Depuis la sortie de leur premier album, Wednesday, Just Mustard s’est penché sur son côté le plus sombre. Les singles « Frank », « October » et « Seven », tout aussi impressionnistes et oniriques que leurs prédécesseurs shoegazing, semblaient osciller entre l’introspection cool et le bruit industriel.
Sur Heart Under, leur deuxième opus, ces premières ébauches se voient pleinement approndies. Tout au long du disque, en effet, le groupe trouve de nouvelles façons de plier ses instruments à sa volonté. Sur « Wednesday », la chanteuse principale, Katie Ball, suggère des émotions par son timbre de voix doux et obsédant plutôt que de les annoncer, tandis que chaque morceau est soutenu par les rythmes serrés et les lignes de basse mélodiques de Rob Clarke et Shane Maguire respectivement. Les guitaristes Dave Noonan et Mete Kalyon remplissent habilement les espaces intermédiaires, tantôt avec des sons semblables à des klaxons (23), des bruits oscillants et des stabs ponctuants (Seed), tantôt avec des paysages sonores pensifs et lucides (« Mirrors »).
Sur le papier, cela devrait s’opposer. En pratique, ils se complètent à merveille. Qualifier Just Mustard de groupe shoegaze à ce stade serait injuste et restrictif. Alors que My Bloody Valentine est sans aucun doute un point de contact, il y a tellement plus dans leur son. Blue Chalk transpire d’une rage sourde, tandis que Sore s’appuie sur le post-punk. Il y a aussi quelque chose d’intrinsèquement irlandais dans leur son, sans qu’ils aient besoin de s’accrocher à un accent ou à une instrumentation folklorique.
En l’absence de véritables accroches sur l’album, « Heart Under » a quelque chose d’expérimental. C’est une musique à ressentir, dans laquelle on peut se perdre. Prenez la lente construction, la prise et le relâchement de I Am You, par exemple, qui monte progressivement jusqu’à un point d’ébullition. Les notes se perdent en elles-mêmes, tandis que Ball fait passer sa voix d’un murmure à une diction forte et claire sur son mantra « can you change my head ». Still se suggère par des grattements de guitares masqués et un rythme persistant, ce qui fait que le groupe se rapproche de Protomartyr via Portishead.
Un album qui se dévoile davantage avec des écoutes répétées, « Heart Under » oscille entre l’inquiétude et l’exaltation, tout en restant incroyablement dansant. Un album audacieux et confiant, qui voit le groupe explorer l’espace entre ses différentes parties avec un plus grand sens de la curiosité, conduisant souvent l’auditeur dans une ruelle sombre. Tantôt froid et distant, tantôt primitif, ses luttes constantes avec ses propres dualités en font une écoute intéressante et de plus en plus gratifiante.
***1/2