The Gloaming: « 3 »

30 mars 2019

En matière de relecture contemporaine du folk, The Gloaming est certainement fort habile — et ce troisième album du quintette démontre que les musiciens n’ont pas perdu leur maîtrise de la nuance et de la tenue des longs mouvements. Ainsi faut-il aborder les soixante-dix minutes de 3 comme on entrerait à l’aube dans un brouillard épais : avec la certitude qu’une lumière percera et que rien ne sera préalablement tracé. Presque rien, précisons-le, car les mélodies avec voix — toujours en sean-nós, ce chant traditionnel irlandais — restent le maillon faible de The Gloaming.

Alors que les pièces instrumentales (à trois têtes : piano, violons et guitare) laissent voir toute la finesse du jeu et des arrangements, comme l’évolutive « The Lobster » ou l’immense ondulation « Doctor O’Neil », les hybrides comme « Áthas » ou « Reo » tombent dans un ton affecté qui surprend, et même déçoit. Mais un album ne tient pas qu’à une chose : avec ses airs traditionnels aux canevas légèrement déconstruits, The Gloaming sait encore nous transporter.


Billie Eilish: « When We All Fall Asleep, Where Do We Go? »

30 mars 2019

La californienne Billie Eilish n’avait que 14 ans lorsqu’est apparue sur Soundcloud sa première chanson, Ocean Eyes, et n’a pas encore atteint la majorité aujourd’hui alors que paraît son premier album. En trois ans cependant, elle a réussi à rallier autour de son répertoire introspectif et douloureux une armée de jeunes fans qui reconnaissent dans sa voix, toujours douce mais tellement inquiétante, l’expression de leurs angoisses adolescentes. Coréalisé avec son frère Finneas O’Connell, ce premier disque est classique sur le fond et juste assez singulier dans la forme, particulièrement dans l’utilisation de bruits et de sons volés dans les rues, pour le rendre intrigant.

Munie de rythmiques étudiées rôdant près du rap, du R&B et de la pop, Eilish s’aventure aussi dans la chanson acoustique, en témoignent les précieuses ballades « Listen Before I Go » (piano-voix) et « I »Love You » (guitare-voix) avec une maîtrise et une maturité remarquables, auxquelles on préférera encore les insidieuses et envoûtantes « Bad Guy », « Wish You Were Gay » et « When the Party’s Over ».

***1/2


Chai: « Punk »

30 mars 2019

Sauf de rarissimes groupes devenus exotiques en Occident, on ne sait que peu de choses de la musique populaire nippone, souvent qualifiée de J-Pop.

Instruisons-nous donc à l’écoute de Chai, qui accumule les éloges pour son dosage idéal d’influences de l’Est et de l’Ouest.

Issu de Nagoya, ce groupe entièrement féminin existe depuis 2012 et vit à Tokyo depuis 2016. À l’écoute de ce Punk et du précédent Pink, force est de constater que Chai n’a pas grand-chose à voir avec la J-Pop prédigérée, rien à voir non plus avec tout girl group destiné aux marchés les plus perméables de la pop culture bas de gamme.

Au programme, new wave, garage rock, punk rock, big beat, J-Funk, hip hop, J-Pop… excellente pop chantée en japonais ou en anglais avec un accent gros comme ça.

Les influences assumées seraient Tojyo Jihen (rock), Orange Range (rap-rock japonais), Jamiroquai, Basement Jaxx, Gorillaz, The Chemical Brothers, Justice et autres Chvrches,

Cette mixtion infernale n’exclut aucunement les accroches mélodiques et les hymnes fédérateurs essantiels à la … pop.

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Misery Index: « Rituals of Power »

30 mars 2019

Misery Index fait partie de ces groupes de death metal qui ont longtemps lorgné vers ce qu’il y a de plus violent dans le style (pas loin du deathcore et du grindcore),avant de récemment se raviser. La rsion importe peu, l’important est que le résultat fonctionne. Ici, on est accueillis par une «Universal untruths » très mid tempo, sorte d’intro grand format, plutôt bien construite, « Decline and Fall » passe à la vitesse supérieure, avec un titre peut-être convenu mais suffisament brutal pour qu’on s’y laisse prendre

Mais, comme on le sait (ou du moins on devrait), la brutalité la plus efficace est forcément appuyée par une mélodie. Et ici, on est plutôt bien servis. En gros, Rituals of Power se situe quelque part entre un Obituary et un Deviate. L’intégration d’un suplus de parties hardcore / thrashcore vient amener une ambiance, certes pas inédite, mais vraiment plus fraîche et récréative.

Bien sûr, Misery Index a le profil d’un second couteau, mais au à l’écoute de titres aussi renversants que « New Salem », « The Choir Invisible » ou « I disavow », on ne peut que souhaiter les voir passer en division supérieure dautant que, après une pause de cinq ans, Rituals of Power est, bien plus qu’un joli retour.

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Death Will Tremble to Take Us: « Death Will Tremble to Take Us »

29 mars 2019

Death Will Tremble to Take Us alias James Randolph Fouty a a déjà enregistré sous d’autres noms et c’est sous celui-ci qu’il a commis un des disques instrumentaux les plus immédiats et accessibles d’un registre qui englobe post-rock, ambient et/ou néo-classique

Les 60 secondes de l’introductif « Into the Forest » annoncent la couleur, Death Will Tremble to Take Us va éviter de rentrer dans les chemins balisés du post-rock et nous proposer 12 titres souvent courts (sept font moins de 3:10, alors que trois dépassent les 6:00) proposant chacun leurs sonorités et leur ambiance, comme autant de petites pierres de couleur formant au final une délicate mosaïque. Parsemée, de ci delà, de nuances de gris.

En procédant par petites touches, ici d’ambient, là de néo-classique très doux, ici d’envolées de guitares, là de sonorités plus boisés, DWTTTU réalise un fort beau disque, dont le principal défaut est, s’il est incroyablement agréable et reposant, de ne pas être suffisamment mémorable, sans que, pour aurtant on puisse envisager qu’il ne revienne pas régulièrement sur la platine.

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The Proper Ornaments: « 6 Lenins »

29 mars 2019

Ce duo composé de James Hoare et Max Claps vient de signer son quatrième album, 6 Lenins. Malgré leurs résonances révolutionnaires, les chansons du tandem vont pourtant évoquer des changements plus personnels que politiques.
Leur musique reste bien ancrée dans la tradition du Velvet Underground, des sixties et de leurs multiples héritiers (de The Jesus And Mary Chain à Black Rebel Motorcycle Club), et ils ne comptent pas y déroger. Dans un monde violent où la notion de progrès est devenue obsolète, The Proper Ornaments se réfugient dans un univers sonore et lyrique taillé à leur mesure : un abri au calme, rempli d’images intimes et bariolées. Car ce que Hoare et Claps savent mieux faire, ce sont des chansons-refuge. Celles d’un dimanche ensoleillé, d’une chambre chaude, de cette connexion unique qui se produit lorsque nous nous pausons et regardons les photographies d’un passé pas si lointain mais suffisamment révolu pour qu’on le chérisse et qu’on lui accorde une place toute particulière. Et puisque ce passé s’éloigne à toute allure, on l’enregistre doucement afin de faire durer l’émotion ou bien pour ne pas répéter les mêmes erreurs.


Dans cette boîte à souvenirs de The Proper Ornaments, la simplicité des guitares acoustiques ne cache pas une production soignée qui rend l’écoute du disque si agréable. « Apologies » est un début tout en douceur qui crée d’emblée une atmosphère envoûtante, à peine altéré par le ton mélancolique de paroles qui explorent le thème du regret L’effet de la voix nonchalante est sincère et touchant. Dans d’autres titres, le rythme va s’accélèrer mais reviedra toujours à ces tempos hypnotiques comme sur « Where Are You Now ». Des chansons pour chasser la douleur ou se remémorer du bon vieux temps. Il faut dire que les voix sans fioritures de The Proper Ornaments, malgré l’apparente contradiction, sont fonctionnelles -tantôt langoureuses, tantôt chuchotantes- tout en procurant des sensations contrastées.
« Song For John Lennon » ou « In The Garden » apporteront les touches les plus psychédéliques à l’album. Sur ce dernier titre, les guitares se déchaîneront alors tandis que les claviers étouffent les murmures de Hoare et de Claps. 6 Lenins s’achève ainsi sur un ton joyeux et nerveux, comme une bouffée d’air frais après la torpeur de l’hiver.

***1/2


Debrider: « Gift Horse »

29 mars 2019

Que voilà un disque joliment paradoxal. Avec sa couverture pastel et bucolique, la voix très pure Lia Pisa-Relli ainsi que sa musique portant toutes les caractéristiques de la dream-pop, on s’attend à une petite douceur sans conséquence. Et on se prend de plein fouet la dureté des paroles et la complexité mouvementée des mélodies. Avec ses six titres on se dit que Gift Horse n’est guère plus qu’un EP. ; on ressort de son écoute aussi éprouvé que s’il en faisait le double ou le triple. « Eprouvé » dans le bon sens du terme.

Gift Horse est-il seulement un album de dream-pop ? S’il en a une partie des sonorités, il lui manque ce que l’on retrouve immanquablement chez tous les émules de Mazzy Star : le côté vaporeux. Ethéré. Alangui. Rien de tout cela ici, le chant comme la musique étant toujours fermes et décidés, secs et rythmés, presque un peu groovy par moment. Cela ne veut pas dire que Debrider fait dans le rock and roll, juste que le trio américain a compris que calme et soyeux ne veut pas dire chiant et cotonneux et que le rêve souvent se transforme en cauchemar…

 

Gift Horse est par contre définitivement pop. Chacune des cinq chansons originales (la reprise du « Billie Holliday » de Warpaint, de fort bonne facture, est accrocheuse et mémorable, parfaitement structurée pour mettre en valeur aussi bien le chant que le texte ou l’instrumentation. Mais il va piocher aussi bien dans le répertoire dream-pop, shoegaze que post-rock ou indie-rock l’habillage qui va lui permettre d’être le plus efficace pour faire passer sa mélancolie douce-amère… En cela Debrider n’est pas très éloigné de groupes comme Basement Revolver ou Alvvays.

***1/2


Two Medicine: « Astropsychosis »

29 mars 2019

Two Medecine n’est ni plus ni moins que le projet de Paul Alexander, bassiste de Midlake, et ce disque se situe sensiblement dans la même veine, à savoir une folk pop légèrement progressifve très posée et faisant preuve d’une douceur et d’une mélancolie qui confine à la magie. D’ailleurs, plusieurs membres participent à cet opus qui ressemble presque à un side-project commun.

Le disque est sorti il y a quelques mois maintenant et il est splendide. Les influences psychédéliques et pop jouent un rôle particulier et on peut aisément y percevoir l’ombre des Beach Boys et du Floyd.

Concrètement pourtant, la musique de Two Medicine ne prend racine que dans son propre langage ; une voix caressante, une guitare sèche, des choeurs en écho, des claviers qui jouent l’emphase, une rythmique discrète, sèche mais pas trop percussive, et un format assez pop, qui ne va pas trop chercher dans l’expérimental et le psyché.

Astropsychosis est assez accessible, et peut s’adresser aux amateurs de Midlake dernière période comme à ceux que la pop sixties pas trop mainstream n’effraie pas. Quand on saura enfin que « Two Medicine » fait référence à une région du Montana, dont les montagnes, forêts et lacs auront probablement inspiré ce disque bucolique on saura tout et on écoutera Astropsychosis avec l’état d’esprit qui a résidé à sa conception.

***1/2


Edwyn Collins: « Badbea »

29 mars 2019

Edwyn Collins revient avec son dixième album solo, Badbea. Enregistré aux Clashnarrow Studios situés à Helmsdale en Ecosse, ce nouvel album de l’ancien leader d’Orange Juice tire son nom d’une falaise qui obsède Collin. D’ailleurs, Badbea reprend les choses où Understead es avaient laissées en 2013. Ce disque est brut de décoffrage et laisse au final peu de temps morts. Edwyn Collins fonce, tête baissée dans la mêlée et fait sauter le verrou pop. Connaissant son métier comme personne, il arrive à sortir encore quelques lignes mélodiques ahurissantes.

Inspiré par son grand-père et par le village de Badbea ce lieu fétiche qui donne à l’album sa vigueur et par son élégance naturelle. De l’aveu même de Collins, c’est la première fois qu’il fait un disque en regardant dans le rétroviseur et c’est pour cette raison que Badbea est le frère cadet d’Understead. Les puritains de la pop auront donc peut-être quelques réticences à écouter ce disque, mais les amoureux d’Orange Juice y trouveront sans peine leur compte.

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We Show Up On Radar: « Zanzibar Whip Coral »

29 mars 2019

La participation de Darren Hayman (ancien leader des « cultissimes » Hefner) à un titre du précédent disque de We Show Up On Radar ne pouvait que nous mettre la puce à l’oreille. Ce n’est pourtant qu’à l’occasion de ce troisième album que nous découvrons enfin le projet passionnant mené par le multi-instrumentiste britannique Andy Wright. Établi à Nottingham et épaulé par quelques musiciens du cru, Wright appartient à une catégorie de musiciens qui, animés par un imaginaire foisonnant, refusent les trajectoires rectilignes et les chemins tout tracés.

Avec Zanzibar Whip Coral, We Show Up On Radar ouvre en grand les portes de son bazar folk-pop chimérique, évoquant tour à tour Tunng, Mercury Rev ou encore les oubliés Magic Arm. Sous leurs constructions abracadabrantes, « Willow Tree », » A Theogony », « The Lion’s Skul »l ou « Crumbs For Erin » abritent un chapelet de mélodies vibrantes et joueuses, magnifiées par une approche doucement expérimentale. We Show Up On Radar pourrait bien entendu s’éparpiller, à vouloir explorer un aussi grand nombre de plages, y compris au sein d’un seul et même morceau, à l’image de la symphonie de poche  qu’est « Giant Dinosaur vs. Sea Monster ». Pourtant, et sans que l’on parvienne vraiment à s’expliquer comment, les chansons équilibristes de Zanzibar Whip Coral finissent toujours par retomber sur leurs pattes. Un véritable tour de magie.

***1/2