Pink Milk: « Ultraviolet »

30 novembre 2021

Les Suédois de Pink Milk, groupe de dark shoegaze, sortent ici leur deuxième album, un Ultraviolet qui se révèle être un puits lugubre de bruit dense, des cascades de ténèbres qui semblent issus comme tourbillonnant depuis une fosse. Leur biographie indique qu’ils pratiquent une musique occulte inspirée des années 80 et que Reverb est leur deuxième prénom, une appellation qui leur va comme un gant

Les détails sur le groupe sont squelettiques, mais ils indiquent que Maria et Edward Forslund ont écrit toute la musique (sauf le thème de Terminator 2) et que Maria a écrit toutes les paroles. Les critiques vous diront qu’ils sonnent comme The Cure ou les Cocteau Twins mais cene sera qu’à partir de « Here Comes the Pain » que l’on remarquera vraiment l’influence de cesderniers et, pour peaufiner les similitudes, on remarquera également qu’ils sonnent aussi un peu comme Pinkshinyultrablast, qui , eux aussi,utilisent la réverbération.

La musique est, dans le genre précité, d’une beauté absolue, comme en témoignera le sublime « Everything Must Die ». C’est une vérité indéniable, mais ne vous attardez pas sur le titre. Au lieu de cela, laissez-vous emporter par les volutes de sons et la voix de Maria Forslund.

« Here Comes the Pain » laissera entrer un peu de lumière en soulignant les influences musicales de leurs années de formation alors qu’ « Into the Void » empruntera un chemin plus sombre, qui restera enflammé par des percussions aériennes. Si vous ajoutez, enfin, des lignes de basse super caoutchouteuses, vous serez au paradis de la darkwave.

« Blue Eyes (River of Glass) » avance, lui, comme une bombe à mèche lente, et sa grandeur plaira aux auditeurs. C’est probablement la plus jolie chanson de cet album, servi par une dream pop glacée en un amalgame qui fonctionne très bien.

« Nobody Can Save Me Now » évoquera, se son côté, la dernière période de Cure qui sert ici une sorte de tremplin sonore dans lequel le duo s’appropriera vraiment cette musique. » Luv Hurtz » » et le bien nommé « Sayonara » complètent cet album avec ce dernier titre particulièrement funèbre, un autre style dans lequel le groupe se délecte.

Écoutez au casque pour apprécier les nuances de cet enregistrement. Ultraviolet est album sombre, certes, mais il est plein d’un espoir de la part de ces grands pourvoyeurs de doomgaze et il sera, par conséquent, hautement recommandé !

***1/2


Elbow: « Flying Dream 1 »

29 novembre 2021

Le chant mélodieux de Guy Garvey et ses histoires intelligentes et sentimentales nous transportent dans les méandres des bois, du piano et de la guitare, comme un guide dans des eaux nouvelles ou familières. Sur leur dernier album, Flying Dream 1, Elbow semblent vouloir abandonner le format habituel des chansons pour se consacrer au pur amour du son, vocal et instrumental. On retrouve toujours les sensibilités pop alternatives que l’on attend d’Elbow, et bien que la plupart des chansons reposent davantage sur le flux et le reflux que sur la force motrice qui fait de certaines de leurs chansons les bangers qu’elles sont, elles parviennent toujours à exciter et à émouvoir.

Comme on peut s’y attendre au vu du titre, le vol est un thème qui revient à plusieurs reprises sur le disque, notamment dans la première moitié. « Est-ce un oiseau ? /Est-ce un avion ? / Ou est-ce une belle âme de guerrier jetée à la mer / qui traverse le ciel pour rentrer chez elle ? » (Is it a bird? / Is it a plane? / Or is it a jettisoned beautiful warrior’s soul / blazing ‘cross the sky on its way back home?), chantent-ils sur la troisième chanson de l’album, un trois-quatre avec un rythme Casio intelligent et un piano qui tinte. À propos de l’amour, Garvey chante sur « Six Words », Seule la chute vous donne des ailes comme celles-ci » (Only falling gives you wings like these).

La seconde moitié de l’album semble être constituée de titres qui parlent principalement de sa femme et de l’amour de sa vie. Elle comprend des chansons comme « The Only Road », où il chante « Oh, je ne t’ai pas vu venir / Mais maintenant, je ne suis rien sans toi » (Oh, I didn’t see you coming / But now I’m nowt without you). Et la seule route que je connais maintenant / c’est toi et moi ensemble » (And the only road I know now / is you and I together) . Le morceau le plus radieux de l’album est probablement le dernier, « What Am I Without You » qui a déjà fait son entrée dans leur cycle de performances « live » pour un effet triomphant. Le morceau commence de manière éparse, comme une grande partie de l’album, mais se transforme en une émouvante jam de rhythm and blues. Une chanson qui sera sans aucun doute un élément essentiel du catalogue d’Elbow à partir de maintenant, tout comme leurs nombreux autres morceaux mémorables et entraînants.

Pour les fans d’Elbow, cet album est un régal, avec sa subtilité, sa romance et sa bonne humeur typique. C’est un album d’une beauté époustouflante, avec la voix caractéristique de Garvey au premier plan et l’instrumentation talentueuse du groupe. C’est en quelque sorte leur disque pandémique, mais comme le titre le suggère, il s’agit davantage du rêve plein d’espoir de l’amour, que de la réalité de la stagnation ou de la mort que nous avons vécue à des degrés divers ces deux dernières années. Il semble que Garvey soit heureux de la vie qu’il mène, et sa gratitude se traduit par une affirmation cosmique de tout l’amour que nous pouvons ressentir ou espérer dans nos vies. Pendant un certain temps, les avions sont restés au sol, mais Garvey ose toujours rêver de voler.

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Jon Hopkins: « Music for Psychedelic Therapy »

29 novembre 2021

Jon Hopkins, spécialiste de la musique électronique, fait une plongée en profondeur et va droit au cœur sur Music for Psychedelic Therapy. La question est de savoir si vous le suivrez.

Depuis 2013 avec Immunity et 2018 avec Singularity, Jon Hopkins a suivi une trajectoire en ligne droite visant le soleil. Et puis, le point a disparu de l’écran. Jon Hopkins a, alors, fait un virage à 180 degrés et réapparaît aujourd’hui avec Music for Psychedelic Therapy. Si l’on considère les débuts cérébraux de Hopkins et ses projets secondaires expérimentaux, cet album était toujours là pour être réalisé. Hopkins dit que c’est le disque qu’il a essayé de faire toute sa vie. Lorsque vous appuyez sur « play » et vous n’aurez aucun doute ; la musique est une question de vie et de mort.    

Elle modifie , en effet, nos ondes cérébrales. Elle détermine notre humeur et allège notre esprit lorsque nous entendons les bonnes ondes. La musique guérit. Nous le savons et le savons depuis des millénaires. Pourtant, peu de travaux scientifiques y ont été consacrés jusqu’à cette dernière décennie. Le neuroscientifique Mendel Kaelen et sa société Wavepaths font partie de ceux qui investissent massivement dans la musique générative qui évolue au gré de vos humeurs et rétablit l’harmonie lorsque vous en manquez. Grâce aux ondes sonores delta et thêta et aux battements binauraux, les sensations de douleur diminuent, la mémoire s’améliore et même votre peau se régénère au niveau cellulaire. La musique est le chemin vers nos pensées, nos joies et nos peurs. Elle est si puissante.

En 2018, Wavepaths et Kaelen sont allés en Équateur faire des enregistrements sur le terrain dans la profonde Cueva de Los Tayos (grottes des oiseaux de pétrole) pour une future thérapie par ondes sonores. Jon Hopkins a été invité pour l’enregistrement et pour travailler sur la musique générative. Ils ont passé quatre jours dans l’obscurité totale à vivre dans les sons des grottes. Cette expérience a directement posé les bases de Music for Psychedelic Therapy.

L’album a une narration simple qui correspond aux étapes d’une expérience psychédélique. Il y a l’accueil, la descente dans la grotte et la vie à l’intérieur, le pic central, l’ascension, le retour à la maison, et enfin, le retour au calme accompagné par la voix du leader spirituel Ram Dass.

Le récit décrit le mouvement et la transgression, et la musique en est le reflet. Dès le premier son de cloche, vous êtes plongé dans la terre. Le sentiment d’être englouti par la vaste obscurité de la grotte est ressenti et reflète ce que Hopkins a ressenti lui-même en descendant. Une fois en bas, ce malaise disparaît. Vous ne savez peut-être pas où vous êtes ni où tout cela va, mais vous vous sentez guidé par la musique. Il y a de l’émerveillement et de la crainte, mais aussi du réconfort dans l’air. On n’a pas l’impression d’être en territoire étranger. C’est étrangement familier. C’est comme voir l’intérieur de notre propre corps pour la première fois. Le bruit de la pluie est peut-être omniprésent, mais les synthés éclairent l’endroit où nous sommes censés marcher, de sorte que notre chemin est clair. 

La pièce maîtresse, le sommet et le cœur du sujet (car c’est le cœur qui est le sujet ici) est la triade « Love Flows Over Us in Prismatic Waves », « Deep in the Glowing Heart » et « Ascending, Dawn Sky ». Lorsqu’elle commence, il ne fait aucun doute que nous sommes tombés sur quelque chose dans la grotte. Les synthés, les voix de chœur et le son de votre propre cœur qui bat dans vos oreilles augmentent lentement. Nous nous rapprochons. Coulant jusqu’au cœur. Sur « Arriving », on entend des voix humaines qui signalent un retour à la maison. L’expérience de l’album se termine avec « Sit Around the Fire », qui fonctionne comme une sorte de phase de décompression après avoir refait surface. C’est là que toutes les pièces s’assemblent. C’est là que tout doit se terminer. Au coin du feu.

Il y a un autre type de transe dans la musique pour la thérapie psychédélique. C’est aussi éloigné que possible des clubs bondés et des concerts dans les stades pour le plaisir de la communauté. La musique est sans rythme et sans ego. Elle flotte, dérive et se déchire, et pourtant, lorsqu’elle déclenche une tempête, vous restez centré et calme, car la musique ne vous lâche jamais la main. 

Music for Psychedelic Therapy est une odyssée spatiale. Ses aspirations et ses ambitions sont hors du commun, mais l’album ne semble pas avoir une portée considérable. Nous n’allons pas jusqu’à Jupiter et au-delà, nous restons sur terre, à sentir le sol. Et il y a assez d’émerveillement ici pour tout le monde.

Alors qu’il suivait lui-même une thérapie psychédélique – pour avoir une idée de la musique – Hopkins s’est souvenu de la citation « la musique est une architecture liquide ». La musique concerne l’espace, l’organisation de l’espace et votre orientation à travers celui-ci. La musique crée les pièces et actionne les portes. La musique peut vous guider ou vous laisser désorienté. Elle peut vous faire traverser des mondes ou vous y perdre. Et la musique vous transforme au passage.

C’est pourquoi nous sommes toujours, consciemment ou inconsciemment, à la recherche des bons sons. Des sons qui nous parlent clairement et nous font voir les choses autrement. La musique a un but spirituel. C’est son origine. L’esprit. C’est aussi sa destination. Music for Psychedelic Therapy en est un témoignage, et c’est une écoute pleine d’humilité. Décrire cet album et ce qu’il fait est finalement futile. Vous ne le comprendrez pas tant que vous n’aurez pas écouté la musique vous-même. Du premier coup de cloche de méditation au tout dernier craquement du bois de chauffage, vous êtes envoûtés. Si vous vous laissez faire. Car il s’agit toujours d’une question de volonté et de savoir jusqu’où nous sommes prêts à aller. La seule prémisse est de calmer l’esprit et d’ouvrir le cœur.

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Noltem: « Illusions in the Wake »

29 novembre 2021

Créé aux États-Unis en 2003 par Max Johnson (guitare/basse/clavier), ils sortent une première démo en 2005 puis ne donnent plus signe de vie. En 2015, John Kerr (batterie/chant, Marsh Dweller, Pyrithe…) les rejoint pour la sortie de leur premier EP. Après l’arrivée de Shalin Shah (basse, Protolith, ex-In Human Form), les musiciens travaillent sur Illusions in the Wake, leur premier album.

On commence par quelques vagues sur « Figment, » un morceau qui appelle rapidement la dissonance du Black Metal tout en créant une atmosphère à la fois apaisante et pesante. Les harmoniques volent facilement autour de nous, créant un vortex hypnotique avant le clean break, mais la saturation ne tarde pas à se réveiller lentement pour apporter de la lourdeur. Le son donne naissance à Illusions In The Wake, une chanson aux mélodies pointues et présentes, qui nous hypnotise lentement, puis explose soudainement.

On retrouve quelques influences mélodiques Prog, surtout lors de longues parties lead, comme sur  « Beneath the Dreaming Blue » et sa mélodie entêtante qui laisse une place importante à la partie rythmique et aux hurlements. Le morceau deviendra de plus en plus lourd jusqu’à créer une véritable vague déferlante qui ne s’apaisera qu’avec Submerged, un interlude doux et aérien, qui nous conduit à « Ruse ». La noirceur refait immédiatement surface, et elle nous entoure également de riffs aussi impressionnants que mélodiques et entêtants, surmontés de hurlements viscéraux et de quelques hurlements majestueux. « On Shores of Glass » vient clore cet album avec une composition instrumentale à nouveau très progressive mais aussi très mélodique, qui ne fait que renforcer cette ambiance glaciale et saisissante.

L’univers de Noltem peut être difficile à aborder, du fait de sa froideur. Mais laissez-vous tenter par la première chanson d’Illusions in the Wake, qui introduit un à un des éléments majestueux, purs et aériens du Black Metal atmosphérique.

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Lindy-Fay Hella & Dei Farne: « Hildring »

29 novembre 2021

Ceux qui ont apprécié le travail de Lindy-Fay Hella dans le passé connaissent bien sa performance vocale enchanteresse, et seront sans doute impatients d’entendre cette nouvelle collaboration avec Dei Farne sur le nouvel album Hildring. Cette nouvelle dynamique promet beaucoup, mais est-elle à la hauteur des attentes ? Hildring est un départ frais et inhabituel, l’instrumentation incroyablement solide est presque en décalage avec le ton éthéré et la composition naturaliste. De la même manière, Los a un cœur doux et ancien. La douceur de la voix d’Hella et la façon dont la musique provient de sons qui pourraient très bien être des parties du monde qui nous entoure sont captivantes. Ce son de base évolue et devient quelque chose de plus, rempli de tant de percussions et de mouvements sauvages que vous êtes pratiquement emporté par son rythme. Un doux sentiment de folk traditionnel habite Hildring en tant que disque, et c’est un fort sentiment d’aventure dans différentes facettes de ce que Lindy-Fay Hella peut créer avec la joie renouvelée de la musique avec l’arrivée de Dei Farne.

« Kjetto » est également un morceau doux et contemplatif qui est à la fois sombre et accueillant. Il évoque des sentiments de déjà vu, comme s’il y avait une coutume et une culture qui résonnent dans votre âme, mais que vous aimeriez mieux connaître à travers cette musique. Mais tout n’est pas si lourd dans les grandes idées de l’esprit et de l’univers, car des chansons comme « Taag » apportent un rythme enjoué, mené par des cordes, au travail proposé.

« Otherworld » est probablement un point fort pour quiconque recherche une musique folk qui incorpore cet étrange pouvoir de la voix avec les idées du mystique, des dimensions et des étendues si éloignées de notre réalité. C’est une combinaison fantastique de la puissance simple du synthé et des traditions vocales magnétiques qui rendent le travail d’Hella si fascinant. La combinaison de chants traditionnels, axés sur l’héritage, qui se marient avec des sons de synthétiseurs expansifs et inhabituels fonctionne très bien sur ce disque, et fusionne deux mondes que Lindy-Fay Hella respecte et apprécie au plus haut point. Insect va dans des directions très différentes, en apportant un son plus synthétisé et en s’appuyant davantage sur les touches, mais en gardant toujours l’élément clé de la voix de Hella. C’est un album presque entièrement instrumental, dans lequel la voix est utilisée comme un élément d’accompagnement du reste des instruments plutôt que comme un véhicule pour les mots.

De même, la façon dont le synthétiseur s’étire comme une bande dans Brising, donnant une impression de vieillesse pour accompagner le battement constant et vrai de la batterie, permet une transe totale qui vous enveloppe. Se laisser entraîner dans de nouvelles dimensions, vers des âges passés et futurs est une chose difficile à faire, mais Lindy-Fay Hella & Dei Farne y parviennent habilement. L’ajout de voix masculines plus profondes, en particulier ici, crée un impact, comme si l’on passait d’un état d’esprit à un autre. Enfin, « Gjelet » est certainement la chanson la plus appropriée pour le point culminant. Tout comme vous vous êtes sentis familiers et à l’aise dans ce disque, Lindy-Fay Hellas’épanouit complètement avec ce dernier morceau envoûtant.

Hildring semble ainsi diégétique par rapport au monde dans lequel nous vivons avec son instrumentation naturelle, tout en nous poussant à regarder plus loin et dans des territoires plus mystiques, d’un autre monde, avec son utilisation non conventionnelle du synthé. Tout ce didactismeq que Lindy-Fay Hella & Dei Farne ont créé ici est empreint d’un but et d’une double volonté d’être à la fois dans le passé et dans le futur, et de se rencontrer dans le présent pour capter votre oreille et votre imagination.

***1/2


Hen House: « Equaliser »

29 novembre 2021

Pour ceux d’entre vous qui n’y ont pas prêté attention, Hen Hoose est un collectif composé de quelques-unes des meilleures musiciennes que l’Écosse a à offrir et Equaliser est leur premier album. Le disque s’ouvre sur le récent « single », « Monochrome », une collaboration entre Emma Pollock et Pippa Murphy, qui a un joli son indie nous faisant penser aux Long Blondes, aux Raincoats et à Lush. Dans « Just Be Real », Pippa Murphy fait équipe avec Rachael Swinton pour un titre plus feutré et sulfureux, aussi honnête que somptueux. 

La charge de ce collectif a été menée par Tamara Schlesinger, que vous connaissez peut-être mieux sous le nom de Malka, et ‘ »These Are The Nights » la voit s’associer à Karine Polwart pour une rompue alt-pop typiquement tropicale mais sombre. La basse 80s de « The Best Is Yet To Come » fait, elle, appel à Amandah Wilkinson et Carla J. Easton pour travailler avec Schlesinger sur un morceau qui serait parfait dans un film de John Hughes sur l’émancipation des femmes face à la misogynie capitaliste – pensez à Working Girl mais avec plus de néon.

Le ton baissera sur « Revolution Retribution », où Wilkinson s’associe à Jay Puren pour une mélodie plus sombre et des paroles rappées qui vous entraînent instantanément dans leur univers. Elisabeth Elektra et Susan Bear font équipe sur « Hush Hush », une mélodie glaciale avec des notes de basse lunatiques et une ambiance à la Sia et Goldfrapp, tandis que « Go Easy » ramène Polwart aux côtés de Bear pour une ode délicate et folklorique à l’attention portée à soi et à la gentillesse – c’est absolument magnifique. Un autre « single », « The Bliss », voit Schlesinger faire équipe avec Inge Thomson sur un morceau impavide et éthéré, aussi atmosphérique que captivant avec ses collections de rythmes, de sons et de mélodies fragmentées. 

La belle ballade dramatique qu’est A Change In The Light » de Sarah Hayes et Pippa Murphy est le genre de chanson déchirante propre à rendre Adele jalouse et « Make It Alright » est un morceau triste au piano de Hayes et Elektra qui tire le meilleur parti des vibrations synthétiques des années 80. L’avant-dernière chanson est « Outrun You » de Wilkinson et Thomson avec un vrai sens de la pop outsider pleine d’excentricité et de charme. Le dernier titre, «  Burn It All « , écrit et interprété par Thomson et la regrettée Beldina Odenyo, est une douce mélodie au piano qui grandit et se transforme en un morceau de musique épique. Cet album était destiné à mettre en valeur le talent féminin écossais actuel et à donner de la force et de l’espoir à celles qui suivront. Tragiquement, cet album est maintenant aussi un testament au passé et au talent perdu de Beldina Odenyo, mais il y a encore de l’espoir – il y a toujours de l’espoir.

***1/2


Upsahl: « Lady Jesus »

27 novembre 2021

Lady Jesus d’Upsahl (une native d’Arizona) est un album composé de dix morceaux de pop alternative, infectieuse et entraînante, écrite par une auteure de chansons tout à fait passionnante. 

Les choses commencent avec «  Douchebag », une chanson qui fait ce qu’elle dit en allant droit au but et en s’attaquant à un ex , un flemmard aux yeux morts, avec une énergie salutaire sur le genre de mélodie qui conviendrait parfaitement à une comédie d’amour des années 90. « Melatonin », en revanche, est un titre plus théâtral qui s’étale d’abord sur un piano luxueux avant de se pavaner dans une robe de bal rouge cerise et une bouteille de Jack Daniels. Le « single » « Time Of My Life » aborde la déception de vivre ses meilleurs jours et de ne pas en profiter sur un air pour lequel Katy Perryaurait pu commettre un meurtre.

« Lunatic » poursuit le thème de l’abandon d’une ancienne vie avec énergie et des paroles sur le fait de frapper un gars «  dans ta petite bite » (in your tiny dick); c’est une vibe forte assurée. La ligne de basse garage-punk de « Thriving » vous attire dans un morceau qui se tortille et tourne autour de vos attentes alors que les harmonies façon Beach Boys mélangent à l’énergie et à l’indifférence d’un combo comme Sleigh Bells. Si vous cherchez un hymne pour ce disque, n’allez pas plus loin que « Notorious, parfait pour un club comme pour une salle comble.

« Idfwfeelings » est une chanson faite de défis et qui reste d’un calme glacial alors que la basse saute, que le rythme tremble et que la chanson entière opère dans l’ombre pour que vous ne puissiez jamais la voir. Loin d’être une ode à l’une des boissons les plus inquiétantes du 20ème siècle, « Sunny D » est une collaboration qui voit Upsahl trouver une nouvelle confiance et une voie hédoniste vers l’avant. « Il y a beaucoup de vampires dans cette ville » (There’s a lot of vampires in this city) est la première ligne de « Last Supper » et c’est le morceau le plus honnête et le plus ouvert de l’album. Upsahl chante « Je vis chaque jour comme si c’était le dernier repas » (I live every day like it’s the last supper) dans le sens de vivre pleinement la vie mais sans faire confiance à ceux qui s’accrochent à vous. 

L’album se termine avec le titre « Lady Jesus » qui se délecte d’une ligne de basse inspirée des années 80 et l’énergie de Sleigh Bells est de retour dans les voix déformées et le style sans compromis. Ce qu’on peut apprécier chez Upsahl, c’est qu’elle a 22 ans, qu’elle écrit sa propre histoire et qu’elle le fait avec style, avec honnêteté et avec un réel talent de compositrice. Il ne s’agit pas d’une marionnette pop ou d’une saucisse de spectacle, Lady Jesus est une bonne et véritable affaire et cet album n’en est que le début.

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Sally Anne Morgan: « Cups »

27 novembre 2021

À certains moments sur le délicieux Cups de Sally Anne Morgan, on peut penser que le monde entier est sur le point de s’écrouler, tandis que d’autres sections font appel à quelque chose d’ancien et de divin. Avec certains morceaux improvisés et d’autres composés, Cups évolue avec grâce et une touche de fantaisie terreuse. Le talent de Morgan en tant qu’auteure-compositeure et musicienne est toujours au centre.

« Pythagore » est lâche et séduisant. Des fils tendres sont tendus, imprégnés d’un courant sous-jacent délabré qui laisse entendre que tout s’écroule. Pourtant, Morgan le tient fermement, changeant de vitesse alors que son violon et son banjo se déplacent ensemble de façon ludique. Ce même lyrisme sature le début de « Night Window ». Accueillant la lune, un glockenspiel particulier et branlant poursuit la cadence dansante des notes de violon arquées et pincées. Tout semble si proche, si vulnérable, comme si Morgan jouait cette chanson pour un seul public, comme si elle n’était destinée qu’à exister dans ce lieu et ce moment singuliers.

Des éléments sacrés s’élèvent dans le calme de la poignante « Hori Hori ». Imprégné d’un esprit méditatif avec ses lamentations resplendissantes à la guitare et au violon, il se promène dans le ciel avec un arôme séduisant, hurlant une ode resplendissante au soleil couchant. « Through the Threshold » fonctionne sur un plan similaire. Une étreinte souriante, imprégnée d’un message chaleureux et intemporel de bienvenue et de gratitude, flotte comme un duvet de pissenlit dans les plaines ensoleillées. Appelant les derniers rayons de lumière dans l’âtre, « Home Soup » prolonge ces sentiments plus loin dans la soirée. Un feu crépite de l’autre côté de la pièce alors que l’obscurité tombe et la résonance brûlante de Morgan illumine tous les coins de manière enjouée.

Plus proche, « Angeline » est un baiser vous souhaitant une bonne nuit, que ce soit juste pour quelques heures ou pour toujours, le poids émotionnel des changements d’accords de Morgan empêche les sentiments de s’envoler, de disparaître imprudemment dans l’un ou l’autre. Les notes calmes gardent ce sentiment d’affection à portée de main, le gardant au chaud. Cups est une collection enchanteresse qui s’épanouit dans son intimité et sa franchise. Le jeu de Sally Anne Morgan et son approche de la musique éternelle et sans âge sont une véritable bouffée d’air frais.

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Brian Wilson: « At My Piano »

27 novembre 2021

Le compositeur innovant qu’est Brian Wilson revient avec un volume ensoleillé de spirituals pop californiens instrumentaux après le suivi intime qu’a été No Pier Pressure en 2015, et le son magistral pour lequel l a toujours été connu après six décennies. On y retrouve le réoutillage de ses précédents travaux avec les Beach Boys sous forme de compositions instrumentales, juste lui au piano solo.

Des classiques comme « In My Room » sont immédiatement reconnaissables, tandis que « Don’t Worry Baby » et « California Girls » vont trouver une nouvelle vie et une reconstruction revigorante. Lestitres phares de Pet Sounds, « God Only Knows », « Wouldn’t It Be Nice », « You Still Believe in Me » et le ô combien appeoprié « I Just Wasn’t Made for These Times », reçoivent également des transformations immaculées, mais fidèles.

Dans « Sketches of Smile », Wilson revisitera également des parties de son chef-d’œuvre perdu de 1967, notamment « Do You Like Worms », « Heroes and Villains » et « Wonderful ». « Good Vibrations » et « Surf’s Up », de leurs côtés, se suffiseront à elles-mêmes et constitueront les deux pierres angulaires de l’album, tandis que « Love and Mercy », le morceau préféré des solistes, apportera une touche émotionnelle familière.

Ailleurs, la valse romantique qu’est « Friends » (1968), un joyau sous-estimé, brillera aux côtés des œuvres plus importantes de Wilson, tandis que « Til’ I Die » restera une composition toujours aussi triompante. À ce titre,même dépourvu de voix, At My Piano en dit long sur son inspiration et sa créativité.

À plus de 80 ans, Brian Wilson est resté fort en tant que compositeur, produisant à chaque décennie des œuvres de qualité qui rivalisent avec les meilleures d’entre elles. Avec At My Piano, ce géant de la musique se repose confortablement, tout en continuant à rêver aussi intensément qu’il l’a toujours fait.

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Tony Malaby: « The Cave Of Winds »

27 novembre 2021

À première vue, cette sortie en quartet avec les vétérans Tony Malaby au saxophone, Ben Monder à la guitare, Michael Formanek à la basse et Tom Rainey à la batterie pourrait passer pour un énième album de jazz créatif new-yorkais. C’est le cas, mais une représentation aussi brève manque nécessairement la cible.

L’enregistrement comprend du matériel présentant de larges gammes sur les axes intérieur/extérieur et structuré/déstructuré. Il commence par une mélodie sautillante de Malaby, rapidement rejointe par un solo rugueux de Monder. Cela devient un thème pour The Cave Of Winds – Malaby maintient un sens de la direction tandis que Monder repousse les limites. En effet, le ton brut de ce dernier, qui est lourd dans les médiums et souvent bas dans le mixage, contraste exquisément avec le jeu des trois autres, formant une sorte de yin à leur yang collectif.

D’autre part, dans « Recrudescence », les quatre membres se livrent à des improvisations libres éparses et atmosphériques qui gagnent lentement en tempo et en densité, Malaby adoptant une approche plus expérimentale. La pièce maîtresse de l’album est le morceau titre de 18 minutes, qui offre un jeu poignant d’alto et de ténor de Malaby et des lignes angulaires simultanées de Monder. Formanek et Rainey sont activement engagés dans des leads co-extensifs plutôt que de simples rôles rythmiques. La deuxième moitié du morceau est particulièrement fascinante, le groupe passant d’une spontanéité chaotique et ouverte à des accords bourdonnants et fortement distordus de Monder, sur lesquels Malaby passe de techniques étendues à un thème subtil mais planant.

***1/2