ensuite, fui le Criminal Justice and Public Order Act 1994 et a fini par apporter la rave à San Francisco au début des années 90 en tant que membre du Wicked crew. Après s’être installé à New York quelques années plus tard, il a lancé deux projets : A.R.E. Weapons, un groupe punk free-jazz qui, après quelques rebondissements stylistiques, a fini par signer chez Rough Trade et Rub N Tug, son duo de DJ avec Eric Duncan connu pour son approche hédoniste du disco.
Il a fait un million de choses depuis. Il a enregistré un album de boogie-rock psychédélique avec DJ Harvey sous le nom de Map Of Africa. Il a ensuite sorti un classique des Baléares,
Laughing Light Of Plenty, fait avec Ed Ruscha. Il a aussi écrit un livre sur le mezcal. La discographie de Bullock est l’œuvre d’un génie désordonné qui se fixe sur un projet, fait quelque chose de beau et passe ensuite à autre chose.
Tom Of England, le projet sur lequel Bullock se concentre depuis cinq ans, a ses racines dans un breuvage impliquant des psychédéliques, un brouillard épais et une visite de la police, ainsi qu’un retour à ses racines punk. Au fil des ans, Bullock a navigué dans un tiraillement personnel entre le punk et la musique de danse ; un besoin d’agressivité lié à ses racines punks. Le disco, lui aussi, est toujours là tout comme le punk rock. C’est comme si de nouveaux enfants prenaient la relève. Les tenues sont toutes les mêmes. Les pantalons sont noirs et serrés, les chaussures sont pointues. Après avoir fait ça un moment, on veut que le pantalon soit large et les chaussures rondes. Vous passez de l’un à l’autre. Tom Of England (et le projet connexe The Hankins Mountaineers) s’efforce de trouver un juste milieu. Il a édité The Fall et Kissing The Pink, ainsi qu’une couverture campante des Sex Pistols. Des pistes pour une piste de danse, quelque part – peut-être un tea party à New York.
Son premier album en tant que Tom Of England, Sex Monk Blues, est le point culminant de ces efforts. Combinant Suicide, post-punk, krautrock et ambient avec les leçons que Bullock a apprises en tant que DJ et producteur pour la piste de danse, l’album est cohésif mais anachronique. On ne sait jamais comment classer les six titres de Sex Monks Blues. Si l’on vous remettait le disque à l’aveuglette, vous auriez même du mal à identifier la décennie dans laquelle il a été enregistré.
Le Sex Monk Blues poursuit également le partenariat de Bullock avec Rene Love, avec qui il a enregistré quatre EPs sous le nom de Bobbie Marie au milieu des années 2000. Ils se sont rencontrés à l’époque de Wicked à San Francisco.
Alors que son chant désordonné polarise l’attention, Love est un parfait pendant, l’Alan Vega de Martin Rev. de Bullock sur « Sniffin’ At The Griffin », Love affecte un gémissement enivré sur une marque unique de synthpunk grand écran. Gabriel Andruzzi du groupe The Rapture ajoute finalement le saxophone au maelström. Divers personnages du passé de Bullock surgissent tout au long du disque, comme des visages amicaux se matérialisant lors d’une soirée brumeuse. Ed Ruscha pose une ligne de basse à la Jah Wobble sur « Neon Green « tandis que Harvey joue du kick drum sur « Be Me », un titre qui combine l’esthétique rigoureuse de Suicide avec l’énergie psychédélique de groupes new-yorkais du milieu des années 2000 comme Oneida.
Mais la pièce maîtresse est « Song Of The Sex Monk », une incantation de neuf minutes. Ici, le chant de Love est pour la plupart indéchiffrable, plus un chant, comme le titre le dicte. De subtiles touches de production de Bullock et de l’ingénieur de studio Chebon Littlefield – comme un breakdown composé de carillons de vent déformés – ajoutent des touches trippantes et expansives à la chanson magnifiquement discrète. Avec un peu plus de 30 minutes, Sex Monks Blues est un LP. Léger. C’est peut-être à cause de tous les kilomètres que Bullock a parcourus, des vies qu’il a vécues puis abandonnées, pour que ce disque soit épique.
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