Plus de 35 ans de carrière et Hawkwind semble toujours suivre le même vent fait de délires psychédéliques, de visions où le futurisme se mêle à la mythologie. Les basses demeurent incendiaires, les rythmique hypnotiquse et, les chorus ou solos de guitares et de claviers s’échelonnent semblables de longs mantras. La sortie d’un nouvel album, Blood On Earth (en 2010), a été l’occasion de résumer cette aventure lysergique avec leur leader et fondateur Dave Brock.

Ça faisait un sacré bail depuis ce nouvel album…
Nous en avions sorti un en 2006 et étions en train d’en enregistrer un autre en 2008 au milieu duquel Jason Stewart, notre joueur de clavier, est mort. Nous avons alors fait quelques concerts et pris le temps de travailler sur celui-ci. Avec un peu d’espoir le prochain sera plus rapide (Rires).
Est-ce vraiment nécessaire ?
Disons qu’il nous a été difficile de trouver un clavier pour remplacer Jason. Il avait un rôle important car il tenait les claviers et les synthés. Son remplçaant, Nile, a eu du mal car il était aussi guitariste et bidouillait des ordinateurs. Dans l’entité Hawkwind, il faut parfois du temps pour s’intégrer.
Il est vrai que le groupe a toujours eu une prédilection futuriste.
Oui et j’apprécie la façon dont l’évolution de la technologie nous a permis d’avancer un peu plus artistiquement. Mais nous maintenons un équilibre en utilisant des équipements analogique comme des générateurs audio ou en travaillant sur les fréquences sonores.
Et par rapport à votre image, les textes de Michael Moorcock, les light shows aveuglants ?
Aujourd’hui nous avons même des danseuses. L’idée est de renforcer l’effet visuel pour privilégier ce en quoi la musique peut permettre de se réfugier dans l’imaginaire. Cela rejaillit sur nous en tant qu’artistes car ça nous montre en quoi nous sommes encore d’attaque en dépit du fait que nous ne gagnons pas des milles et des cents. Blood Of The Earth est un récit de science-fiction avec un volcan dont on prend la lave pour du pétrole.
Est-ce un album à visée écologique ?
Tant que nous parvenons à faire réfléchir les gens. Nous avons toujours soutenu des associations comme Greenpeace mais c’est aussi à la jeune génération de s’emparer du sujet.
À propos d’elle, la « rave scene » vous a adopté sans broncher.
C’est parce que nous utilisons des séquenceurs depuis pas mal de temps et que nos suites d’accords sont assez simples au fond. La « rave » c’est un peu ça: un bon beat et de bonnes percussions. J’aime assez la « dance » en fait; notre batteur jouait avant dans un groupe punk et il écoute beaucoup de Black Metal avec un rythme assez furieux et des accords très rapidement joués. Nos goûts sont assez divers finalement.; j’écoute, par exemple, beaucoup de jazz et j’en jouais pas mal avec Jason.
Vous avez débuté en tant que Group X, puis Hawkiwnd Zoo, puis Hawkwind, The Hawklords et enfin Hawkwind à nouveau: on se perd un peu…
Group X c’était quand nous ne trouvions pas de nom et que nous commencions nos concerts. C’estf John Peel qui nous a appelé ainsi. Nous avions cette idée centrée sur les mythologies du faucon (hawk): la japonaise avec l’oiseau qui vole au dessus des montagnes, celle des Amérindiens, celle des Égyptiens avec Horus… Tous les membres du groupe formaient comme un zoo mais, par la suite, nous l’avons laissé tomber.
C’est assez particulier de mêler futurisme et mythologie.
Nous avions Bob Calvert qui écrivait pas mal de poésie et, bien sûr, l’écrivain Michael Moorcock. Il y a toujours eu des changements de line-up ce qui fait que chaque entrant apporte ses propres idées. C’est comme un navire en mer, il est sujet aux creux des vagues, aux vents, aux marées. Bob et moi, The Hawklords, avions une idée différente, celle d’un show basé sur le Metropolis de Fritz Lang avec de grands échafaudages, six danseuses qui se transformaient en ouvriers vêtus de gris et balayant le sol. C’était trop onéreux aussi nous avons dû laisser tomber en plein milieu de la tournée. C’était une approche différente qui nous éloignait un peu de ce que représentait Hawkwind. Bob avait même écrit une pièce à propos de Jimi Hendrix qu’il voulait monter dans un théâtre du West End et il avait d’ailleurs quitté le groupe à ce moment-là. C’est à ce moment-là que Tim Blake m’a rejopint vers 1979. Nous avons même eu Ginger Baker à la batterie pendant un an et demi, Arthur Brown aussi. C’était une époque intéressante vous savez (Rires).
Vous ne regrettez pas ne pas avoir eu un line-up plus stable ?
Oui et non. Nous souhaitions jouer dans beaucoup de festivals gratuits et pas tout le monde ne le souhaitait. J’en faisais pratiquement chaque semaine mais chacun avait ses propres priorités. En fait il y avait deux groupes: un pour ces festivals et un autre. Vous savez c’était une période spéciale et propice à tout cela. Certains d’entre nous sont là depuis 20 ou 22 ans et ça nous semble sacrément long mais ça soude aussi pas mal de choses.
Vous sentiez-vous part intégrante de la « contre culture » ?
Ces shows en faisaient partie quelque part. Il y a toujours eu cette tradition de « famille » chez Hawkwind. Nous voyons nos fans, jouons parfois à leurs mariages, tenons ces « Hawk Fests »… Je crois que si on était plus riches et fameux ce serait quelque chose qui se serait perdu.
Sur ce nouvel album vous faites une référence à votre compilation Master of the Universe.
C’est juste pour le « fun » et aussi pour faire comme si on philosophait… (Rires)
Il y a aussi « Inner Vision » et « Sweet Obsession » qui sont un peu atypiques…
La première est sur le cybersexe, l’autre est sur cette obsession d’un type qui tombe amoureux d’une femme à travers l’Internet. C’est pour cela qu’ils se suivent.
Et « Prometheus » alors ?
C’est une référence au mythe mêlée à de la science-fiction un peu compliquée pour moi car je n’ai pas écrit son texte. Ils sont tellement fournis que je ne peux même pas les lire sur la pochette de l’album vinyle, même avec une loupe. (Rires)
De toutes manières vos design ont toujours été plutôt touffus.
Oui j’aime ce qui a besoin d’être décodé. Ici il s’agit d’un vaisseau spatial, semblable à des précédents mais tout cabossé et rouillé. Nous utilisons beaucoup de ces graphiques pour nos light shows comme si il s’agissait d’une histoire qui se perpétuait. « Sentinel », par exemple, est le récit d’être humains sur la lune.
Il y a eu un « single » assez atypique chez vous, « Urban Guerilla ».
Il est sorti au moment où l’IRA faisait des attentats à Londres. Il était déjà 26° dans les charts mais notre label a trouvé que ça n’aurait pas été de très bon goût de le laisser en vente. Les textes étaient, et demeurent, très appropriés. Ce qui me désole c’est que, au fond, ils soient encore d’actualité.
Votre inspiration est généralement moins plantée dans le Réalisme…
C’est vrai, la Vie ou, plus précisément, la Philosophie de la Vie. La science-fiction est un moyen d’évoquer nos rêves, n’est-de-pas?
En même temps vous aviez l’image d’un groupe quelque peu ailleurs, aliéné du quotidien presque…
C’est une illusion que l’on a de croire qu’on peut être éloigné de la vie de tous les jours. Je me souviens il y a quelques années j’avais pris le train pour aller à un concerts. Des fans m’y ont vu et étaient tout étonnés que je puisse le prendre pour me rendre à un de mes shows. C’est toute une mythologie qui se crée autour d’un artiste, vous savez. Je n’avais pas de « silver machine » pour me transporter d’un endroit à un autre. (Rires). Notre rôle est de créer une certaine illusion, permettre aux gens de s’évader un peu. Nous considérons qu’une grande partie de ce que nous faisons est du domaine d’images habillées par des sons.
Quand vous composez, en quels termes pensez-vous au départ ?
La carte se fait au fur et à mesure; vous démarrez souvent sur des textes inconséquents puis, peu à peu, les analyser vous permet de donner un sens. Croyez-le ou pas j’utilise un dictionnaire de rimes et Bob et moi l’utilisions souvent. Parfois il peut être intéresser d’intégrer des mots à un concept. L’important est que vous ayez l’idée qui vous permette d’écrire rapidement.
Et l’écriture automatique ?
Ça peut m’arriver. J’aime faire surgir le ridicule et voir ensuite si il permet d’aller plus loin. À la guitare c’est pareil mais il est vraiment difficile de faire des choses originales aujourd’hui. Quand vous imaginez tout ce qui a pu être composé avant vous il est de plus en plus dur de sonner différent. Quand j’ai débuté, je copiais beaucoup les guitaristes de blues, Big Bill Bronzy par exemple, ensuite j’ai trouvé peu à peu mon identité Je crois que Hawkwind a vraiment son propre style à cet égard. Quelque part je n’en suis pas peu fier (Rires).
« Hurry On Sundown » était un morceau fortement teinté de blues je trouve…
En effet. Tous les titres de cette époque ont cette tonalité car j’ai commencé par jouer dans la rue. Fatalement cela a forgé cette coloration musicale. Avec un ami on s’accompagnait à la guitare acoustique et à l’harmonica. Quand je jouais dans le métro, chose qui est très intéressante en matière d’écho, j’alternais titres blues et compositions originales qui en étaient inspirées.
Hawkwind est également associé à l’usage de drogues: comment diriez-vous que cela a pu influencer votre créativité ?
À l’époque quel groupe ne prenait pas de LSD?! Quand vous y pensez, c’est cela qui a changé les Beatles ou les Stones. C’est quelque chose de dangereux bien sûr mais ça avait un impact artistique car ça ouvrait votre esprit à beaucoup d’autres choses. Je reste persuadé que ça a été le cas pour nous. Je pense que beaucoup de musiciens auraient le même point de vue.
J’ai, personnellement, toujours eu tendance à vous associer à un groupe comme The Blue Öyster Cult. Qu’en pensez-vous ?
Je ne sais pas. Ils sont eux aussi branchés science-fiction. Moorcock a également écrit pour eux je crois. Mais leurs premiers albums pouvaient être voisins des nôtres en effet, Secret Treaties, Tyranny And Mutation. Nous les avons rencontrés au bon vieux temps.
Vous parlez beaucoup de vos « gigs » et avez sorti beaucoup d’albums « live ».
Ça a toujours été important pour nous indépendamment du désir de nos « fans ». En studio vous sentez toujours un peu de restrictions. Le « live » nous permet plus d’amplitude, chose qui fait partie de notre approche. Nous avons, par exemple, deux bassistes, l’un joue comme s’il était le « lead guitarist »; c’est assez intéressant en matière de son car cela donne un aspect touffu. Et pour cela nous avons besoin de pouvoir développer un titre sur dix minutes. Ça peut sembler long aujourd’hui mais n’oublions pas que dans les années 70 on pouvait aller jusqu’à 20 minutes! (Rires) Quand vous avez un visuel pour accompagner le spectacle, ça prend alors toute sa substance et ça transcende ce que vous pouvez entendre sur disque ou sur ce que vous pouvez voir avec un autre groupe jouant « live ». Nous insistons beaucoup sur la notion de « happening » et s’il n’y a pas de solo qui puisse vous faire passer à une étape supérieure dans ce que vous entendez, vous êtes confronté à une masse sonore un peu brouillonne et un light show qui ne vous transporte pas. C’est en cela que nous sommes différents je crois, nous sommes des stimulateurs et non des simulateurs (Rires).
On dirait que, malgré l’âge, vous demeurez impliqué dans ce type de recherche (Rires).
Oui, on joue énormément encore. Plus que des concerts, nous participons à des festivals, je crois que c’est ce qui correspond le plus à notre esprit. Nus ne sommes pas inactifs, finalement; nous parvenons à répéter 3 ou 4 fois par semaine encore.
Et quel regard portez-vous sur la façon dont cette technologie que vous appréciez a bouleversé la scène musicale ?
En 1970 nous avons signé un contrat avec notre label qui donnait aux cinq membres d’hawkwind simplement 1,5% chacun des royalties. Et c’était un engagement pris à perpétuité. Il n’y a pas que nous, vous savez. Vous vous rappelez, George Michael avait même décidé d’arrêter de faire des disques pour Sony. Alors si le numérique peut permettre de contourner les maisons de disques, on ne va pas pleurer sur leur sort. Le fait que les groupes puissent maintenant s’auto-produire plus facilement est une bonne chose. Dommage que nous n’ayons pas eu cette possibilité, mais nous en avons bien profité de notre époque! (Sourires)