Imposition Man: « Imposition Man »

5 juillet 2019

Le premier album d’Imposition Man, un groupe partagé entre Berlin et Graz (Autriche), reste fidèle à un credo ; celui de naviquer sous les eaux lourdes du post-punk et du synth-punk qui le réchauffe un peu et l’arrache des abysses froides en le propulsant droit devant. Les claviers désespérés et parfois très envahissants, comme sur l’ultime et conlusif « Promise Of Salvation ». Lla batterie en plastique martiale, les lignes de basse suicidaires, la guitare écorchée majoritairement maussade et le chant vindicatif ramènent à un temps qui ressuscite le vert et le glauque, le punk d’après le punk tendance oscillations disloquées et tout un contexte socio-politique durant lequel le mur de Berlin était encore debout.
La musique d’
Imposition Man a donc quelque chose de morose et d’inquiet. Elle a aussi quelque chose de très accrocheur qui séduit immédiatement. C’est que l’album file vite : les morceaux dépassent rarement les deux minutes et si jamais ils s’éternisent, le trio décide de toute façon de les achever brutalement (la fin brusque de « Plate ») voire de les couper en deux (« Crawler I » et « Crawler II »). Ils renferment également une forme d’évidence mélodique tout à la fois rageuse et fiévreuse qui a tôt fait de nous enfermer dans ses filets. Pour le reste, le florilège d’ondes congelées, les énormes lignes de basse ou la guitare ténue savent très bien s’y prendre pour flinguer les degrés excédentaires et fortement tamiser la lumière. Pas franchement taillé pour la gaudriole mais pas non plus drastiquement atone donc.

Bien sûr, tout cela est très connoté mais le côté racé et l’énergie déployée finissent par emporter la mise : du carillon renfrogné de l’introductif « Fill A Void » aux nappes cold de « No Exile » jusqu’au prototypique « Sysi » en passant par la minute strictement instrumentale de « Scupper », on reste très accroché à l’éponyme qui réveille l’ancien, lui injecte une forme d’exaspération très contemporaine qui ressemble à s’y méprendre à celle d’alors. Ce qu’on veut dire par là, c’est qu’Imposition Man n’a rien d’un exercice de style et que leur colère réfléchie est toutefois loin d’être feinte. On sent bien que s’ils sonnent comme ça, ce n’est nullement pour rendre hommage mais bien parce que c’est comme ça qu’ils sonnent.
Le tout a été enregistré sur un antique 8 pistes à cassette et montre un goût prononcé pour l’évacuation de toute forme de fioriture, pour le moribond fuselé aussi, mais les morceaux sont néanmoins loin de ressembler à ceux des
ensemblent qui les influencent. Imposition Man perpétue l’esprit certes mais a suffisamment de personnalité pour s’habiller avec ses propres frusques sans revêtir celles des autres. Bref, même si la pochette a tout d’un mausolée, ce deuxième album existe pour lui-même et montre au final beaucoup d’atouts : malin, conceptuel et porté par une poignée de morceaux tout simplement très bien agencés.

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Patience: « Dizzy Spells »

16 Mai 2019

Roxanne Clifford se devait de tourner la page Veronica Falls. Changer les habitudes et passer à autre chose. Et pour ça, elle est partie s’installer en Californie et désormais elle se fait appeler Patience, le nom de son nouveau projet déjà squissé dès 2016. Ça s’appelait « The Pressure » , et ce titre annonçait d’ores et déjà le virage à 180 degrés qu’allait opérer Roxanne Clifford pour la suite de ses aventures. Exit les guitares jangly et place à une synthpop anachronique car délibérément 80’s, pour laquelle elle a d’ailleurs créé son propre label.

Après avoir enfoncé le clou avec l’excellent un excellent « White Of An Eyes » façon New Order elle a prêté sa voix à « You’re Sorry » un titre que l’ont doit à Todd Edwards, connu pour son influence dans la House music et le UK Garage et sa collaboration avec Daft Punk. Ce dernier se retrouve d’ailleurs dans la production du titre d’ouverture de l’album, « The Girls Are Chewing Gum ».

C’est comme si on mettait les pieds sur un dancefloor, mais comme dans un cercle fermé qui se laisserait volontiers submergé par une vague de spleen.

En effet, avec Roxanne Clifford, la mélancolie n’est jamais très loin. Ici, la seule différence, c’est qu’elle passe par un traitement différent (new wave, avant-pop et même Italo disco, parfois). Quelque part, comme toute page qui se tourne, c’est assez courageux et il suffit de se laisser tenter pour être récompensé (« Living Things Don’t Last », « The Church » et surtout « White Of An Eye »). Le fantôme des Veronica Falls planera aussi sur ce Dizzy Spells, le temps d’un duo avec Marion Herbain sur « Moral Damage ».

Si Roxanne Clifford ne cache pas son intention de revenir un jour avec une nouvelle formation en dehors des Veronica Falls, elle montre ici sa capacité à proposer autre chose et à se réinventer tout en préservant sa belle sensibilité « pop ».

***1/2


Drahla: « Useless Coordinates »

14 Mai 2019

Les trois membres de Drahla ont echaînés EPs et concerts pendant trois ans dans un esprit punk et arty. Ils ont poussé le trio basse-guitare-batterie au bout de l’expérimentation en y invitant un saxophone et,ne laissant rien au hasard, ils se chargent aussi du design de leurs pochettes, de leurs affiches de concerts et réalisent leur propre vidéos.

Ce premier album a été enregistré entre divers concerts et tournées et il concilie énergie brute à besoin de proposer un son abouti et contrôlé qui colle bien aux tonalités post-punk .
Le début des années 80s hantent les pistes de Useless Coordinates. La guitare est tranchante (Siouxsie And The Banshees, Bauhaus), la basse double les mélodies (Joy Division, The Cure) et on trouve même un saxophone écorché (Psychedelic Furs, Siglo XX). L’ambiance est tellement 80s que le téléviseur dans le vidéo clip de « Stimulus For Living » a un tube cathodique et ,ultime coquetterie, album sort même en cassette.

Signé chez Captured Tracks, label de de The Soft Moon et DIIV ou Mac DeMarco, la filiation avec la première vague post-punk est pourtant moins évidente.
Ces références sonnent néanmoins une idée du son que Drahla développe, mais il n’y a rien de nostalgique ou passéiste dans cet album. L’expérimentation semble sincère, et ce premier disque est le journal d’un groupe qui bascule des répétitions aux tournées. Les « coordonnées inutiles » sont les points de repères que le groupe doit se fixer pour se retrouver dans la bonne ville au bon moment : une invitation au voyage pour le moins brutale et bruitiste pour les adeptes de la chose.

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The Ninth Wave: « Infancy Part 1 »

9 Mai 2019

Qui dit Part 1 implique que The Nignt Wave présente, sur cet opus,la première partie d’un diptyque dont on connaîtra la conclusion plus tard. En attendant, n’est pas question de passer sous silence la new wave de ce tandem de Glasgow dont les deux membres alternent claviers, guitares et chant.

Les six titres de Infancy Part 1 sont contagieux à souhait, une écoute suffira pour comprendre que l’on tient avec eux quelque chose de prometteur et que, forcément on aura très hâte d’en entendre la suite.

***1/2


Chain Wallet: « No Ritual »

15 mars 2019

Ils viennent de Norvège mais auraient très bien pu venir de Russie comme Motorama ou des années 80 comme The Cure ou Slowdive. Eux c’est Chain Wallet, un groupe qui recycle à merveille les plans New Wave, Cold Wave ou Dream Pop des jeunes années, avec ce petit côté indéfinissable qui rend leur album si plaisants, voire plus si affinité totale.

Rien de bien très original dans les chansons de Chain Wallet, mais il reste malgré tout le plaisir d’entendre un son très ligne claire qui ne se démode décidément pas, avec des compositions très carrées, avec couplets, refrains et chœurs. On n’en demandera pas plus.

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Nun: « The Drone »

19 décembre 2018

Nun est un quatuor australien de minimal synth/punk composé de la chanteuse Jenny Branagan et des claviéristes Hugh Young, Steve Harris et Tom Hardisty. Leur musique trash, composée à base de synthés fuzz et de boites à rythmes minimalistes rappelle à la fois celle du Depeche Mode des débuts et celle de Suicide.
Fort d’un premier album éponyme en 2014, le groupe s’est fait connaître sur le web grâce à des clips un peu hors-normes reprenant l’esthétique VHS des documentaires des années 80 et des titres de chansons rendant hommage à David Cronenberg.

Si discret au point qu’on pensait le groupe séparé, il avait annoncé un nouvel album enregistré en 2016 mais publié seulement maintenant qu’il est signé par un label.
Cette annonce s’était vue suivie de la publication d’un premier extrait sur le web, « Pick Up The Phone », qui voyait le groupe quitter le noir et blanc existentiel caractérisant lson image pour un titre très synthpop et un clip ou la couleur rose prédomine.


The Dome creuse globalement le même sillon que le premier disque éponyme, en y ajoutant un côté nettement plus émotif dans les mélodies. L’énergie et la noirceur prédominent toujours autant, et les titres s’y enchainent avec fluidité.

On en retiendra quelques très bons morceaux comme « Wake In Fright », « Turning Out » ou « Debris » mais le reste sonnera assez convenu pour de la minimal wave. Un ensemble correct que l’énergie vocale de Jenny Branagan transfigurera pour pour lui donner un peu de cette saveur dont la new-wave nous a si souvent sevrés.

**1/2


Magic Wands: « Jupiter »

20 Mai 2016

Originaires de Nashville mais basés à Los Angeles, Magic Wands est un quatuor dont la composition assez classique leur permet de se situer sur divers registres, new wave, synth pop, shoegaze avec une tendance hypnotisantes qu’ile qualifient de fontière entre dream pop et shoegaze.

Jupiter s’ouvre sur un climat tourbillonnant et morose servi par un instrumental « electro » mais ce sont surtout les tonalités les plus sombres qui vont retenir l’attention avec une bataille sourde entre effets électronique et guitares.

« Lazerbitch » enfoncera le clou « heavy » et exemplifie à merveille les multiples facettes du combo : guitares acérées, vocaux longitudinaux et électronique discrète.

Le dernier titre, « Jupiter II », résumera l’album avec sa recherche de paysages soniques sous forme de mélopée comme pour mimer l’expérience humaine dans ses efforts à atteindre l’extase. Magic Wands restent fidèles à cet idéal « lovewave » qui vise à transformer le réalité.

**1/2


The Monochrome Set: « Spaces Everywhere »

22 mars 2015

The Monochrome Set sont de retour depuis environ quatre ans après une silence qui a duré près d’une décennie et les voilà fin prête pour nous faire écouter leur dernier opus, Spaces Eveywhere. Pour rappel, The Monochrome Set étaient un combo new wave qui se satisfaisait de faire partie de l’underground et nous proposaient une musique relativement joyeuse mais dont les thèmes récurrents étaient obscurs et souvent sinistres. Ils étaient plus un secret bien gardé qu’un groupe culte, cela ne les a pas empêchés pourtant de nous offrir plus de onze albums dont les remarquables Strange Boutique, Love Zombies et Eligible Bachelors.

Ce nouvel opus montre qu’ils nont pas véritablement changé, pourquoi le devraient-ils d’ailleurs ? On retrouve cette même démarche art-pop qui les fait se référer à Kafka et Edgar Poe, cette quintessence britannique faite d’humour subtil un peu comme le jeu de guitare clean et légèrement teinté de psychedelia de Lester Square et la charmante excentricité du phrasé vocal précieux d’un Bid savoureux croisement avec le romantisme de Dirk Bogarde.

Bid a écrit la plupart des morceaux et ceux-ci ajoutent une instrumentation nouvelle : banjo, orgue Hammond, flutes, backing vocals féminins apportant une densité qui accompagne des textes souvent énigmatiques mais jamais ennuyeux (« Fantasy Creatures ») .

Les chansons sont trompeusement simples comme un « Iceman » qui ouvre l’album sur un riff joyeux et des guitares qui semblent venues des Byrds et un rythme séduisant qui évoque The Smiths chose assez ironique car Morrissey et Marr ont toujours cité The Monochrome Set comme leur influence principale. « The Z-Train » sera un titre du plus beau noir tout comme « In A Little Village «  qui pourrait être une chanson de Brel, « Rain Check » un bel exercice de cabaret pop et « Oh You’re Such A Star » un triomphal moment de indie-glam.

On notera enfin la façon dont Bid a amélioré sa voix au point de la faire passer d’un registre « crooner » façon Anthony Newley à un falsetto à la Morrissey pour souligner que, maintenant que la mode est à ce qui peut être ténébreux, The Monochrome Set était bien en avance sur son temps et que Spaces Eveywhere montre qu’il reste intemporel.

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Motorama: « Poverty »

3 février 2015

Quand on examine le titre, Poverty, et la pochette, d’un noir appuyé, de cet album et quand on apprend que Motorama est un groupe russe dont l’inspiration se trouve dans la New Wave, il est assez aisé de tomber dans les poncifs que recouvrent ces éléments.

Ces éléments n’en sont pas pour autant des clichés. Mais ils ne sont qu’un miroir et, à l’écoute de ce disque, il est évident qu’on ne peut qu’aller au-delà des stéréotypes du genre « tristesse heureuse » pour déceler ce qui se passe sous la surface de ce verre réfléchissant.

On y trouve en effet des choses qui s’apparente à un chant du cygne funèbre mais, si tel est la cas, l’oiseau en a gardé des plumes très ouatées (« Heavy Wave ») où, même si le futur est amer, il se doit d’être gouté.

Poverty présentera d’ailleurs un jeu subtil sur les contradictions. Le titre d’ouverture par exemple ; « Corona » où le climat funéraire sera adouci par un clavier choral presque jubilatoire.

On trouve aussi, allant dans le même sens, des morceaux comme le tendu « Similar Way », le tourbillon qu’est « Write to Me » ou un « Dispersed Energy » qui, tous trois, se singularisent par une approche plus dépouillée et claire, aux rythmiques simples et aux guitares spacieuses créant un climat bien éloigné du sépulcral.

Peut-être sont-ce des raisons géopolitiques qui font que Motorama dévient des modèles originaux, les leurs et ceux issus d’une musique plus occidentale ; on retourne dans ce cas à cette première image qui vient à l’esprit mais en constatant qu’elle a été habilement modifiée. Pas d’édulcorisation ici, pas de mise sous le tapis de ce qu’est l’esprit russe et de son fatalisme, juste une recréation sous des atours plus globalisés. Poverty est la synthèse de deux âmes ; c’est sans doute pour cela que son écoute demeure novatrice et rafraîchissante et qu’elle perce d’un rai électrique le ténèbre du propos.

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Billy Thermal: « Billy Thermal »

17 septembre 2014

Question numéro un : qu’ont en communs tous ces morceaux qui ont été placé en tête du hit parade?Il s’agit de « So Emotional » (Whitney Houston), « Alone » (Heart), « Eternal Flamne » (The Bangles), « Tue Colors » (Cindy Lauper) et « Like A Virgin » (Madonna). Réponse ils sont tous été composés, ainsi que des dizaines d’autres morceaux, en collaboration avec Billy Steinberg.

Question numéro deux : combien de temps lui a-t-il fallu, avec son groupe Billy Thermal, pour sortir un disque après qu’il ait été enregistré ? Réponse : 35 ans même si 5 morceaux étaient sortis sur EP en 79.

Billy Thermal a été formé en 1978 et était composé de Steinberg (vocaux, guitare) Craig Hull (guitare), Efren Espinosa (batterie) et Bob Carlisle (basse). Ils enregistrèrent très vite un album qui sort aujourd’hui agrémenté de quelques inédits après plusieurs dizaines d’années passées dans les tiroirs.

Au départ c’était un combo new wave et power pop car, en cette période, on considérait que le meilleurs accès au succèss résidait dans ces genres. Ce ne fut pas le cas (hormis pour The Knack ou The Motels) mais la musique de Billy Thermal combine avec grâce cette énergie douce si en vogue à l’époque.

Steinberg écrivit (seul ou en collaboration) tous les titres de l’album et, alors qu’il allait devenir un des meilleurs compositeurs pop du music business, les chansons présentées ici sont très rock avec une légère hargne par moments dans la mesure où les textes, avant tout personnels, traversent toute un mélange d’émotions.

« How Do I Make You » et « Precious Time » seront, plus tard, enregistrés par Linda Rondstadt et Pat Benatar, mais ils sont présentés ici dans leurs incarnations originales. « The Price I Pay », « I’m Your Baby », « Mirror Man » et « No Connection » représenteront, quant à eux, le versant new wave de l’inspiration de Steinberg.

Plus de trente ans après, les morceaux gardent ce vernis si typique mais ne sonnent pas datés. Le line-up, classique, y est pour beaucoup car il sait aller à l’essentiel en matière d’interprétation. Au total, Billy Thermal, devient ici une bien jolie évocation de la musique qui se faisait à la fin des seventies.

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