Fossil Collective: « Tell Where I Lie »

27 juillet 2013

Cela fait plusieurs années que Johnny Hooker et David Fendick frisent le succès grâce a un buzz essentiellement acquis sur le net. Leur premier album Tell Where I Lie remplit certaines promesses mais n’a en rien de foncièrement original.

Sis dans une démarche plutôt axée sur le soft roots rock, ce groupe de Leeds n’a pourtant pas d’identité sonore distinctive. La chanson d’ouverture, « Let It Go », est plaisante mais fait ainsi penser qu’on écoute une chanson des Fleet Foxes et, comme les onze autres titres, sera agréable à écouter sans qu’une des compositions se détache du disque.

Ceci dit, Fossil Collective sont bons dans ce qu’ils font. « Wolves » est une ballade au piano exemplairement réconfortante tissée à partir d’une guitare folk dans laquelle la six cordes électrique de Fendick apporte une touche d’énergie à des textes ambigus et sombres. C’est de la « mood music » par excellence tout comme sur la fluidité qui accompagne « When Frank Became An Orb ». Rhythmique tendue mais suffisamment simple, cordes et claviers « ambient » fantomatiques rappelleront Bon Iver en un déroulé presque sans accrocs.

Ce sont des éléments qui malheureusement n’imprègnent pas tout cet album manquant singulièrement de diversité, semblable à cette sensation de retrouver un vieil ami qu’on a pas vu depuis longtemps mais dont le discours reste néanmoins familier. Un disque idéal à écouter en une journée pluvieuse mais dont on ne recommanderait pas l’écoute en boucle à moins de vouloir s’envaser dans le spleen.

★★½☆☆

James McCartney: « Me »

5 juillet 2013

Le nom sonne familier et ça n’est pas un hasard puisque James McCartney est le fils de Paul et Linda et que, tout comme Julian Lennon, sa croix est de porter un nom célèbre. Après quelques EPs, qu’il ait attendu aussi longtemps pour sortir cet album au titre révélateur est preuve qu’il pris le temps d’évaluer son poids.

S’il est d’ailleurs une thématique qui surgit du disque c’est celle de la façon dont on peut faire face à l’adversité (y compris une identité filiale qui a valeur d’entrave). Cette volonté d’affirmation se révèle dès l’ouverture avec un « Strong As You » avec des textes oscillant entre désir de s’assumer et conscience que la route est longue. Musicalement une curieuse osmose se fait avec une voix qui évoque celle de Julian Lennon et une partie de guitare rappelant George Harrison.

Me sera, à cet égard, indissociable des Fab Four semblent reprendre, tel un Badfinger jouant en solo, tout l’éventail des atmosphères que les Beatles ont pu créer. « Butterfly » ne déparerait pas dans Imagine et « You And Me Individuially » (sic!) se nicher, lui, aux côtés du « Blackbird » dans le White Album.

« Home » sera un titre assertif et pugnace comme Paul savait parfois en créer et il se chuchote d’ailleurs qu’il a participé sous diverses formes à la conception et à l’enregistrement de Me. Côté Harrison on trouvera « Snap Out Of It » mais, par moments, James montrera qu’il sait s’élever au-dessus de ses aînés avec un « Wisteria » qui ne sera pas sans similarités avec le « Girlfriend » de Matthew Sweet.

Me est indéniablement un bon album mais la question est où James McCartney va se rendre à partir de là. Il est de toute évidence fasciné par la famille Lennon qu’on pourrait fort bien imaginer qu’il forme un duo avec Julian pour composer un album ensemble. Son titre serait d’ailleurs tout trouvé : Lennon & MacCartney

★★★☆☆

Kate Earl: « Stronger »

31 décembre 2012

Troisième album de cette chanteuse native d’Alaska mais vivant désormais à Los Angeles. Lse deux précédents étaient imprégnés de gospel et de soul, Stronger la voit comme épouser l’endroit où elle a choisi de séjourner. Le résultat en est un disque de soft-rock qui trouverait justement sa place en un lieu (Laurel Canyon) et une période (les années 70).

Pour cela, elle s’est entourée de musiciens folk et country (Brett Dennen et Blake Mills) dont la présence renforce l’esprit communautaire en vogue à l’époque. On a donc droit à toute la panoplie du rock West Coast à la Jackson Browne : l’hymne romantique « I Don’t Want To Be Alone », le mi-sexy mi-réflectif « Raven » ou un « California » que n’aurait pas dédaigné le Steve Miller Band.

La constante sera par conséquent ces guitares en arpèges, ces légères nappes d’orgues et ces chorus vocaux aux harmonies travaillées.

Reste la voix de Kate Earl, suffisamment versatile pour évoquer, qui Linda Rondstadt, qui Natalie Merchant dont l’influence se fait d’ailleurs sentir sur « One WomanArmy ».

Le résultat n’est pas désagréable et fort bien exécuté mais l’impression générale en sera tiède. Les compositions ne parviennent pas à accrocher l’oreille, chose que les arrangements ne peuvent contrebalancer.

Stonger sonne en définitive trop convenu pour se singulariser ; ça n’est d’ailleurs que quand Earl se décide à dévoiler un côté plus tranchant (« I Get Around » et surtout « Loyalty ») que l’émotion parvient à surgir. Un peu maigre sur un total de 12 plages.

★★½☆☆

Jens Lekman: « I Know What Love Isn’t »

9 décembre 2012

Le troisième album de ce musicien suédois, I Know What Love Is Not été enregistrée sur une période de trois ans, dans plusieurs studios et sur des continents différents. Néanmoins, il sonne comme s’il était le résultat d’une session unique tant il apparait comme concentré et homogène. Ça rend la chose d’autant plus remarquable car c’est, en outre, le premier disque où il a, la plupart du temps, choisi de s’accompagner de musiciens au lieu d’être construit autour de ses propres « samples ».

Notons tout de suite avec quelle aisance Lekman se révèle apte à endosser ce rôle et à travailler de cette façon. Il mêle les instruments ensemble comme le ferait un peintre et obtient ainsi une toile de fond où les performances de chacun, surtout celles des instrumentistes à cordes, résonnent avec profondeur et chaleur émotionnelle.

Ce type d’interprétation cadre toute à fait avec des textes où, quelque part, le chanteur semble avoir eu le cœur brisée en mille morceaux. Le titre de l’album est, déjà en soi, un indicateur du fait que chaque chanson de l’album tourne autour du chagrin d’amour, ceci tout en douceur avec une voix comme décalée tant elle semble faire preuve d’esprit et de sagesse.

De ce point de vue, le vocaliste est parvenu là plupart du temps à conserver les choses sur un versant éclairé tout en maintenant une base très mélancolique. La musique, elle aussi, dément le sujet déchirant des propos et diffuse agréablement une sensation de liberté et d’ouverture, comme un vent soufflant en légère brise permanente au milieu de la lumière.

S’inspirant cette fois du « soft-rock » qu’il étaie l’occasion par une saxo solo, des titres comme « Become Someone Else’s » ou « Erica America » évoquent une ambiance détendue, boisée semblable à celle véhiculée par des groupes comme América ou des chanteuses façon Carole King.

Les arrangements sont pleines et riches, et Lekman sonne comme s’il était chez lui entouré de pianos, dans une ambiance favorisant les harmonies vocales.

Sur d’autres morceaux (la chanson-titre, « The End of the World Is Bigger Than Love », « The World Moves On ») le rythme est plus léger, presque heureux, atmosphère plus traditionnelle chez Lekman, capable de noyer chagrin et tristesse sous une nuée de glockenspiel, de flûtes ou de battements de mains.

On trouve aussii une forte influence Prefab Sprout / Aztec Camera traversant l’album, comme en témoignent les changements d’accords délicats et vifs aux guitares acoustiques sur « Some Dandruff on Your Shoulder », ou la résonnance sophistiquée de la ballade dévastatrice « She Just Don’t Want to Be with You Anymore ».

Quel que soit le style que vise Lekman, il se montre capable de ne pas manquer sa cible. Nous avons affaire à un créateur au mieux de sa forme ; capable de transmettre émotions et humour d’une façon véridique sur des titres constamment accrocheurs. On sent chez lui qu’il se dégage d’une certaine désinvolture qui lui faisait égrainer ses chansons de loufoqueries presque incongrues, et qu’il aborde plus ses compositions avec l’optique d’un artisan en passe de devenir chevronné au milieu de sections à cordes, et de mélodies puissantes.

Jens Lekman a peut-être eu le cœur brisé, cela lui a été utile pour distiller une pop intelligemment conçue, punchy et d’une assez belle qualité.