Le premier album du duo indie-folk norvégien en 12 ans fait appel à Feist et incorpore des percussions programmés. Erlend Øye profite de sa liberté relative ; il a passé plus d’une semaine enfermé dans un hôtel de quarantaine, passant les heures en isolement jusqu’à ce qu’il puisse rejoindre ses amis et sa famille en toute sécurité. Il n’a pas de Covid, heureusement, mais il vient de rentrer dans sa Norvège natale après plus d’un an d’absence. « Si vous êtes en Norvège et que vous sortez pour faire des choses très précises, dit-il, vous avez un papier pour cela et vous pouvez faire une quarantaine chez vous. Mais j’étais parti depuis beaucoup plus longtemps et je ne savais pas quels étaient mes droits. J’ai donc fini par être envoyé dans cet hôtel, ce qui était assez triste et bizarre. C’est vraiment difficile d’être seul pour moi ». Øye passait ses journées à vérifier ses e-mails, à jouer aux échecs en ligne, à faire de très longues promenades et à prendre une douche trois ou quatre fois par jour. « Du froid, du chaud, du froid, du chaud. Juste pour ressentir quelque chose. Oh mon dieu, ça semble fou. »
S’il parle de lui ainsi c’est parce qu’il est difficile de dire ce qui est le plus excitant pour le musicien : être libéré de ce confinement et retourner dans le monde (il a demandé à retarder maintes interviws par Zoom ou au téléphone pour pouvoir assister à un match de football), ou entrer en une nouvelle tournée pour promouvoir leet discuter du nouvel album de Kings Of Convenience. En effet, Øye vit en Sicile, il est retourné dans son pays natal pour donner le coup d’envoi d’une courte tournée, socialement éloignée, en mai. De nombreuses autres dates de tournée conventionnelle sont prévues pour l’année prochaine à travers l’Europe. Pour donner le coup d’envoi, lui et son compagnon Eirik Glambek Bøe sortent leur première musique ensemble en 12 ans. Ils ont publié ce matin un nouveau « single » intitulé « Rocky Trail », qui sera suivi d’un nouvel album, Peace Or Love, en juin.
Avec sa production douce, ses guitares acoustiques douces et ses harmonies encore plus douces, « Rocky Trai » révèle un groupe toujours fidèle à la promesse de son premier album de 2001, Quiet Is The New Loud. Au début du siècle, ce titre sonnait comme un manifeste musical, un appel à abandonner les guitares bruyantes et désordonnées qui avaient défini une grande partie de la pop des années 90. Kings of Conveniance se consacrait à deux voix et deux guitares acoustiques (généralement pincées, presque jamais grattées), et même s’ils ont pu étoffer leurs chansons avec une batterie, une trompette ou le plus subtil des synthétiseurs, ils se sont tenus à cette composition austère pour deux autres albums, Riot On An Empty Street en 2004 et Declaration Of Dependence en 2009. Ce qui a rendu leur dévotion au calme encore plus impressionnante, c’est l’éventail de leurs projets parallèles, qui rejetaient généralement les instruments acoustiques au profit de boucles, d’échantillons et de synthétiseurs ; en particulier, l’ensemble DJ-Kicks d’Øye en 2004 restera une référence dans cette série d’albums de !k7 Records.
À l’occasion du vingtième anniversaire de Quiet Is The New Loud, cette palette dépouillée reste étonnamment puissante : un moyen puissant de créer du vacarme en baissant le volume et en faisant confiance aux auditeurs pour se pencher vers leurs enceintes ou, avec un peu de chance, vers la scène. Leur musique ne demande pas seulement une attention soutenue, elle la récompense. Et si Quiet est un album sur des jeunes hommes qui trouvent leur voie dans le monde, il semble particulièrement poignant maintenant que ces jeunes hommes ont grandi. Kings Of Convenience excelle toutefois encore à se concentrer sur le cœur émotionnel d’une chanson. En conséquence, les paroles de l’album se concentrent sur de petits moments charnières qui ouvrent sur de plus grandes vérités – le genre de révélations soudaines qui font basculer un interrupteur et changent votre perspective.
S’exprimant depuis Bergen où il est « stationné », Øye dégage un enthousiasme et une énergie sincères et volubiles tandis qu’il s’exprime sur les nouveaux et les anciens albums de son groupe, les pronoms personnels dans les paroles de chansons et ce qui, aujourd’hui, a encore sa place dans unecomposition de Kings Of Convenience.
Vous avez quitté la Norvège pendant toute la durée de la pandémie. Qu’avez-vous fait pendant cette période ?
J’étais en Norvège pour la dernière fois en février 2020, pour enregistrer la dernière chanson de l’album Kings. Puis je suis allé au Mexique pour jouer dans deux grands festivals avec le Whitest Boy Alive. Ces deux festivals ont été annulés, mais il s’est passé un truc bizarre. Moi et un des autres gars du groupe, on s’est retrouvés sur la côte Pacifique du Mexique, à Baja, en Californie. Il y a un hôtel avec un studio à l’intérieur. L’hôtel était fermé, mais ils ont dit, si vous voulez rester, vous pouvez rester et enregistrer. Ils nous ont donné l’usage du studio. C’est ce qui a donné naissance à l’album Quarantine At El Ganzo l’année dernière. Je suis resté là-bas quatre mois, puis je suis retourné en Sicile, où je vis actuellement. Je travaillais continuellement sur les mixages de loin avec Kings Of Convenience pour faire le master et tout ça. Depuis lors, il y a eu un problème continuel pour lancer le disque pendant le COVID.
Et maintenant, vous vous préparez pour une tournée. Qu’est-ce que cela implique d’un point de vue logistique ?
Nous allons faire une toute petite tournée en Norvège, une tournée socialement distante, qui est essentiellement destinée à nous permettre de nous rappeler comment faire des concerts. Cela nous donne une raison d’être ensemble. Il paraît que l’État va nous soutenir, mais c’est un peu vague pour l’instant. Nous verrons bien. Il n’y a que 100 billets à vendre. Mais ce sont de grands endroits, donc les gens vont être placés dans des endroits différents les uns des autres.
Quand avez-vous joué en live pour la dernière fois ?
Ce sera mon premier spectacle en direct depuis décembre 2019. Pour les musiciens, c’est la seule chose que nous faisons qui nous donne le sentiment d’avoir fait quelque chose ce jour-là. Tout le reste de ce que vous faites est plein de doutes. Nous avons enregistré une chanson aujourd’hui. Est-ce que c’est assez bon ? On a fait un nouveau mixage aujourd’hui. Il est bon, mais pourrait-il être meilleur ? Faire un disque implique beaucoup de doutes. Le doute, le doute, le doute. Donc on ne finit jamais vraiment quelque chose, du moins dans sa tête. C’est une partie importante de notre santé mentale de faire un concert et d’être capable de dire, c’était le concert et il n’y a rien de plus à en dire. C’était ce que c’était. C’est la seule chose que vous faites dans votre vie qui vous donne vraiment l’impression de faire quelque chose d’utile. Ça me rend heureux d’être en vie.
Le spectacle vivant a été notre lieu de bonheur. J’aime vraiment être sur scène et parler à la foule. J’aime faire participer le public à la musique. Ils sont super importants. S’ils ne sont pas attentifs, c’est évidemment difficile. Mais s’ils chantent, ça change vraiment tout. C’est pour cela que nous ne sommes pas très portés sur les shows en livestream, car plus de cinquante pour cent de la raison pour laquelle nous faisons un show a disparu. Avec seulement deux voix et deux guitares, on pourrait penser que nous aurions du mal à nous adapter à une grande scène, mais d’une certaine manière, la puissance de la musique est encore plus grande. Cela devient très particulier.
Vous avez fait les débuts de certaines des chansons du nouvel album lors de la tournée Unrecorded Tour en 2016. Qu’est-ce qui a pris si longtemps pour les assembler en un album ?
Nous avons commencé à y travailler il y a quelques années. Le premier enregistrement date de février 2016. Nous jouions à Santiago, au Chili, et nous avons enregistré la chanson dans un studio là-bas. Ensuite, nous avons commencé à travailler dessus cette année-là. Nous avons fait quelques tournées où nous jouions tout le nouveau matériel, et nous avons pensé : Cet album devrait être dans la boîte très rapidement. Mais ça n’a pas été facile. Cela a beaucoup à voir avec nos vies personnelles. Il y a beaucoup de gens dans nos vies. Eirik a trois enfants. Donc les choses peuvent aller lentement parfois.
Nous avons fait beaucoup d’enregistrements dans différents endroits. Très souvent, le résultat était que nous n’étions pas entièrement convaincus, et à un moment donné, après avoir travaillé dessus pendant un an et demi, j’en avais assez de tout ça. J’en avais assez de ne pas être convaincu. J’ai donc dû prendre une pause plus longue. Finalement, nous avons recommencé à travailler un peu sur le projet. Et puis Leslie Feist est arrivée. Moi et Eirik, on n’était pas… en fait, j’étais parti en Sicile. Mais Leslie est venue et a dit, « Les gars, je viens en Europe ». Elle allait être en Italie et voulait voir si on pouvait se rencontrer et faire quelque chose. Elle a chanté sur notre album de 2004, Riot On A Lonely Street, mais elle ne faisait pas partie de notre troisième disque en 2009.
Nous avons donc organisé cette session chez moi et avons essayé d’enregistrer quelque chose. C’était très, très … que puis-je dire ? improvisé. Mais elle tire le meilleur de nous-mêmes. Quand nous sommes avec elle, nous voulons tous les deux faire de notre mieux, car nous apprécions tellement de chanter avec elle. Nous avons enregistré une chanson à l’époque, puis une autre à Berlin deux mois plus tard. Elle est donc sur deux chansons du disque, « Catholic Country » et « Love Is A Lonely Thing ». On a eu beaucoup de chance et on a pu faire deux très bonnes chansons avec elle. C’était très naturel de faire quelque chose avec elle, et j’espère que nous pourrons faire quelque chose avec elle à l’avenir pour son disque. Parce que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à me dire : « OK, je pense que nous avons les qualités nécessaires. Nous avons la puissance dont nous avons besoin. Et nous avons eu l’idée de réenregistrer certaines choses dont nous n’étions pas si convaincus. » Nous avons commencé à sentir que nous avions enfin quelque chose de bon juste avant que la pandémie ne commence.
La sortie de cet album coïncide avec l’anniversaire de Quiet Is The New Loud… Quand on se remémore ces chansons, les entend-on différemment maintenant que vous êtes plus âgés ?
Quand je regarde notre catalogue, la chose qui me frappe le plus, c’est la différence de mastering. Tous les anciens disques ont été enregistrés de manière assez similaire, mais Riot On An Empty Street a été poussé très loin lors de la dernière étape du mastering. Il est donc beaucoup plus fort. Quiet Is The New Loud est beaucoup plus doux. C’est beaucoup plus un disque que l’on peut écouter chez soi, alors que Riot est devenu un disque plus commercial. Il saute plus des enceintes. Si vous êtes une âme sensible, il peut être légèrement trop agressif à vos oreilles, mais je pense que pour la plupart des gens, c’est comme, oh, j’aime ça. Mais Quiet Is The New Loud est un disque que j’aime écouter parce qu’il n’est pas très brillant. C’est un son très, très laineux.
Est-ce que le son de Riot était une réaction à cette laine ?
Non. Je me suis rendu compte personnellement que je n’étais pas assez conscient de ces choses. J’ai appris beaucoup de choses sur la musique depuis, et peut-être que j’apprends encore. Je n’ai pas réalisé à quel point il y avait une différence parce que nous avions si peu de temps à l’époque. Pour la dernière étape du nouvel album, nous avons passé un an pour ce que nous faisions normalement en deux mois. J’ai passé beaucoup de temps à contrôler les choses. Nous avons eu amplement le temps de nous assurer que ce disque sonne comme nous le souhaitions. Ce n’est évidemment pas un très grand changement pour nous. Nous essayons toujours de faire autant que possible avec deux guitares et deux voix, en essayant d’être inventifs sans chercher à nous réinventer. Je pense qu’il y a beaucoup de chansons sur ce disque qui sont très similaires aux autres. C’est un peu comme le blues, vous savez. Tout sonne pareil, mais c’est aussi très différent. Tout dépend du nombre d’écoutes que tu lui accordes. Donc, oui, à première vue, cela peut sembler similaire à ce que nous avons fait auparavant, mais pour nous, nous savons très bien que chaque chanson est issue d’une inspiration très spécifique. Elles sont toutes là pour des raisons personnelles.
En écoutant Quiet Is The New Loud, on est frappé par le fait qu’il s’agissait d’un disque pour jeune homme. On a comme l’impression que les chansons parlent d’essayer de comprendre où on te situe et comment on se comporte avec les autres, en particulier les femmes, en tant que jeune homme.
Absolument. Quand nous avons fait ce disque, nous étions de jeunes hommes. Nous étions des Norvégiens qui essayaient vraiment de comprendre ce que cela signifiait d’être un homme norvégien. Le père d’Eirik est mort quand il avait sept ans, et j’ai grandi avec un beau-père qui était assez vague. Donc, nous avons dû comprendre des choses, comme : Que dois-je ressentir ? Qui suis-je ? Nous étions très sérieux à ce sujet – malheureusement beaucoup trop sérieux pour notre jeune âge. On se disait : On est un peu vieux maintenant. Nous avons 22 ans ! À l’époque, nous envions les personnes plus âgées qui avaient vécu et traversé beaucoup d’épreuves. Eh bien, maintenant, nous sommes des personnes qui ont vécu et traversé beaucoup de choses. En bien comme en mal, nous avons beaucoup de choses à chanter. Il y a plus de choses à chanter quand on vieillit, parce que toutes les amitiés deviennent plus profondes. Il y a tellement de choses qui se passent et qui veulent être de la poésie.
Et pourtant, tous les groupes ne le reconnaissent pas ou ne peuvent pas trouver ces nouvelles choses à chanter.
Nous avons eu beaucoup de chance au départ, car le concept de notre groupe – les guitares et les parties chantées – n’allait pas se démoder. Si notre son avait été rempli de références, il aurait pu se démoder d’une manière différente. Nous devons écrire sur quelque chose, et Eirik et moi ne nous préoccupons pas trop du son ou de la production. Enfin, je m’en préoccupe, mais surtout je m’inquiète : Est-ce que cette chanson parle de quelque chose ? Est-ce qu’elle mérite vraiment d’être diffusée ou pas ? Et si elle est diffusée, est-ce que ça va marcher comme ça ou autrement ? On pourrait inviter un batteur ou on pourrait avoir des cordes ou un synthétiseur. Nous pourrions faire tout cela, mais cela ne me semble pas changer grand-chose à la musique.
J’ai toujours souhaité que les gens qui écrivent sur la musique soient plus à même de parler du genre de chanson qu’il s’agit. Est-ce le genre de chanson où je parle de moi et de ma douleur, ou est-ce le genre où je parle d’autres personnes ? Est-ce un genre d’écriture directe de la chanson ? C’est tellement facile de dire si quelque chose est électronique ou acoustique et de parler de la production. Pour moi, ce n’est qu’un choix arbitraire. Vous entrez dans un studio. Oh, il y a un synthétiseur, alors utilisons le synthétiseur. Il n’y a rien de plus derrière tout ça. Et bien sûr, chaque groupe de rock après deux disques commence à utiliser des synthétiseurs. Ce n’est pas si intéressant d’en parler.
Mais ce que je trouve intéressant … Connaissez-vous Jens Lekman ? Lorsque j’ai entendu sa musique en 2004, j’ai tout de suite compris que ce type avait écrit des chansons en rentrant chez lui après être sorti un samedi soir. La marche devait durer au moins une heure et il chantait pour lui-même. Puis il rentre chez lui et l’enregistre. C’est comme ça que la chanson est née, et cela n’a pas vraiment d’importance si elle ressemble à de la soul, du reggae, de la pop ou autre.
Donc, vous dites que les décisions que vous prenez concernant les mots et les mélodies sont plus cruciales que les décisions que vous prenez concernant les instruments et la production ?
Oui. Il y a une chanson sur le nouvel album qui s’appelle « Fever », on y trouve dessus des percussions programmés qui nous inquiétait un peu. Nous n’utilisons normalement pas de batterie programmée. Les gens vont-ils nous tuer ? Vont-ils arrêter de nous aimer ? Je ne le pense pas vraiment. Mais j’étais plus inquiet à propos d’autre chose. A un moment donné, j’ai écrit la phrase « Conduire sur ton scooter en période de Noël avec des vêtements funky » (Driving around on your scooter in Christmastime in funky clothes). J’ai senti que ces mots ne faisaient peut-être pas partie du canon poétique. C’est beaucoup plus prosaïque. C’est une façon de penser beaucoup plus quotidienne. Certains de mes amis m’ont demandé si j’étais vraiment sûre de ce texte. C’était un gros risque ? Je ne sais pas. Peut-être que tout le monde s’en fout, mais je pense que quelqu’un quelque part s’en souciera. Je suppose que nous devrons voir comment ce disque est reçu par les critiques et ce qu’ils en disent.
Cette phrase est très évocatrice et bizarre ; cela signfie qu’on doit penser comme un poète et considérer chaque mot.
C’est plus excitant parce que la poésie est un métier très ancien. Tu fais partie d’un réseau, d’une lignée d’écrivains plus anciens. Trop souvent, notre univers pop semble commencer en 1962.
Y a-t-il des écrivains ou des poètes qui vous inspirent ?
Je reviens toujours à 69 Love Songs de Magnetic Fields. Cela reste un disque impressionnant. Mais ensuite, le disque suivant, celui qui s’appelle i … Je n’étais pas du tout intéressé par ce disque parce que je déteste personnellement les chansons de type « I ». J’essayais à ce moment-là d’arrêter de faire toutes ces chansons qui commencent par « I ». C’est un problème classique. Il y a trop de chansons qui débutent ainsi, et l’angle est toujours le même. Vous devez réfléchir à la façon d’utiliser les mots. Comment puis-je décrire quelque chose d’une manière différente que de dire, je t’ai regardé ? Donc je n’ai pas aimé cet album. Mais j’adore l’écriture directe des compositions der 69 Love Songs. Vous pouvez probablement voir dans Kings Of Convenience que je suis un très grand fan de l’écriture directe et Eirik est beaucoup plus métaphorique dans son écriture.
Cette impression n’est peut-être pas fondée sur la réalité – il faudrait que l’on scrute la feuille de paroles pour trouver les pronoms – mais on peut penser que Quiet Is The New Loud est un disque de type « vous ». On a l’e sentiment qu’il s’adresse aux gens assez directement à la deuxième personne.
C’est possible, oui. Par exemple, « Toxic Girl » est une composition très agréable parce qu’elle est essentiellement à la troisième personne. On parle d’un de nos amis qui était très amoureux d’un autre de nos amis, qui est une fille. Je suppose que c’est un disque « vous ». Je ne pense pas que ce soit un disque « je ». J’en suis très fier. Par exemple, j’ai une affection particulière pou « Summer On The West Hill ». On a réussi à la faire et on s’est demandé comment on avait fait ça. Je me le demande encore.
Il semblait y avoir une vague de groupes dans les années 2000 qui faisaient quelque chose de très similaire à Kings Of Convenience. On n’essaie pas de suggérer que vous avez créé un mouvement, mais on peut se demander si vous avez vu une vague de groupes plus « calmes ».
Je ne sais pas, la seule personne à laquelle je pense qui fait quelque chose de similaire est José González. Peut-être aussi Badly Drawn Boy. Il est arrivé à un moment similaire, bien qu’il ne soit pas spécifiquement acoustique. Je trouve toujours étrange que, même en concert, nous ne soyons que deux gars jouant de la guitare. On voit souvent cela chez les gens, où deux amis jouent de la guitare, mais cela ne semble jamais devenir un véritable groupe qui fait quelque chose de cette combinaison. Et je pense que c’est parce que c’est très difficile. Ce n’est pas facile de faire de la musique uniquement avec deux guitares. J’ai du mal à penser à quelqu’un qui fait ça et qui a une sorte de douceur similaire. Je suis sûr qu’il y en a. Je suis personnellement inspiré par Suzanne Vega, qui est très sèche et non dramatique. Quelqu’un comme elle ne se présente pas très souvent. Je pense que ça nous facilite la tâche. Nous n’avons pas à nous inquiéter. Il n’y a toujours que nous, avec très peu de concurrence dans notre petit domaine. C’est comme si nous étions en compétition dans le sport du curling ou quelque chose comme ça.
Mais la douceur semble relative. On vous a comparés à des groupes comme Belle & Sebastian.
C’est vrai. Ils étaient très importants pour moi. Eirik et moi, nous avons des goûts très différents. Il n’a jamais aimé ce groupe. Par hasard, je les ai vus pour la première fois en 1997 à Londres, et j’ai été impressionné par la puissance de leur musique qui n’avait pas beson d’être bruyante. Je me suis senti bien et très excité d’entendre de la musique sans guitare proéminente. Cela avait plus à voir avec la façon dont ils jouaient ensemble. Avant, j’aimais des groupes comme Ride et My Bloody Valentine, mais Belle & Sebastian m’a guéri de cela, en quelque sorte. J’ai réalisé que la musique n’avait pas besoin d’en arriver là. Elle peut rester calme et être quand même géniale.
Après Belle & Sebastian, il y a eu une vague de gens qui n’avaient pas besoin d’être super bruyants. C’était un parallèle avec nous. J’ai vu beaucoup d’artistes qui prenaient votre attention, mais pas en jouant fort. Ils étaient silencieux et attiraient l’attention du public. La plupart d’entre eux ne faisaient pas que ça. Nous avons eu beaucoup de chance qu’un grand label nous fasse confiance et nous laisse rester aussi silencieux que nous l’étions.
Attirer l’attention de quelqu’un en étant silencieux semble être plus difficile que de maintenir son attention.
Exactement. Tant que les gens sont attentifs, c’est très bien. Mais il est difficile d’attirer leur attention. Ce n’était pas évident au début pour Kings Of Convenience. Nous ne pouvions pas simplement nous accrocher à un genre existant avec des fans existants, parce qu’il n’y avait personne qui faisait quelque chose comme ça en 2001. Il n’y a toujours rien de tel aujourd’hui. Nous sommes en 2021, et notre ancien monde n’existe pas. Il n’y a pas ces connexions secrètes dans le monde entier de gens qui sont super dans l’indie pop. Il y avait tout un monde de ça avant. Nous sommes tous très connectés, mais j’ai du mal à voir ce genre de mouvement de masse des genres. Peut-être que ce n’est pas à moi de le voir. Mon amie Clara, en Espagne, dit que la musique est comme la décoration intérieure et que Spotify est une sorte d’architecte d’intérieur. Il rend votre espace domestique agréable. C’est ce qu’il vous apporte.
En gardant cela à l’esprit, êtes-vous toujours attaché à l’album en tant que support ?
Oui. Nous sommes en quelque sorte coincés avec lui à cause de notre contrat de disque incroyablement ancien. Produire un album n’a pas toujours de sens, mais c’est très étrange de ne sortir qu’une chanson. Il y a beaucoup moins de choses à faire pour l’imagination. C’est en gros ce que nous voulions faire avec le nouvel album – donner aux auditeurs l’espace nécessaire pour imaginer et trouver les liens entre les choses et pourquoi elles sont ensemble de cette façon. Nous avions l’habitude d’aimer beaucoup la dernière chanson d’un album. Notre concept était de faire un album qui ne contienne que des dernières chansons, des « closers ».