En quatre albums expansifs qui mélangent les genres et, de ce fait, s’interrogent profondément, il semblerait que The 1975 ait presque tout essayé. Après leur dernier album, Notes On a Conditional Form – un menu excentrique de dégustation de genre qui a mélangé des saveurs délicates de garage, de punk, de country, de shoegaze, de pop et d’électronique sur une assiette de 22 pistes – que diable pouvait-il bien arriver ensuite ?
La réponse est leur disque le plus court à ce jour (avec seulement 11 titres et 43 minutes) et ramène les choses à l’essentiel. Ecrit dans le but constant de créer des performances live et organiques, Being Funny in a Foreign Language montre une étreinte triomphante grâce à des paysages sonores qui ont fait le succès du quatuor à l’époque des Tumblr, doublée du savoir-faire d’un groupe qui a passé les deux dernières décennies à ses côtés.
L’extase flamboyante et la simplicité subtile se côtoient, alternant entre la félicité pure que l’on retrouve sur des titres tels que la merveille jazz-pop « Happiness », les titres imprégnés des années 80 « Looking For Somebody (To Love) » et « Oh Caroline », ou le single euphorique « I’m In Love With You, » qui a atteint le sommet de sa carrière, et la lucidité dépouillée du numéro folk-rock Part of the Band, proche de Elbow, ou la douce ballade « All I Need To Hear. Wintering », une chanson de Noël destinée à leur projet Drive Like I Do, et la magnifique composition brumeuse « About You » s’inscrivent dans cette lignée avec délicatesse, se sentant particulièrement nostalgique d’une incarnation antérieure de The 1975 tout en conservant leur sens moderne de la grandeur.
Sur le plan lyrique, après avoir déjà posé tant de grandes questions sur la crise climatique, les relations en ligne et l’impact de la technologie sur nos cerveaux enfermés, ils recherchent plutôt des conversations réelles et intimes sur le thème de l’amour. « I’m In Love With You » exprime la joie d’une romance qui englobe tout, « Happiness » son incertitude, « Oh Caroline » la nature plus sombre de l’amour, tandis que « When We Are Together » déplore les erreurs commises dans les relations. Pourtant, malgré ses réflexions plus personnelles, les observations de Matty Healy restent inégalées, empreintes de charisme et de nuances comiques. La plupart de ses paroles sont plaisamment tournées vers l’intérieur, qu’il s’agisse d’examiner la composition de son ego ou simplement de passer un mauvais moment lors d’un Noël en famille.
Par moments, Being Funny… rappelle la jubilation adolescente de leurs débuts, à d’autres moments le piquant et le glam-pop expansif de I Like It When You Sleep…, alors que d’autres moments rappellent les grandes ballades imprégnées de réverbération de A Brief Enquiry Into Online Relationships. Being Funny… n’est pas seulement un disque réfléchi et raffiné, mais aussi une vitrine du voyage tout-puissant de The 1975 vers son apogée, et de tout ce qu’il a encore à offrir.
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