Viagra Boys: « Cave In »

Cave World, le troisième album brûlant des renégats post-punk que sont Viagra Boys, est essentiellement un manifeste sur la stupidité. En plus de cela, le quintette suédois s’attaque à la masculinité toxique et à la façon dont elle encourage les mauvais comportements, tout en se moquant d’eux-mêmes. S’il émanait d’un groupe à l’esprit plus sérieux, son message pourrait prendre une tournure plus idéologique, à la limite du prêche. Venant de Viagra Boys, on pourrait s’attendre au genre de pitreries dépravées avec lesquelles ils ont constamment tâté depuis leur premier LP, Street Worms, en 2018.

Dès le début, le groupe révèle certaines de ses compositions les plus sombres sur l’ouverture de l’album Baby Criminal, dans lequel ils racontent l’histoire d’un enfant innocent qui se transforme en un terroriste domestique en devenir. Le frontman Sebastian Murphy utilise les États-Unis comme modèle pour fonder son humour mordant, reconnaissant que la folie qui prévaut dans ce pays semble plus déséquilibrée que la plupart des autres. Il est difficile de ne pas être d’accord avec lui. Il renforce cette idée en termes plus généraux sur « Troglodyte », en défendant avec force l’idée que les singes ont plus d’intelligence que les extrémistes portant du papier alu et crachant des absurdités.

Murphy martèle ce message tout au long de Cave World avec une insistance inébranlable, ce qui peut sembler quelque peu irritant mais qui est très probablement le but recherché. C’est là que l’humour intervient pour apporter un peu de légèreté, comme sur « Punk Rock Loser », où le groupe utilise avec justesse un riff bluesy stomp déformé comme toile de fond pour décrire un bon à rien effrayant rempli d’une confiance mal placée : « Je n’ai pas l’air fou/Mais je le suis, putain, et je porte une petite chaîne en or » (I don’t seem insane/But I fuckin’ am and I’m rocking a little gold chain). Murphy livre l’une de ses performances les plus viscérales sur Creepy Crawlies, se pâmant et grognant à propos de l’hystérie de masse anti-vaccins sur un psychédélisme menaçant : « Avec de toutes petites jambes qui rampent autour de votre corps/collectent des informations » (With tiny little legs that creep around your body/collecting information). Sa façon de personnifier les vaccins est absurdement irrationnelle, mais, malheureusement, pas très éloignée de ce que dirait votre oncle consercial endoctriné.

Ce qui est plus audacieux dans Cave World, en dehors de leur engagement à agir comme des satiristes de la désinformation, c’est la façon dont le groupe prend une route plus aventureuse sur le plan sonore. Plutôt que d’épicer leur son punk avec du saxo skronky, le groupe puise dans l’électro-punk teinté de flûte (« Troglodyte »), la techno allemande frénétique digne de la bande originale de « Run Lola Run (Ain’t No Thief) » et la new wave minimale (« ADD »). Leur désir de secouer les choses n’est nulle part plus palpable que sur Big Boy, qui commence par un blues du delta teinté de marécages avant de se transformer en un beat acid house – avec nul autre que Jason Williamson des Sleaford Mods pour faire passer leur message sur ceux qui se vantent comme des hommes-enfants.

Juste au moment où vous pensez que Viagra Boys a épuisé ses idées, en dehors de la surprenante confession « ADD », Murphy et ses cohortes font monter l’énergie une dernière fois sur « Return of the Monkey ». L’équivalent auditif d’un coup de fouet soudain, ce morceau plein d’énergie s’aventure en territoire pop avec un chant délibéré (« Leave society/be a monkey ») qui complète parfaitement ses guitares bruyantes. Le groupe a complètement désévolué, appelant à une réponse primitive qui, plus que ses métaphores narquoises, ne semble jamais gratuitement nihiliste. C’est le plaidoyer désordonné et imparfait dont nous avons besoin en ce moment.

***1/2

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