Même si Curiosity, le premier album de Wampire, n’est pas foncièrement original (https://rock-decibels.org/2013/06/09/wampire-curiosity/), il regorge suffisamment de titres accrocheurs sur le mode pop psychédélique pour que l’on s’intéresse au premier effort de ce duo de Portland. Eric Phipps, un des deux wampires, nous aide à faire le point
Comment vous êtes-vous rencontrés, formés et avez-vous décidé de ce son pop, chaud et aux contours flous ?
Rocky et moi nous sommes rencontrés au lycée. Il jouait de la trompette et moi du saxo. On prenait le même bus qui nous emmenait répéter et on est devenus assez bons amis. On a alors appris à jouer de la guitare et de la basse en jouant ces « power chords » si typiques de groupes punks comme The Misfits. C’est vers 2007 que notre son tel qu’il est défini aujourd’hui s’est formé avec, comme influence initiale, des groupes comme Beach House et Broadcast. Mais on utilisait un ordinateur pour les rythmes et enregistrer la guitare, la basse et les synthés. Au bout de deux ans, on a voulu redéfinir notre son et ça s’est marqué par un intérêt renouvelé pour la production classique des 50’s, 60’s et 70’s. À la base, il s’agissait de mêler notre approche lo-fi à un élément plus rock and roll et d’abandonner tout l’aspect électronique. On puisait dans la surf music des 50’s, le psychédélique et la soul des 60’s, le rock des 70’s et le David Bowie des 80’s. Notre son est né de cette confusion, confusion où nous sommes encore nous aussi.
Comment avez-vous obtenu que Jacob Portrait de Unknown Mortal Orchestra se charge de la production ?
Cela fait assez longtemps que nous sommes amis et quand nous avons signé avec Polyvinyl il nous semblait évident que c’était avec lui que nous devions travailler. Avant eux, l’album semblait ne jamais voir le jour. On avait essayé par nous-mêmes mais on ne se sentait pas à 100% satisfaits des morceaux et de la production. Jake nous avait déjà aidés avent Polyvinyl mais à l’époque on manquait de focus. Quand on a enfin eu un projet avec une date de sortie bien définie, on s’est retrouvés à trois et on en a discuté. L’idée était de faire un album aussi divers que possible, intégrant tous les éléments de ce qui était ou avait été Wampire. On savait pourtant qu’il fallait que l’on resserre cette approche de manière à ne pas sonner trop décousus. Jake nous a alors aidés à affiner les percussions et la basse ainsi que le contenu lyrique de nos textes. Sa contribution a été énorme et on discute déjà avec lui du prochain album.
Comment naît un morceau chez vous : guitare ou synthé ?
Il n’y a pas véritablement de règle. J’ai déjà composé sans toucher à la guitare ou aux claviers comme « Trains » par exemple. J’avais écrit la majorité des accords, de la mélodie et juste un vers avant de rentrer chez moi pour travailler dessus. Il faut que ce soit spontané ; si on attrape une guitare et que ça vient, je laisse filer. Je ne sais pas comment Rocky (Tinder) fonctionne mais il a toujours des « demos » complètes et des compositions très prometteuses quand on entre en studio. On les retravaille jusqu’à ce que la magie du studio nous indique que tout est OK. J’écris sur une guitare acoustique à cordes de nylon mais j’aime bien aussi composer sur un piano ou un synthé. Changer la manière dont je débute un morceau génère une approche différente en studio et garde spontanée notre inspiration.
« The Hearse » ouvre l’album de manière assez délirante. Quel en est le sujet ?
Rocky y mentionne un chien, nommé Jody, qui est témoin de la mort de son maître. C’est juste une sorte d’hymne morbide synthé-punk à la fois humoristique et glauque. Je crois qu’on est capable d’avoir des textes assez profonds mais souvent on évite qu’un message soit trop clair, sauf peut-être sur des chansons d’amour comme « Trains » ou « Magic Light ». Si on est réfléchis, cela doit rester suffisamment personnel pour rester vague à l’oreille de celui qui écoute. J’aime cette idée où ce dernier est obligé de trouver une interprétation à un morceau à partir de sa propre perspective. J’avais un ami qui pensait que le chorus « Help Me Rhonda » des Beach Boys était « happy fun, hap, happy fun ». Je lui ai brisé le cœur quand je lui ai dit que ça n’était pas une célébration du bonheur !
Comment vous est venu « Spirit Forest », en particulier les parties de guitares et les percussions ?
Je ne sais pas trop si ce « single » marche bien mais ça reste un des morceaux favoris des gens quand on le joue en concert. Je crois que l’on a réussi à le produire en juste une journée. Sur d’autres morceaux, ça prenait des jours ou même des mois rien que pour se décider sur les arrangements. J’ai écrit « Spirit Forest » juste après une excursion psychédélique au Portland Pioneer Cemetery ! Inutile de vous dire que l’expérience était unique. C’était une « demo » que j’ai amenée en studio et Jake a eu l’idée de lui donner une tonalité plus « krautrock » avec la batterie et les synthés. On a réalisé cette version avec Jake, passant une journée à essayer de lui donner ce « groove » particulier ; moi au synthé, à la basse et à la guitare et Jake au synthé et à la batterie. Ça a été le titre réalisé le plus rapidement de tout l’album.
Quels groupes vous ont influencés et qu’écoutiez-vous en studio pour y trouver inspiration ?
On écoutait Flowers des Stones. L’influence que Brian Jones avait dans les 60’s était fondamentale. On écoutait aussi T. Rex, Ariel Pink, Low de Bowie. Moi, j’étais plus dans he Seeds, The Yardbirds, The 13th Floor Elevators et Diamond Dogs de Bowie. Mais je crois que tout cela a surtout une influence dans nos spectacles et en aura plus dans notre prochain album que sur Curiosity.
Comment parvenez-vous justement à transférer votre son sur scène ?
On a deux synthés, deux guitares, une basse et la batterie. C’est un peu plus « rock » mais c’est aussi comme ça qu’on préfère. Le public réagit bien quand les guitares sont très psychédéliques et que le rythme est bien moteur.
Que pensez-vous du rôle de l’Internet pour la musique nouvelle ? Qu’en a-t-il été pour vous ?
Il est certain que ça a sursaturé le marché de groupes médiocres mais ça a son utilité. Si vous avez un bon « single », cela vous donne la bonne exposition et peut vous permettre de travailler ensuite pour peaufiner votre style. En ce qui nous concerne, ça nous a immensément aidés.