Darwin Deez est une sorte de raconteur ou de bateleur jouant de la musique en solo. Sur Songs for Imaginative People, son deuxième album, il manie le verbe mais aussi la musique de façon plus articulée que son apparente désinvolture pourrait ne nous le faire croire.

Comment vous êtes-vous senti au moment d’enregistrer ce deuxième disque : croulant sous les idées, tendu, inhibé ?
Je dirais qu’il y avait à 80% une sensation de liberté mais avec 20% de restrictions. Celles-ci venaient principalement de ma tête, mais en termes de production je crois avoir pu occuper tout l’espace que je souhaitais tout en restant moi-même.
Vous avez eu en général d’assez bonnes critiques, cela compte-t-il pour vous ?
Tout à fait mais je n’aime pas les lire. Quand je le fais, j’ai toujours envie de rétorquer, d’expliquer ou de défandre ma musique. Au bout du compte ça n’a pas grande importance. La meilleure option pour moi est donc de ne pas en prendre connaissance. Si je me mettais à polémiquer avec les médias, très vite je serais perçu comme un enquiquineur. J’ai pu lire par exemple que copiais Nick Valensi des Strokes. Ça n’est pas mon « guitar hero » mais, comme ça vient d’un journaliste, ces commentaires deviennent gravés dans le marbre. Les gens prennent ce genre de déclarations sérieusement mais moi aussi je prends mes chansons au sérieux ! Jje n’aime pas qu’on les attaque car je suis fier de ce que j’ai fait de chacun d’entre elles.
Quid du titre de la l’album ?
Je l’avais en fait préparé pour le premier album mais j’ai finalement décidé de garder un titre éponyme car l’idée était qie je me définisse. Ces compositions racontent des histoires, si vous écoutez un conte des frères Grimm, vous devez utiliser votre imagination. On vous donne des détails mais l’histoire n’est riche que de votre interprétation. J’attends des gens qu’ils mettent bout à bout ces compositions. Il y a une narration qui est cohérente et qui n’est pas simplement un langage fleuri pour le plaisir d’user de bons mots. C’est le genre de chanson qui me rend fou !
D’où viennent vos influences au niveau des textes ?
La première est sans doute The Dismemberment Plan (groupe indie de Washington) et The Weepies (folk-rock de Cambridge, Massachusetts). Leur chanteuse, Deb Talon, excelle dans l’art de choisir un sentiment spécifique et d’en dresser un portrait. C’est pour moi la plus haute forme de composition. La musique se prête à l’expression des sentiments et je dis sentiment plutôt qu’émotion car ça implique une situation qui est chargée émotionnellement. Quand je pense à l’émotion, je pense à la folie, la tristesse, la peur, juste des pulsions. Des artistes comme elle savent relater de façon intéressante ce qui nait de leurs sentiments.
Vous êtes assez prolixe dans votre jeu de guitare, vous est-il difficile de vous retenir parfois ?
C’est vrai que j’essaie toujours de montrer un maximum de choses, comme ces riffs que j’ai appris récemment et qui figurent ça et là sur l’album.
Vous n’étiez déjà pas mauvais sur le premier disque.
Oh que si ! C’est pour ça que je ne jouais que sur une guitare à quatre cordes , sans aucun « mi ». Vu la souplesse de mes doigts, quatre cordes me permettaient d’avoir un son plus clean. Il y avait aussi un effort délibéré d’avoir un timbre qui me soit propre, je l’accordais bizarrement pour pouvoir accéder à des résultats inhabituels en terme de voix. L’élément fondamental de ma technique était que je n’ai pratiquement pas joué durant mon adolescence. J’étais si occupé à faire du travail de production sur la batterie et la basse que mes riffs avaient disparu. Avant ce disque, j’avais été surtout influence par Thin Lizzy et John Mayer.
Vous avez également fait un album de drum and bass, n’est-ce-pas ?.
J’étais en tournée et je m’ennuyais. Les concepts m’inspirent beaucoup.Charlie and the Chocolate factory est un film que j’adore par son allégorie bouddhiste et ses compositions qui complémentent l’histoire plutôt qu’ils ne l’envahissent. Je voulais que les gens en apprécient les mélodies. C’est aussi un bon moyen de me remettre dans un « groove » créatif, surtout après avoir tourné pendant plus d’un an et c’est le type de projet sur lequel je peux travailler sans groupe et sans trop d’investissment émotionnel. J’ai, d’ailleurs, commencé un autre projet, un « remix » deLast Splash des Breeders. C’est le premier album que j’ai acheté.
En quoi vous inspirent-ils ?
J’ai une relation d’amour et de haine avec ce disque. Les textes m’ont toujours frustrés tant ils sont impressionnistes. Je m’y suis habitué mais c’est sans doute pour cela que je voulais essayer de les réinventer.
Quelle est l’histoire derrière votre vidéo de « Free (The Editorial Me) » ?
J’adore l’existentialisme. C’est de cela que traite le morceau, vous pouvez profiter de la vie si c’est ce à quoi vous aspirez. Il y a une boucle en feedback qui délivre deux images de vous et qui vous permet de regarder comment vous agissez et de le transformez.
Est-ce aussi une chanson qui traite de boulots sans avenir ?
Pas ce morceau, même si une ligne le mentionne. « Free » n’est pas aussi spécifique qu’il le devrait à mon sens. Je ne suis pas vraiment satisfait du texte, il est trop vague mais j’essayais quelque chose de nouveau. Ce qui m’excitait était d’approcher les textes à travers des structures familières. Sur un des titres, j’ai pris tout ce que racontait une publicité et l’ai transformé pour qu’il ait un thème humain. Pour moi, il s’agissait de faire autre chose que des métaphores et des allégories. Une de mes amies est aveugle et elle écrit des choses formidables et vous êtes censé écrire à partir de ce que vous voyez. Mais si j’étais aveugle ?! Cela me donne envie de ne pas rester confiné dans les mêmes approches de la composition. Cet album me permet d’en sortir et d’essayer des nouveaux trucs.
Vous aimez enregistrer seul ?
Énormément, c’est mon réel objectif. Tout en revient pour moi à fabriquer quelque chose de beau à partir de rien. Ça me fait halluciner et j’adorerais le faire pour le reste de ma vie. Je n’ai même pas encore ébréché la surface tant les combinaisons d’histoires, de mélodies et d’enregistrement sont infinies… Tourner, je le fais parce que j’ai besoin d’argent. (Rires)