Rapid Talk: « Interview de Conor Oberst »

Malgré le fait qu’il n’ait que 34 ans, Conor Oberst a plus de 20 ans de carrière dans la musique. Aujourd’hui semble être venu le temps de la réflexion pour un artiste qui a commencé à écrire des chansons dès l’âge de 13 ans. Comme pour tous les musiciens ayant commencé tôt, Oberst s’est constamment redéfini. Il a d’abord été qualifié de musicien « emo » puis a eu avalé le calice empoisonné d’être baptisé le « prochain Dylan » et, plus récemment, son répertoire a varéi entre l’Americana, le stadium rock où la spiritualité n’est pas absente et, enfin, du post-hardcore imprégné de politique protestataire.

Oberst s’éloigne aujourd’hui de l’étiquette Bright Eyes à laquelle il a souvent été associé avec son nouvel album solo, Upside Down Mountain. Bien que ce ne soit pas sa première incursion dans l’entreprise solo (le premier, éponyme, est sorti en 2008 suivi par Outer Soth avec le Mustic Valley Band 12 mois plus tard) ainsi qu’un The Peoples’s Key en 2011 qui ressemble de plus en plus au dernier album de Bright Eyes dans un futur proche, travailler seul offre aujourd’hui la parfaite opportunité pour qu’on puisse approfondir qui est le véritable Conor Oberst, non seulement pour nous, mais aussi pour lui-même.

Avec la production assez imposante de Bright Eyes, chose que le chanteur concède, le fait de devenir aussi dispersé soniquement, la réédition de tout son catalogue et l’importance de ses textes et à sa tonalité vocale, la perspective de cet album solo est assez intrigante quant à ce que le chanteur a à offrir : « La façon dont j’ai tendance à travailler ou à ressentir la créativité est en général une réaction contre ce que j’ai fait précédemment. Si je fais quelque chose pendant un certain temps, mon impulsion sera d’opter pour aller vers autre chose tout de suite après ».

On peut certainement dire que ce disque est un départ si on le considère avec son prédécesseur nettement plus cryptique. Alors que les albums précédents ont toujours vu Oberst chercher l’inspiration auprès de sources extérieures (la spiritualité, la vie dans le Sud des US ou dans une communauté en Floride), ce disque voit Oberrst choisir de regarder en lui-même ce qui fait de Upside Down Mountain son album sans doute le plus personnel.

« Parfois la créativité fonctionne comme un balancier et vous vous retrouvez là d’où vous êtes parti. C’est un endroit où vous avez déjà trouvé quelque chose de vous et je crois que j’ai essayé de revenir à une formule de composition plus traditionnelle pour moi. Avec The People’s Key, j’ai voulu enrober mes textes derrière un code cryptique que les gens devraient déchiffrer pour comprendre. Je crois qu’ici je suis beaucoup plus direct, d’une certaine manière. »

Tout comme un balancier, Upside Down Mountain présente, en certaines occasions, toutes les idiosyncrasies d’un album de Bright Eyes et voit le chanteur dans son registre le plus pensif. Il faut dire que bien des choses ont changé pour l’artiste depuis quelques années ; il s’est installé au Mexique, s’est marié et a signé pour Nonesuch Records une « major » après avoir réglé plusieurs problèmes contractuels. Malgré ce semblant de maturité nouvellement acquise on trouve sur le disque des restes d’introspections avec lesquels nous sommes toujours familiers depuis ses débuts discographiques en 2000.

Le début de l’album en est une indication d’ailleurs car « Time Forgot » voit Oberst vouloir se défaire de sa relative renommée pour emménager dans une ville fantôme de manière à, précisément, « réunir l’éparpillement de mes pensées ». Celles-ci se percutent dans « Double Life » : « J’essaie de dépeindre les périls et les côtés positifs du fait de vivre une existence plus calme , D’ailleurs une grande partie de l’album me voit me concentrer sur ces moments où il faut assumer un problème sérieux, que ce soit le départ de ses enfants ou la vie qui ne se déroule pas comme on le souhaite. »

L’optimisme n’est pourtant jamais loin et ce sur quoi Oberst insiste c’est « cette attitude semblable à la démarche zen qui est d’accepter la vie telle qu’elle vient et de réagir aux choses du mieux qu’on le peut. La vie est une souffrance et il y a des tas de choses cruelles qui arrivent dans le monde. Votre pouvoir réside dans le fait d’être capable de vous concentrer sur la négativité ou sur la nécessité d’avancer. » d’où l’importance qu’il donne au rôle que joue la musique : « Elle a l’unique habilité de nous faire passer derrière les lignes ennemies ; qu’elles soient politiques, spirituelles ou idéologiques. Si j’essaie de communiquer quelque chose, c’est juste un message d’humanisme que je tire des mon existence. Je me vois dans les autres et j’espère juste qu’ils en feront tout autant. » La musique ne changera peut-être pas le monde en effet, mais les gens qui l’apprécient et qui sont en phases avec ces idées pourraient un jour remporter le match.

Oberst gagnera sans doute certains fans et en perdra d’autres, plus proches de Bright Eyes ; mais ce qui compte ne réside-t-il pas dans cette lutte universelle qui se situe à l’intérieur de nous mais aussi au dehors et à laquelle on ne peut que se sentir des affinités ?

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