Weyes Blood: « And In The Darkness, Hearts Aglow »

Si c’est un affront de considérer l’album Titanic Rising de Weyes Blood (aka Natalie Mering) en 2019 comme un simple travail en cours comparé à ce qu’elle a accompli sur And In The Darkness, Hearts Aglow, alors qu’il en soit ainsi. Malgré la majesté de ce premier album, le dernier de Mering, avec le producteur Jonathan Rado de retour à ses côtés, est immédiatement reconnaissable comme étant plus riche, plus grand et avec un budget plus important que son précédent album. Au risque d’exagérer l’évidence, c’est comme si on comparait la série télévisée The Land of The Lost à Jurassic Park pour les dinosaures les plus réalistes. Rétrospectivement, c’est la voix de Mering qui a piloté le navire Titanic Rising et ici, une myriade de contributeurs musicaux sont enfin capables de la rencontrer de front.  

Resplendissants de cordes, de cornes, d’orgues, de synthétiseurs et autres, les cinq premiers morceaux de l’album sont un cours magistral de perfection pop. Le morceau d’ouverture, « It’s Not Just Me, It’s Everybody », commence assez simplement avec un climat folklorique façon Laurel Canyon des années 70, mais comme pour beaucoup de morceaux de l’album, il se transforme en quelque chose de plus glorieux. Cette dynamique est particulièrement évidente lorsqu’on passe des rythmes slap-back de « Sloop John B », cinq minutes après le début de « Children of the Empire », au début discret du morceau suivant, « Grapevine », qui commence par une mélodie en clé mineure rappelant le type de mélodie que Jeff Tweedy de Wilco invente dans son sommeil. Mais « Grapevine » se transforme en quelque chose de plus audacieux et de plus swing que ses humbles débuts, alors qu’il se promène le long d’une côte californienne révolue où « ils ont James Dean ». 

« Grapevine » cède la place à une chomposition qui, par son titre et son exécution, semble improbable, mais Mering y parvient avec aplomb. « God Turn Me Into a Flower » ressemble à un plaidoyer sincère chanté par un chœur de moines extraterrestres, comme l’a fait remarquer un passant dans le salon d’écoute. Les voix vraisemblablement terrestres appartiennent à Mering et à l’invité Ben Babbitt, sur fond d’une houle de cordes et de synthés superposés aux mains de Mering et de Oneohtrix Point Never (Daniel Lopatin) qui portent la mélodie à des sommets toujours plus élevés jusqu’à ce qu’elle se brise en chant d’oiseau. La tension de la chanson devait être rompue d’une manière ou d’une autre, et le fait de confier quelque chose d’aussi grandiose à la plus humble des créatures témoigne de l’abondance de créativité dont témoigne l’album.

Mais si vous pensez que le meilleur de And In The Darkness, Hearts Aglow est déjà derrière, le titre qui fait référence à « Hearts Aglow » est le moment le plus marquant de l’album. Un nombre impressionnant d’invités apparaissent ici au sein d’un ensemble de quatorze musiciens – Meg Duffy de Hand Habits à la guitare, Mary Lattimore à la harpe, les enfants de The Lemon Twigs à la batterie et à l’orgue, et Rado à la basse. Hearts Aglow semble tout droit sorti d’un prélude d’entracte d’une comédie musicale de Broadway. Le type de marche tonitruante d’une chanson qui favorise les révolutions, françaises ou autres, ou les chants collectifs en claquant des doigts pendant que l’on fait la queue au stand de vente.

Bien que « Hearts Aglow » puisse constituer la pièce maîtresse de l’album, un peu comme les films de Titanic, il y a d’autres récompenses au-delà du bref interlude instrumental qui suit. Twin Flame est une chanson plus dépouillée que celle qui la précède, mais sa base plus électronique associée au joli falsetto de Mering est néanmoins saisissante. Le folky « The Worst Is Done » est aussi simple et désarmant que sa première phrase : « Ça a été une année longue et étrange » (It’s been a long, strange year). Et la dernière chanson, « A Given Thing », est un morceau de piano et de voix solo qui n’a rien à envier à aucun des ancêtres de Mering.

Dans une note adressée à ses fans, Mering a décrit And In The Darkness, Hearts Aglow comme le centre d’une trilogie d’albums. Un album qui s’attaque au fait d’être « dans le feu de l’action ». La plupart des auditeurs se soucient peu de savoir si les thèmes de l’album sont évidents lorsqu’ils sont impressionnés par les sons qui les entourent. Mering a concocté un successeur à Titanic Rising sur lequel tout parieur digne de ce nom aurait sans doute misé. Le fait que la vocaliste ait surpassé son propre chef-d’œuvre est sa propre récompense, une récompense dont nous ne sommes sans doute pas dignes. Il ne faut pas oser penser à ce qui pourrait arriver ensuite, mais laisser ce disque s’imprégner complètement et,  de ce fait, nous imprégner

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