Bryan Deister: « Spines of the Heart « 

7 juin 2016

Bryan Deister a reçu une éducation musicale classique et jazz et c’est en utilisant ces éléments qu’il nous propose avec, Spines of the Heart un premier album très progressive-rock .

Étudiant du Berklee College of Music, c’est ici-même que le disque a été produit et enregistré cet album composé de 22 plages privilégiant tempos moyens soudés par des incursions dans le rock alternatif. À mi-chemin entre Nirvana et Massive Attack et étayés par des vocaux façon John Lennon, l’opus s’efforce de dépasser les limites du mainstream avec des titres aptes à attirer l’attention des grosses stations de radio.



« Approaching » et « Nothing More » seront les morceaux les plus accessibles avec des arrangement acoustiques simples mais se fondant en un crescendo assez remarquable, et, grâce aux riffs de guitares complexes de « Nobody’s Angel », il parvient à marier paino classique et climats de ce rock tel qu’on le pratiquait dans les années 60 et 70. On pourra conclure avec a faconde expérimentale mise en exergue sur « Silent Screams » et « Seven Eight » et, écoute achevée, on s’apercevra qu’on n’aura en aucune manière frôlé l’ennui.

***1/2


TEEN: « The Way And Colour »

24 avril 2014

 

Malgré son patronyme, ce combo de alt rock basé à Brooklyn n’est pas un ensemble juvénile car son nom vient de Kristina « Teeny » Lieberson ancienne claviériste de Here We Go Magic et sa musique, n’a pas non plus cette empreinte puisque, après un premier album assez versatile et inconsistant, The Way And Colour se caractérise par une coloration plus homogène et dense.

Produit par l’ancien Spacemen 3 Sonic Boom nous avons affaire ici à une pop hypnotique montrant un penchant certain pour un son plus audacieux mais aussi plus clean.

Derrière cela se cache pourtant la même intensité, à l’exemple du morceau ouvrant le disque, un « Rose 4 U » particulièrement ambitieux de par sa ligne de basse répétitive, ses cordes étranges et une structure vocale qui s’aventure dans une complexité assez démente.

Ce prélude est comme celui d’un groupe qui veut ne pas se poser de limites, mais qui parvient néanmoins à contrôler ses sons. « Not For Long » et « Sticky » s’empare d’un R & B basique et vrombissant mais lui donnent un petit décalage d’où nous parviennent des couches orientalistes.

Voilà pour l’expérimentation, voilà aussi pour la maîtrise : « Breathe Low & Deep » va un peu plus loin dans cette vision désespérée et sombre que Teen parvient pourtant à contrebalancer et « As If I Had No Choice To Plead » amalgamera de la même manière crescendos gothiques et trompette claironnante en arrière fond.

D’un point de vue instrumental, les guitares ont parfois surjouer de la distorsion mais le groupe parvient à donner une touche étonnamment humaine à ses synthétiseurs. C’est ce virage vers l’émotion, la tristesse sous-jacente, que TEEN s’emploie à véhiculer à l’exemple du futurisme robotique de « More Than I Ask For » ou de la noise pop débridée mais tout sauf joyeuse qu’est « Reconsider ».

Un son riche et une atmosphère toujours aux limites de l’anormalité, TEEN n’est pas un groupe novices ; son innovation mélodique apporte une touche supplémentaire à ce vivier artistique que ce bourg de New York semble être devenu aux dépens de Manhattan.

***1/2

 

 


Bombay Bicycle Club: « So Long See You Tomorrow »

6 février 2014

Bombay Bicycle Club en est, avec So Long See You Tomorrow, à son quatrième album et ce groupe indie anglais n’a jamais tenté de se définir un son. Du moins il en a cherché un à chaque album, comme si le fait même de se forger une identité musicale n’avait pas véritablement de sens. Leur premier disque était férocement indie rock, le deuxième folky et le troisème s’aventurait dans un démarche art rock. Ce nouvel opus est né des nombreux voyages effectués par son leader, Jack Steadman, il est preuve en tous cas que B.B.C. est un groupe à idées, ce qui est appréciable ; reste à se demander si cette effervescence est capable de former un tout solide sur So Long See You Tomorrow.

Poser la question est déjà donner une réponse partielle ; ça n’est pas tant la diversité qui pèche mais plutôt la force de conviction qui semble avoir déserté le combo.

Stay With Me

Sur les deux premiers titres, les riffs sont noueux, les synthés psychédéliques, les percussions martiales et les chorus ampoulés. Pour un groupe qui veut faire fi des clichés musicaux, c’est on ne peut plus mal parti. L’amélioration se fera jour sur une sorte de progressive funk doté de samples made in Bollywood (« Feel ») et avec des rythmiques brisées et déconstruites qui accompagne « Carry Me ».

Le problème est que ce potentiel n’est jamais abouti tant B.B.C. paraît vouloir sauter d’un style à un autre et que ce manque de focus n’est pas aidé par des compositions dans lesquelles on a peine à voir un acmé. « Whenever Whenever » se veut à grande échelle mais manque singulièrement d’élégance et de distinction et s’avère plus comme du alt-rock destiné à être joué dans des grands stades qu’un véritable bouleversement. Seul un titre comme « Luna » et ses tablas soulève un intérêt dont la plus grande part est due aux « loops » et le morceau titre qui clôture l’album est, au bout du compte, plutôt ironique tant il laisse l’impression que ce qui nous sera proposé le lendemain sera semblable à ce qui est le lot de cet album aujourd’hui.

★★½☆☆


Menace Beach: « Lowtalker »

24 janvier 2014

Menace Beach a la réputation d’être un supergroupe « indie », phénomène dont on verra les dichotomies ici: https://rock-decibels.org/2014/01/24/de-la-misere-en-milieu-independant/ . Il est composé du duo original de Ryan Needham et Liza Webster, de MJ (Hookworms), Nestor Matthews (Sky Larkin) et de Robert Lee (Pulled Apart By Horses). Il se dit également que Paul Draper (Mansun) est passé faire un tour en studio ce qui fait qu’on peut considérer la taille de ce line-up comme une surprise dans la mesure ou cet E.P. est singulièrement rafraîchissant et tout sauf alambiqué.

Il ambitionne à peu, ce qui n’est pas déplaisant en soi, et se contente d’apporter une légère couche moderniste psyche sur son rock shoegaze et indie rock « vintage ». Les cinq plages de Lowtalker sont, en effet, crépitantes et tordues montrant que Menace Beach n’ont aucune honte à assumer leurs penchants à la nostalgie. On pourrait soupçonner même qu’ils s’emploient à faire l’inventaire de toutes les parties de guitares possibles, y compris celles ayant passé leurs dates de péremption, si un morceau comme « Fortune Teller » n’ouvre le disque sur un mode incendiaire qui aurait très bien pu avoir cours il y a 20 ans. La mélodie en est innocente mais elle se fracasse sur des accords hurlants avant que le morceau s’effondre volontairement dans un chaos introverti et contradictoire dont la vitalité est omniprésente.

L’influence de MJ se manifestera sur « Honolulu » fortement marqué par des guitares en distorsion et une solide ligne de basse façon Pixies et « Where I Come From » rappellera, lui, un Blur éthéré et surréaliste. « Cheerleader » sera solide mais assez traditionnel malgré une fin un peu expérimentale ; il constitue une conclusion adéquate a un disque qui a le mérite d’être un E.P. et donc d’une brièveté qui empêchera toute démesure  de l’ego. Le titre résume assez bien les diverses voies entrouvertes par ce (super)groupe) attiré furtivement ici par l’anti-conventionnel.

★★★☆☆

Daytona: « Daytona »

6 décembre 2013

L’album éponyme de ce trio basé à Brooklyn est une chose vectrice de rêverie sillonnée par une bonne dose de guitares aux textures Afro-pop ensoleillées et de refrains mélancoliques évoquant ces routes aérées qu’aurait ou prendre Daytona s’il s’était rendu dans son état natal, la Caroline du Nord.

Il est logique ainsi que « The Road » éloge éclatant de cette envie de voir le monde telle qu’elle est chroniquée par deux membres du groupe sur leur deux roues ; ouvrant l’album, elle en définit l’humeur et la tonalité générale.

Enregistré à Chapel Hill et produit par le leader de Lost in the Trees Ari Picker, Daytona engrange tous ces thèmes de dérive et de nostalgie d’une façon accommodante et louangeuse. La voix de Hunter Simpson les propulsa à merveille tout comme le fait sa guitare dont l’écho accentue l’effet suggéré qu’il s’agit d’une forme de « road album ».

Les arrangements sont nets, ornés de ci de là des inévitables synthés et orgues et on a le sentiment d’avoir à faire à un combo dont le son a été bien répété et jouant sur ce qui sont ses forces. S’en détache régulièrement une lueur brumeuse, probablement enregistrée en analogique, donnant une cheleur consistante avec la poussière qu’on imagine être une des composantes d’un « road album ». Le disque est interprété avec énergie, trop peut-être par moments, et on y trouve d’excellents compositions comme un « New Foundations » qui réjouirait les fans des Beach Boys et le « single » « Honey », deux remarquables pop songs à la lisière de l’indie pop. Même le côté tropical new wave de « Lighthouse » s’insérera dans ce rythme régulier et bien défini ; c’est d’ailleurs ce tempo pausé qui mettra en valeur les harmonies à trois voix, les mélodies accrocheuses et le style confortable, presque affable, et laidback que nous offre Daytona.

★★★☆☆

Interview de Bob Mould: Du Grain à Mou(l)dre.

14 décembre 2012

2012 aura été une année assez intense pour Bob Mould. Il y a d’abord eu la réédition des albums de Sugar dans laquelle il a été impliqué et la sortie d’un disque solo, Silver Age, qui n’est pas passé inaperçu tant il y faisait preuve de vigueur (et de verdeur). L’ex leader du trio hardcore Hüsker Dü dévoile un peu ici de quoi sa carrière a été parsemée, et en quoi elle lui a permis de se réaliser.

Vous avez déclaré que, depuis quelques temps, vous vous « confrontiez à l’idée de faire un nouveau disque de pop agressive » en particulier depuis l’anniversaire de la sortie de Copper Blue. Silver Age semble être un alliage de tous les styles que vous avez abordés depuis vous débuts. Vous dites ne pas pouvoir remonter dans le passé mais il doit y avoir une certaine exaltation à jouer à nouveau des morceaux de trois minutes.

C’est certain. Il y a deux ou trois choses qui ont été importantes dans l’élaboration de New Age. Le 20° anniversaire de Copper Blue approchait et on parlait beaucoup de le rééditer. Puis, les choses se sont accélérées et il a été question de faire plus que simplement ressortir les disques. On a parlé de faire une tournée avec Sugar mais David Barbe (basses) et Malcolm Travis (batterie) travaillent tous deux à la fac et ils n’étaient pas disponibles. On a quand même essayé ; on s’est réunis mais ça ne fonctionnait pas. J’ai donc envisagé d’autres options. Ce qui me semblait le plus simple était de jouer le disque avec ma section rythmique actuelle.

L’autre raison est liée à ma rencontre et mes conversations avec Dave Grohl voilà environ deux ans. Il m’avait demander de travailler avec lui sur un morceau, « Dear Rosemary », puis il m’a suggéré de le rejoindre et de faire le DJ pour ces concerts en stades. Cela m’a remis dans cette humeur effervescente et m’a incité à faire un nouveau disque de pop agressive. C’est le « Disney Hall Tribute Show » avec lui, Ryan Adams, Hold Steady et Britt de Spoon qui a précipité cette décision. J’ai donc réécrit toutes les compositioons qui traînaient avec cette idée. Silver Age a, plus ou moins, été réalisé en un mois ce qui est étrange car dans les années 80 je travaillais de cette façon systématiquement presque.

Il y a même eu des moments où vous sortiez deux disques de Hüsker Dü par an.

Tout à fait : Zen Arcade, New Day Rising et Flip Your Wig en l’espace de treize mois. Donc, pour Silver Age, il y a eu cette combinaison de deux facteurs, Copper Blue et Dave Grohl. Je pense que la troisième raison en était le fait que, ayant pas mal réfléchi sur moi-même et écrit un livre, ça me semblait chouette de composer des titres de rock tout simples.

Qu’a représenté pour vous le fait d’écrire un livre ?

J’y pensais déjà depuis pas mal d’années avant de me mettre véritablement au travail avec Michael Azzerad (journaliste à Rolling Stone). Au début je me disais que ça allait être du style : « Regardez les trucs fabuleux que j’ai faits musicalement !Regardez aussi les deux ou trois albums plutôt quelconques que j’ai sortis ! » Puis nous avons commencé à explorer ma vie personnelle de façon plus profonde et ça m’a donné une perspective nouvelle qui m’a permis de comprendre ce que j’avais fait de ma vie jusqu’à présent.

Cette biographie a-t-elle eu alors une valeur thérapeutique ?

Peut-être bien. Mon idée initiale n’était pas que ça en soit une mais ça l’est devenu sans aucun doute. Il y a un aspect cathartique indubitablement ; un examen de soi, une compilation de ce que vous avez fait de façon à tout remettre en ordre. Ainsi, tout a soudain pris un sens nouveau et vous vous dites : « Sachant tout ça, il est temps d’aller de l’avant. » Je suis vraiment fier de ce livre mais je suis content de ne pas avoir à en écrire un autre l’année prochaine. (Rires) Je crois que je suis meilleur à écrire des chansons que des livres. Ça a été un grand soulagement que de pouvoir à nouveau composer en ayant conscience de tout cela. Tout me semblait correct, adéquat du style : « Bordel, j’ai fait ça pour mon livre ; je vais faire ce qui est le plus adapté à ma sensibilité ! »

Pensez-vous que Silver Age en est un résultat direct ?

Il faut que ça le soit… Sans doute pas directement mais le livre m’a permis de mettre à jour toutes mes particularités : vouloir contrôler, être hyper vigilant, tout savoir à l’avance. Rien que le fait de mettre le doigt dessus a fait que, au moment de l’enregistrer, je me disais : « Écoute, tous tes amis jouent tes compositions, tu traînes avec les Foo Fighters. Vas-y, fonce ! Suis ce qui se passe et n’essaie pas de trop le canaliser. Vis le moment et fais-en partie au lieu d’essayer de la diriger. » C’est ainsi que je vois les choses…

Vous avez déclaré que, plus qu’avec les autres, ce disque donne un véritable aperçu de l’importance que la musique revêt pour vous. En quoi ?

Il y a ce morceau, « Keep Believing », par exemple. C’est une coomposition assez bizarre car j’avais écrit un riff très rapide. C’était au tout début de l’année et on avait enregistré une « demo » très vive. Je ne la sentais pas du tout et me disais qu’il me fallait la réécrire. J’ai joué quelques riffs pendant cing ou six minutes, puis j’en ai soudain sorti un et Jason (Narducy, batteur) a levé les yeux et m’a dit : « Celui-là, il est vraiment bien ! » Je lui ai répondu : « Vraiment ? » et il a vraiment confirmé. J’ai dit : « OK, ça devrait pouvoir le faire » et j’ai écrit quelques paroles au dernier moment. Ça m’a montré combien le processus de création pouvait être « fun » quand je lâchais la bride. Et comme j’étais un peu perplexe à propos de ce sur quoi j’écrivais, je me suis dit : « Bon, je vais faire une chanson qui parle de ma collection de disques. »

Justement, de quoi est-elle constituée ?

Dans ce titre je mets une ou deux références à chaque vers. J’ai un gros cahier où je les note. On y trouve Revolver, In Color, Younger Than Yesterday… Les Mintemen, Pixies ou Nirvana… C’était assez « fun » de faire ça. 2012 est mon année de « fun » ; rejouer Copper Blue et enregistrer Silver Age et ne pas me prendre la tête avec thérapie et introspection.

Au sujet de Hüsker Dü, quand Grant Hart a été viré du groupe, avez-vous envisagé de continuer avec Greg Norton et ne pas vous séparer ?

Grant Hart n’a pas été viré. J’ai informé les membres que je quittais Hüsker Dü en janvier 88. Greg m’a demandé de continuer avec lui seul mais j’ai refusé. Donc Grant n’a pas été viré, je m’en rappelle très bien et en parle beaucoup dans mon livre. J’étais devenu conscient de sa situation, de dans quoi il se débattait et toute cette désillusion s’est accumulée. Mon intérêt s’était évaporé, tout comme ce que j’apportais au groupe : il «était temps pour moi de descendre du train.

Quand vous vous êtes réunis au Karl Mueller Tribute Show en 2004, pourquoi Norton n’était-il pas là ?

Grant avait eu mon téléphone grâce à mon avocat. Il m’a demandé de jouer 2 ou 3 trois morceaux avec lui et, comme c’était un hommage à Karl Mueller qui était un ami très cher, j’ai accepté. Ce ne fut pas une expérience mémorable ; ça m’a rappelé que, dans certains cas, vous ne pouvez jamais revenir en arrière.

Quelle a été la raison de ce brusque changement sonique sur Workbook  ?

J’essayais de m’extraire de pas mal de choses et de trouver un nouveau langage. Je crois que ça aurait été idiot pour moi de tenter de recréer ou de continuer avec mon son habituel. En effet, celui-ci, même si il reflétait mes idées, était celui de Hüsker Dü et je ne souhaitais pas le dupliquer. Je souhaitais un nouveau départ, rompre complètement et tout recommencer. C’était devenu une sorte de mantra pour moi et c’est ainsi que mon travail d’écriture a évolué tout au long de cet album en 88. J’étais à la chasse de sons synthétiques, je me suis aussi imprégné de groove et de folk celte, je me suis plongé dans l’écriture automatique et tout s’est ainsi peu à peu déployé tout au long de cette année. C’était tout sauf Hüsker Dü  !

Pouquoi avoir formé Sugar plutôt que d’entamer une carrière solo  ?

Je n’avais pas pour intention d’avoir un groupe. Mon plan était de faire un nouveau disque avec une nouvelle section rythmique. Il s’est avéré que c’était David et Malcolm et après quelques semaines où nous avons pas mal joué et traîné ensemble j’ai commencé à me sentir comme faisant partie d’un groupe. J’avais la sensation que je travaillais avec deux personnes qui étaient en harmonie avec mon esthétique, que ce soit au niveau des tournées, du business et de la composition musicale. On lui a donné un nom et on l’a appelé Sugar. On a eu un coup de fil juste avant que nous ne commencions à enregistrer en 92. C’était Barrie Buck qui cherchait un groupe pour jouer à son 40 Watt Club à Athens en Géorgie. Elle savait qu’on répétait dans les environs et elle nous a demandé si on voulait bien remplacer au dernier moment un groupe qui avait annulé son show. C’est ce jour-là qu’on a donné un nom à notre trio.

Pour quelle raison les sessions se sont-elles arrêtées lors de l’enregistrement de votre deuxième album ?

Sur File Under  : Easy Listening nous avions perdu notre concentration et n’étions pas content de la façon dont le groupe sonnait. J’ai donc stoppé, payé le studio, suis retourné au Texas et j’ai effacé les «  masters  ». J’ai tout recommencé en repartant de zéros. C’est là, de tourtes manières, que je faisais toutes mes expérimentations. J’ai ensuite fait venir David, puis Malcolm. On a fait les percussions en dernier et ça sonnait du tonnerre.

Quel rôle avez-vous eu pour les rééditions de Sugar  ?

Jim Wilson a fait tous les «  remasters  ». C’était mon ingénieur du son depuis File Under  : Easy Listening. Ensuite il a été mon bassiste. On a tout repris à partir du «  master  » initial. Une grande partie du remastering s’est faite en Europe. Chaque jour, mon manager m’envoyait un fichier et je le lui retournais en lui disant ce qui devait être changé. J’ai donc plutôt gardé la main. Je crois que ces rééditions sonnent beaucoup mieux et sont bien plus proches de ce que j’entendais en studio. Je crois aussi qu’en 20 ans, on a fait pas mal de progrès quant à notre approche d’une source analogue sur un support numérique.

Est-il vrai que votre intérêt pour la musique électronique s’est développé une fois que vous avez emménagé à New York  ou est-ce purement une coïncidence?

C’était début 99 et j’y étais déjà depuis deux ou trois ans et j’avais commencé à écouter un peu de hip-hop en 98. En vérité, j’avais pris la décision de quitter le groupe, de cesser de jouer du «  guitar rock  » et d’assumer mon identité gay. Cela comprenait en grande partie le fait d’aller dans des clubs ou des endroits où la musique était tout SAUF du rock. C’était de la house, de la dance, de la club music. Ça a été de pair avec cette nouvelle identité et lui a donné une bande-son tout à fait différente.

Avec une instrumentation électronique et des technologies plus contemporaines on peut se demander si Modulate n’était pas une façon de montrer votre motivation à enisager une nouvelles façon de faire de la musique…

C’est drôle, j’ai réécouté récemment Modulate pour la première fois depuis plusieurs années. C’était pour un ami qui ne l’avait jamais entendu. Il est resté sans voix et trouvait que c’était super et qu’il n’aurait jamais pensé que j’étais capable de faire des choses comme ça. Ce qui m’a contrarié c’était que le gens ne savaient plus très bien quoi en dire. Vous savez, j’avais une approche très naïve de la musique électronique ; je ne savais pas comment laisser de la place ou pas à toutes ces idées. Je continue à penser que les titres étaient assez cool et que c’est un bon petit disque.

Body of Songs était-il un moyen de donner à vos fans rock ce qu’ils voulaient alors que vous exploriez de toutes autres niches musicales ?

Oui, c’était un bon hybride. Je ré-enfilais ma peau de guitariste et je crois que, tout en utilisant encore des claviers et des synthés, c’était pour mes fans de la première heure un retour vers des choses plus familières pour eux. Vous savez, si vous le comparez à Copper Blue, vous verrez qu’il y a beaucoup plus d’électronica que dans Body of Songs. Je crois que notre perception est biaisée par la manière dont on nous présente les choses. Vers 2004, vous aviez Notwist ou Postal Service ; tout le monde était à fond dans l’électro. Et les gens avaient l’habitude d’entendre des ces tonalités dans le rock indie. Rétrospectivement c’est assez drôle…

Vous avez participé à un album hommage dédié à Richard Thompson  et vous en avez fait plusieurs reprises de ses morceaux. Comment qualifieriez-vous l’influence qu’il a eu sur vous ?

Quand on m’a fait part de certaines similarités, j’étais plutôt gêné. En 88, à l’époque où je tentais de me ré-inventer et que j’écrivais ce qui allait devenir Workbook, je parlais de me diriger vers le folk celtique en y ajoutant des trucs un peu bizarroïdes de type bourdonnements ou accords décalés. C’était des éléments que j’entendais dans ma tête et sur lesquels je souhaitais mettre l’accent. Quand on m’a parlé de Thompson, j’ai un peu écouté et je me suis dit : « Pourquoi ne pas faire une reprise ? » C’était pour moi, une façon de déclarer que j’étais conscient de cette similitude, toute accidentelle qu’elle ait pu être. J’ai, ensuite, commencé à creuser dans son catalogue et j’ai été totalement éberlué. Pour moi, c’est vraiment le plus grand guitariste existant. Comment dire ? Si vous ne l’avez jamais vu jouer, allez-y et amenez avec vous le meilleur guitariste que vous connaissez. Je suis sûr qu’après 2 ou 3 morceaux il vous dire$a : « Qu’est-ce qui se passe ? Faut que je sorte, ce type-là me donne la honte tant il est génial ! » C’est, de surcroît, un lyriciste hors pair. Je l’ai rencontré deux ou trois fois et il n’y a pas plus gentleman que lui. Il compte comme une force essentielle dans la musique aujourd’hui…