Torres: « Thirstier »

Il n’est pas étonnant que les gens aient cherché une forme d’évasion étant donné l’état du monde au cours des 18 derniers mois environ. Vous n’avez besoin de personne pour énumérer toutes les merdes qui se sont produites, n’est-ce pas ? Torres aka Mackenzie Scott, comme nous tous, a choisi de se plonger dans les recoins de son imagination avec son cinquième LP Thirstier, la suite rapide de Silver Tongue enregistré l’année dernière, comme un moyen de contrecarrer la peur rampante de 2020 et 2021. La musicienne de Brooklyn a choisi de se plonger dans le royaume de la fantaisie sans limites : « Nous fantasmons toujours sur quelque chose qui est hors de portée. C’est ce qu’est un fantasme. C’est quelque chose que l’on ne peut pas avoir. Mais je voulais renverser cette idée et demander ‘et si votre fantasme était la chose que vous avez, cette boucle sans fin de fantasme’. C’est un moyen d’être dans ce royaume fantastique et magique pour toujours. Je veux créer cet espace pour moi. Je veux créer une réalitéoù mon quotidien est en fait mon fantasme. C’est ce que je veux plus que tout. Je pense que nous pouvons tous comprendre, non ? »

Si la fantaisie est le moteur principal, Torres a également voulu intégrer un autre facteur dans sa dernière création : « Je voulais canaliser mon intensité dans quelque chose de positif et de constructif, plutôt que d’être intense de manière destructive ou éviscérante. J’aime l’idée que l’intensité peut en fait être quelque chose de salvateur ou de joyeux ». Le modus operandi de la joie et de la fantaisie est évoqué par la liberté sonore que notre protagoniste poursuit sur Thirstier. Grâce à des incursions dans le grunge-rock noueux, avec des soupçons de shoegaze rêveur et une touche électronique occasionnelle, il semblerait que le pays de l’imaginaire de Torres soit un paysage musical sans frontières qui n’est limité que par son imagination. Les paroles de Thirstier sont, ainsi, ouvertes à l’interprétation, avec des thèmes centrés sur le compagnonnage, l’amour (pas toujours romantique, parfois platonique) et un défi aux poings serrés.

Le moment éponyme de l’album est une vitrine parfaite pour le disque ; avec une chanson qui traverse des rythmes sédentaires de machines à tambour et des grattages acoustiques vitreux, qui s’étendent bientôt en un énorme mur de son et c’est ici que Torres transmet son désir d’embrasser la joie dans son nouveau corps de travail. Ce voyage à travers des dynamiques calmes et fortes exprime les thèmes d’une chanson d’amour tordue « as long as I’m around/I’ll be looking for a nerve to hit/the more of you I drink/the thirstier I get » (Tant que je serai dans les parages, je chercherai à toucher un point sensible. Plus je bois de toi, plus j’ai soif). La fantaisie et l’intensité s’entrechoquent via la batterie distordue et l’électronique de « Drive Me », avec un morceau qui prend un ton légèrement plus sombre, parfois inondé de poches de lumière. « I can see you’ve got needs/so lover introduce me » (Je vois que tu as des besoins, donc l’amoureux que tu es doit m’introduire) ronronne Mackenzie aen un jeu séduisant. Un rétro-futurisme palpite au début de  » »Don’t Go Puttin Wishes in My Head « , où l’album passe de la pop éthérée à un indie-rock plus traditionnel.

La voix de Torres est passionnée et les guitares grondent vers la fin de la chanson alors que notre figure de proue déclare avec confiance « for a while I was sinking but from here on out I swear I’m swimming » (pendant un moment, j’ai coulé, mais à partir de maintenant, je jure que je nage).

Sur un titre comme « Constant Tomorrowland », on ne peut s’empêcher de se laisser emporter dans un tourbillon d’évasion. On y verra un élément mystique qui est soutenu par le souffle éthéré de Torres et un rythme tribal bégayant, tandis que l’assurance et le soutien coulent à travers les paroles du morceau « I’m ready/I see it/we’re gonna take flight/if you need to lean onto me I swear it’s alright » (Je suis prête, je le vois, on va s’envoler, si tu as besoin de t’appuyer sur moi, je te jure que c’est okay). « Kiss The Corners » prendra le rebondissement maladroit de «  Constant Tomorrowland »  et s’en serbira comme d’une arme – imaginez LCD Soundsystem collaborant avec Bat for Lashes et vous y êtes presque. Avec un air de disco désespéré, la chanteuse est d’humeur réfléchie lorsqu’elle dit « oh how I once missed those corners I once kissed » (oh combien m’ont manquéces endroits que j’ai embrassés autrefois). Thirstier s’achève par « Keep The Devil Out », afficant un balancement sombre et erratique qui passe d’un calme angoissant à un bruit explosif et désordonné. Comme une bataille entre le bien et le mal, le va-et-vient entre le calme et l’inquiétude et les éruptions sonores grossières capturent Torres et Thirstier dans leur dynamisme le plus fort. À travers toute cette discordance, il y a toujours la quête implacable de quelque chose d’épanouissant : « make ourselves a new world order/I’ve got all the hope I need to keep the devil out of here » (faire nous-mêmes un nouvel ordre mondial/j’ai tout l’espoir dont j’ai besoin pour garder le diable hors d’ici) déclare Mackenzie avec une confiance inébranlable. Buvez, Thirstier jusqu’à plus soif ; c’est un verre d’eau sans fond qui vous invite à en reprendre une gorgée, encore et encore.

***1/2

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