Great Lakes: « Contenders »

2 avril 2022

Avec son septième album, Contenders, le groupe américain Great Lakes crée un mariage entre un son infectieux et des mots évocateurs qui captive tout simplement. Ce n’est peut-être pas une surprise pour les fans du projet créé et dirigé par Ben Crum, mais la nouvelle offre a une certaine fertilité dans son corps et une tentation qui, plus que n’importe laquelle de leurs sorties précédentes, nous a séduits.

Le nouvel opus du combo est une fusion d’Americana et de rock psychédélique avec des essences de folk rock dans sa vibrante collection de chansons. Sur cet album, Crum, basé à Stone Ridge, NY, est rejoint par ses collaborateurs de longue date, Kevin Shea (batterie) et Suzanne Nienaber (voix), ainsi que par une foule d’invités, une équipe de musiciens adroits qui créent un paysage sonore tout aussi inventif et agile.

« Eclipse This » donne le coup d’envoi de l’album. La chanson, qui met en vedette Louis Schefano à la batterie, attire immédiatement l’attention par sa balade rythmique réfléchie à travers un climat de guitare floue enrobée de psych rock, au milieu d’une brume sonore. C’est une proposition instinctivement atmosphérique et évocatrice que les voix et les pensées de Crum intensifient avec puissance.

Bien qu’il s’agisse d’une chanson à part entière, ce titre est aussi une introduction et un fil conducteur au cœur de l’album, le suivant, « Way Beyond the Blue », émergeant de cette intrigue, avec son propre reflet émotionnel, mais beaucoup plus vif et lumineux. Une fois de plus, les guitares tissent une proposition provocante que les tons combinés de Crum et Nienaber illuminent, la chanson est une rencontre brève mais fascinante avec une présence et une riche persuasion offertes de la même manière par son successeur, « Easy When You Know How ». A, elle aussi, un souffle radieux, mais comme le titre d’ouverture, elle marche dans l’ombre et dans les coins plus intenses de son aventure nourrie de psych rock et de culture indie rock. Une fois de plus, la contagion inhérente au son et à l’écriture des chansons des Grands Lacs manipule les oreilles et les hanches, mettant en lumière la rumination des paroles.

« Comme Baby’s Breath » emprunte la dynamique d’une déambulation vive teintée d’Americana et « I’m Not Listening » manipulé la même chose avec son similairement coloré et rythmique mouvementé, il est juste de dire que ce Contenders exerce une emprise plus serrée sur notre attention, le deuxième de la liste étant un de nos favoris.

Une autre a été trouvée avec eBorn Freese et sa balade imprégnée de rock ‘n’ roll des années 50 et sa virulence pop des années 60, les touches de piano de Petter Folkedal et la voix de Ray Rizzo ajoutant à son charme chaleureux, ce dernier ayant également orné la chanson suivante Last Night’s Smoke qui partageait son infection pop rock indie avec une entreprise de guitare nerveuse et une chaleur floue autour d’une contemplation vocale teintée d’anxiété. Les deux chansons ont facilement tenu les oreilles en place avant que Wave Fighter ne caresse les sens avec son élégante ballade surfée menée par la voix captivante de Nienaber, ses tons radieux enveloppés dans l’étreinte du synthétiseur de David Gould, qui est invité sur une poignée de titres de l’album.

Les deux derniers titres, « Broken Even » et » Your Eyes are Xs », ont permis à l’album de se terminer aussi bien qu’il avait commencé, le premier étant une incitation à l’écoute et à l’imagination dans un mélange de styles variés et savoureux, le second explorant un autre royaume d’intimité atmosphérique et d’ombres. De ce début fascinant, bien qu’agité, émerge un croonage tout aussi évocateur dans un tunnel de son caligineux, une exploration psych rock fuzzée qui prend notre choix de chanson préférée à la dernière minute.

Bien qu’il ait retenu l’attention et le plaisir avec facilité, ce sont les écoutes suivantes qui ont permis à Contenders de nous captiver et de nous inciter à vous dire qu’il faut vraiment l’explorer.

***1/2


King Buzzo & Trevor Dunn : « Gift of Sacrifice »

3 septembre 2020

Pour son deuxième album solo en près de 40 ans de carrière, King Buzzo, chanteur et guitariste des bagarreurs que sont Melvins, s’est adjoint les services du bassiste Trevor Dunn, un vétéran de l’expérimentation du rock tordu avec John Zorn et Mr Bungle. Ce nouvel album n’est cependant pas la première collaboration entre le monarque hirsute et bourdonnant et le virtuose des quatre cordes, puisque ces rockers peu orthodoxes sont tous deux membres du groupe tonitruant Fantômas, et Dunn a déjà accompagné Melvins à quelques reprises. 

« Mental Vomit », le court morceau instrumental qui ouvre l’album, nous met en garde : même si les deux goons sont en mode acoustique, cet album ne traverse pas un beau lac tranquille. Buzz Ozborne et son acolyte explorent des eaux beaucoup plus troubles. Le duo prend un malin plaisir à brouiller la surface de leurs chansons en leur lançant des cailloux de pur bruit. Les finales des morceaux au programme sont souvent exploratoires, voire carrément bruyantes.

Ozborne chante parfois comme s’il était mort de peur, plus souvent comme si c’était lui qui voulait effrayer le monstre. Dunn, pour sa part, apporte une touche de jazz au projet grâce à son jeu libre, notamment dans les passages où il utilise un archet. 

La présence de la contrebasse donne à « Gift of Sacrifice » une profondeur qui manquait au premier album solo de King Buzzo. « Delayed Clarity » et « Bird Animal » sont des perles de folk psychédélique, parmi les meilleures chansons qu’Osborne a créées ces dernières années, avec ou sans Melvins. En bonus, pour nous montrer qu’il n’a rien perdu de son mordant dérisoire, il revisite « Shock Me » de Kiss, ici rebaptisé « Mock She ».

***1/2


Erlend Apneseth: « Fragmentarium »

9 avril 2020

L’excellent label Hubro Records d’Oslo se consacre depuis plus de dix ans à la production du meilleur, du plus libre et du plus effréné des jazz norvégiens, et sa production ne cesse de s’améliorer. Leur champ d’action est vaste, allant du heavy drone (voir le récent album Lumen Drones) au jazz abstrait de Stein Urheim inspiré par Sun Ra et John Coltrane, en passant par l’avant-folk exploratoire et improvisé. Erlend Apneseth est un véritable bijou dans la couronne du label, et son travail se situe largement du côté plus folklorique du jazz, dans la mesure où il utilise principalement des instruments traditionnels – notamment le violon Hardanger. Mais en réalité, il est impossible de le classer. Il a toujours adopté une approche grégaire de la collaboration : l’année dernière, il a travaillé avec l’accordéoniste Frode Haltli dans le cadre de Salika, Molika, son dique précédent, tandis qu’ici, il creuse encore plus profondément dans la riche couture de la scène underground scandinave, en faisant appel aux talents de guitare du Urheim précité, ainsi que de la pianiste Anja Lauvdal, de Fredrik Luhr Dietrichson à la contrebasse, d’Ida Løvli Hidle à l’accordéon et aux percussions et du multi-instrumentiste Hans Hulbækmo.

L’attrait de Fragmentarium réside dans la façon dont ses parties distinctes et complexes sont rassemblées et rendues simples. Gangar s’ouvre sur une série d’anneaux lumineux qui sont bientôt dépassés par un pas presque dansant. Ses influences vont de la musique concrète aux airs de danse sociale traditionnelle, en passant par une section intermédiaire qui embrasse le prog et la fusion. Il y a aussi des moments de réflexion : l’arc lent de Du Fallande Jord est serein et espacé, étoffé par de généreuses louches de contrebasse et un piano minimal, tandis que le violon d’Apneseth préside à tout, exploratoire et assuré.

La piste titre combine l’électronique détachée de Lauvdal avec des échantillons vocaux choisis à la main dans les archives audio du Folkemusikksenteret de Norvège pour créer un effet qui semble défier le temps. « Gruvene » est une proposition plus chargée, pleine d’improvisation hallucinante (et de cordes) qui galvanise en quelque chose de plus ciblé mais non moins imaginatif, tandis que le court « No, Etterpå » est un morceau de violon triste et d’une simplicité trompeuse qui sert de prélude à « Det Mørknar », un point culminant de l’album, sombre, planant et chargé de synthétiseurs, qui doit autant à Bernie Worrell de Funkadelic qu’à toute notion de musique folk.

Malgré les influences disparates de Fragmentarium, il y a un thème qui court tout au long de l’album et qui se manifeste comme une sorte de scintillement, un mouvement rapide entre la lumière et l’obscurité. C’est une façon de dire, sans paroles, que tout est inclus et que tout est important, que l’expiration de l’accordéon ne serait rien sans sa respiration initiale, que les notes de violon n’auraient pas de sens sans l’espace et le silence qui existent entre elles. C’est un album qui doit tout à l’interconnexion des choses, et qui en est bien conscient. Le dernier morceau, « Omkved », en est l’exemple parfait, une composition d’ensemble qui monte et descend presque sans interruption, où la musicalité rapide crée l’illusion de l’intemporalité et de la répétition sans fin. C’est une musique élémentaire et stimulante, mais l’habileté d’Apneseth et de son groupe est telle qu’elle semble merveilleusement simple.

***1/2


James Yorkstown: « The Route To The Harmonium »

4 mars 2019

Folk et tarabiscoté, tel est le répertoire de James Yorlstown, songwriter écossais dont The Route To The Harmonium est le neuvième album. Enregistré dans un petite village de pêcheurs et produit par David Wrench (Frank Ocean, Caribou) ce nouvel opus a pour but de nous entraîner dans le labyrithe sonore qu’il nous a concocté.

La recette est celle de ballades toutes en légèreté ornées de sa voix lointaine et mélancolique et de ses guitares acoustiques caressantes. L’accompagnement est d’une toute autre garniture ; cithares et outohapres propres à enflammer l’imagination et cuivres étouffés apportant leur lot de dissonances. Des nappes synthétiques prennent également le dessus, s’extirpant de cette masse gribouillée et des refrains enjoués que la retenue verrouille retenue en une clameur cotonneuse.

Les ballades de Yorkston s’inscrivent ainsi dans une certaine intemporalité (ou atemporalité) qui s’emploient, avec réticences, à nous réchauffer le cœur. Ainsi, les arrangements semblent partir de simples notes de piano ou de quelques cordes pour évoluer vers des sonorités plus complexes semblant vouloir nous sérier pour mieux nous envahir. James Yorkston laisse le temps aux plages instrumentales d’évoluer, donnant encore plus d’importance aux passages vocaux qui semblent s’évaporer à chaque syllabe, percutant le silence.


Le disque va basculer sur « Shallow », titre rapide et inquiétant laissant perler une certaine émotion d’où l’effroi semble s’extraire de boucles synthétiques, parsemées de solos de trompettes nous transportant aux beaux milieux de paysages brumeux. Le mélange de l’organique des cuivres et du synthétique des claviers imeront alors une ambiance tragique presque insoutenanble.

La rythmique rapide refera son apparition sur « My Mouth Ain’t No Bible », accompagnée par une voix parlée inspirée du hip-hop sur fond d’arrangements krautrock. Après des débuts tout en lenteur, Yorkston nous impose son contre pied en déroulant son texte avec brusquerie sur un tempo qui semble en constante avance sur son temps. Arrivera ensuite une ballade frémissante, The Villages I Have Known My Entire Life, certainement le titre le plus marquant du disque avec ce piano en retenue et ces quelques violons se frayant un passage. Yorkston nous noie dans ce qui semble jaillir directement de son âme. Les chansons d’amour comme « Oh Me, Oh My » ne se perdront pas d’ailleurs en fioritures ; ce sont des émanations d’âmes dont la verve enjouée peine à masquer la veine atrabilaire, en « unplugged » au coin du feu, dont la force réside dans les méandres qu’il véhicule, ceux d’un petit village figé dans un temps qu’il tente en vain de ralentir, un monde destiné à obérer la route vers l’hramonie dont il se veut porteur.

***1/2


Tirill: « Um Himinjodur »

22 février 2019

Tirill Mohn fait partie du groupe Autumn Whispers où elle apparaît comme flûtiste/guitariste sur l’album Ignis Fatuus des norvégiens de White Willow. Sans oublier qu’elle se consacre aussi à une carrière solo où elle a pu exprimer tout son potentiel d’auteur, compositeur, chanteuse et multi-instrumentiste. A ce jour, Tirill Mohn a publié sous son nom trois albums magnifiques, le premier A Dance With The Shadows en 2003, le second Nine And Fifty Swans en 2011 et enfin Um Himinjodur en 2013.

Alors pourquoi Tirill plutôt qu’une autre ? Tout simplement parce que sa musique a la faculté de vous faire voyager et de vous transporter vers des contrées insoupçonnées. Tirill possède assurément un talent enchanteur qui donne à ses albums un côté mystérieux et hypnotique. Sa musique puise ses influences dans le folk traditionnel, mêlée d’histoires au fort potentiel émotif. L’instrumentation est essentiellement acoustique avec une préférence pour les sons chauds de la flûte ou du violoncelle. Par ailleurs, on voit fréquemment apparaître un mellotron pour la touche progressive et pas mal d’instruments exotiques propices au voyage.

Um Himinjodur signifie « Au bord du ciel » en norvégien et fait référence à la « maison » dans le sens du paradis ou du lieu que l’on rejoint tous après notre vie terrestre. Il s’agit d’un concept album qui parle de mythologie nordique et de la possibilité de recréer un monde idéal. La pochette typique de l’imagerie des contes et féeries cadre merveilleusement avec le thème et l’ambiance du disque. La musique est très douce, enveloppante, parfois sombre et vous transporte dans une sorte de flottaison ouatée qui n’est pas sans rappeler le glissement d’une barque sur un lac de montagne. Les images qui apparaissent ne sont pas urbaines, mais plutôt champêtres et souvent liées à l’automne ou l’hiver.

Ce voyage n’est jamais ennuyeux, il y a toutes sortes de surprises, à commencer par le premier titre « Voluspa » sur lequel Tirill utilise pour la première fois le parlé norvégien pour un duo vocal en superposition de toute beauté. Le ton est donné pour ce disque où les voix masculines et féminines vont s’alterner ou s’entremêler harmonieusement. Tirill possède une voix très douce, prédisposée au répertoire folk et dont le phrasé peut rappeler par moment Loreena McKennitt ou même Nick Drake. C’est une artiste qui utilise l’art comme moyen d’expression. Um Himinjodur est une de ses créations, elle l’a écrit, composé, elle y joue de plusieurs instruments, elle l’a produit et a aussi dessiné la pochette. Autant dire que même si elle s’est entourée de quelques musiciens et chanteurs, Um Himinjodur lui appartient pleinement.

Tirill aime le rock progressif des années 70. Elle avoue adorer le son du mellotron et n’hésite pas à l’utiliser de la plus belle des façons sur « In Their Eyes » et surtout sur le sublime « Moira » dont l’aspect étrange nous rappelle le jeune King Crimson. Autre clin d’œil au rock seventies avec la présence de l’orgue Hammond joué par Jan Tariq Rui-Rahman, lui aussi présent sur Ignis Fatuus. Sur le long « In Their Eyes », son intervention dans la partie centrale est superbe et fait décoller littéralement le morceau. On ne prend pas grand risque en qualifiant de Prog Folk la musique de Tirill tellement son univers créatif colle parfaitement avec les codes de ce genre musical. Sur « Chariot » notamment, où la classique ballade folk commencée au tin whistle va s’interrompre pour quelques notes rêveuses de xylophone du plus bel effet. Cela dit, l’ensemble est homogène même si rien n’est répétitif. La différence se fait par petites touches comme sur l’intro de « Serpent » où l’on entrevoit un instant le chant plaintif de Lisa Gerrard. On retiendra « Muzzled » dont le côté lancinant nous renvoie à l’ambiance New Age du Before And After Science de Brian Eno, on aimera aussi « The Poet » avec ses voix superposées, son beau solo de flûte et l’orgue Hammond en conclusion originale. L’album se termine avec la bien nommée « Quiet Night », une jolie berceuse à la guitare et au violoncelle venant conclure la charmante balade onirique de Um Himinjodur.

Tirill Mohn se fait discrète, on attend la sortie de son quatrième album qui ne devrait plus tarder.Toujours est-il que Tirill fait partie de ces artistes que l’on conserve précieusement comme faisant partie de nos refuges intimes mais que l’on aime aussi partager.

****1/2


Michael Chapman: « True North »

21 février 2019

Michael Chapman renaît régulièrement de ses cendres tel un phénix. Ici il bénéficie de la participation de son complice, Steve Gunn aux manettes et aux instruments pour remettre en salle ce vétéran de la scène folk progressive britannique des années 1960-1970. Afin de marquer un beau coup, le tandem gagnant remet donc le couverts sur un nouvel album intitulé True North.

Une fois de plus, Michael Chapman fait parler sa sagesse et regarde, sur ces onze compositions, son parcours avec un détachement emprunt de nostalgie. A l’approche des 80 printemps, le britannique continue son voyage introspectif qui démarre en trombe avec un « It’s Too Late » des plus déchirants en passant par « Vanity & Pride », « Bluesman » sans oublier « Full Bottle, Empty Heart » qui nous envoûtera comme jamais. Avec ses instrumentaux paisibles et sereins teintés d’une douce mélancolie, notre doyen montre su’il connaît son affaire et ne cherche jamais à nous proposer du recyclé.

Entre épopées instrumentales comme « Eleuthra » et passages bluesy pour les moins réussies avec « Truck Song », on peut définitivement atteindre que Michael Chapman a atteint la sagesse absolue. Ce n’est pas pour rien que des morceaux à l’image de « Caddo Lake » et de « Youth Is Wasted On The Young » que le précurseur de ce courant arrive à nous transmettre ses élans de lucidité de façon magique. True North s’ajoute à la discographie taillée comme un précieux diamant accompagné de son acolyte américain qui le guide parfaitement pour le mener l


Hexvessel: « Hexvessel »

5 février 2019

Avec ses forêts verdoyantes, ses paysages enneigés, sa mythologie passionnante peuplée de créatures légendaires et de divinités, la Finlande est une terre fascinante. C’est certainement la raison pour laquelle tant de groupes locaux se sont inspirés de cet héritage à travers leur musique. On imagine bien que c’est ce qui a poussé Mathew McNerney, chanteur de metal anglais, a venir s’y installer et fonder Hexvessel.

Étiqueté comme un groupe de folk rock psychédélique et progressif à ses débuts, dix ans plus tard, le sextet voit son style évoluer avec son troisième album, All Tree. C’est au coin du feu, au cœur de la nature finlandaise et empreint de nostalgie que Mathew McNerney a trouvé l’inspiration pour ce nouvel album, l’esprit empli de paysages naturels hypnotiques.

Ce cadre apaisant se fait ressentir au plus profond des treize titres qui composent l’opus. Musicalement, le rock progressif ayant teinté les premières compositions a cédé sa place à un folk parfois atmosphérique et souvent sombre dont les mélodies rappellent le froid hivernal. Nous sommes donc aux antipodes du monde du metal ayant forgé l’identité du compositeur britannique !

Après une très belle intro a cappella, c’est « Son Of The Sky » qui prend place avec son ambiance remémorant des scènes scandinaves médiévales et son violon, symbole de réminiscences celtiques. L’ambiance est souvent grave comme sur le très beau « Changeling » évoquant une marche à travers une forêt enneigée.

On retrouve aussi des atmosphères plus minimalistes et intimistes comme sur «  Old Tree », premier single court et épuré, qui n’en reste pas moins un bijou acoustique, sublimé par un solo de violon lent et douloureux. On côtoie même la grâce sur la ballade « Birthmark », pièce maîtresse de l’album avec son refrain d’une grande sensibilité et d’une beauté rare tout en restant très simple. Mais Hexvessel sait aussi varier les ambiances comme en témoigne le festif « Wilderness Spirit » et son thème emmené par un violon sautillant évoquant danses celtiques et autres réjouissances.

All Tree est un bel album de folk qui s’écoute toujours avec plaisir. Plus qu’un simple disque, il est une invitation au voyage, à ne faire qu’un avec la nature finlandaise généreuse et mystique, une initiation au lâcher prise, une porte vers une évasion spirituelle.

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Wilco: « Schmilco »

10 septembre 2016

Wilco, depuis plus de vingt ans, fait partie de ces groupes qui se sont inscrits dans le paysage alternatif américain de la manière la plus satisfaisante.C’est un combo dont toute la carrière est marquée par le signe du silence, de la restreinte ainsi que de la détente. Ces éléments sont encore plus prégnants sur ce dixième albums studio.

ll ne faut pas pour autant se fier à ce semblant de confort et de routine ; Schmilco est un de ces disques qui pose des défis à qui voudra l’écouter tant il se promène avec aisance entre le alt-rock turbulent de Star Wars et des références on ne peut plus exemplaires au chef d’oeuvre de Harry Nilsson : Nilsson Schmilsson.

Schmilco trouve ici une inspiration « progressive folk » en harmonie avec les récents disques en solo de Jeff Tweedy et son projet parallèle, Loose Fur. La majeure partie de Schmilco se construira donc sur un mode confessionnel acoustique dépouillé traversé d’arrangements soniques perturbants et de textes plombés d’où émanent des sentiments d’aliénation et de mal être

C‘est une équipée dont nous n’émergerons pas indemnes et qui perdurera encore bien longtemps aprèss qu’elle se soit évanouie dans l’éther ; une expérience d’autant plus troublante tant elle mêle ouceur, inconfort et, au final, peur.

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Black Prairie: « A Tear in the Eye Is a Wound in the Heart »

25 décembre 2012

Que Black Prairie ait été fondé par trois membres des Decemberists ne peut qu’attirer l’attention ; qu’ils aient souhait développer un groupe parallèle plus axé sur les musiques « roots » et « world » montre qu’ils ne sont pas un avatar de leur groupe d’origine.

Leur premier album était un disque instrumental mêlant refrains des Appalaches et influences tziganes, celui-ci s’enrichit de vocaux féminins (Annalisa Tornfelt) dont les nuances apportent une touche plus profonde et émotionnelle. Sa voix est calme, dénuée de toute hâte, prodiguant presque du réconfort sur des titres comme « Rock of Ages » ou « Nowhere Massachusetts » avec, comme sur l’album précédent, une instrumentation traditionnelle (dobro) et puisant dans le folklore de l’Europe de l’Est (violon) et des tempos qui conjuguent quadrille (« Dirty River Stomp ») et humeurs bohémiennes paresseuses mais envoûtantes (« .Winter Wind ») ou valses (« Taraf »).

Au fond, la très belle couverture de A Tear In The Eyes Is A Wound In The Heart évoque on ne peut mieux la tonalité cinématographique plus que baroque de l’album. Il est plongé dans l’Americana « For The Love of John Hartford », « Lay Me Down in Tennessee » qui mentionne Elvis Presley) mais, en même temps, il est parsemé d’instrumentaux qui développent une perception impressionniste et étrangère de l’ensemble.

Si on ne peut, en outre, louer les arrangements et leur mise en place, il faut noter la virtuosité avec laquelle ceux-ci semblent dériver vers des directions inimaginables et incongrues. Bref, sous une apparence on ne peut plus traditionaliste, Black Praire ravive un folk qui se veut à la fois comme sorti du coin de ferme du Mid-West tout en visant les contrées plus lointaines de la partie orientale de notre Vieux Continent.

★★★☆☆