Prince Rama: « Xtreme Now »

30 juin 2016

Comment ne pas juger un album selon sa pochette ? Quand vous arborez un petit sourire façon Mona Lisa et que vous présentez des jambières et des gants affichant des coloris en néon le tout dans un décor à la décadence byzantine vous conviendrez que le spectacle que vous promet Xtreme Now est propre à susciter émoi et frémissement. Le dernier album ce duo de Brooklyn n’est pourtant pas aussi naïf et unidimensionnel qu’il y paraît.

Tarama et Nimai Larson affectionnent en effet une approche expérimentale qu’elles cultivent sans vergogne.

Xtreme Now est pourtant un disque qui respire de façon bizarre la sincérité. Leur glam-pop a un côté excitant et effrayant en même tempos et cela est propre à fasciner. En même temps le second degré permet de rendre la chose inaccessible. Un titre comme « Fantasy » le résume très bien tout comme le genre qu’elles ont qualifié de « no age », véhicule aux boissons énergisantes malgré la griserie fugace qu’elle procurent.

On est alors dans cette idée que la musique moderne se vampirise elle-même ; de la caféine, des bombes coiffantes et des synthés accrocheurs comme si seul cela suffisait.

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MS MR: « How Does It Feel »

17 juillet 2015

Ce deuxième album de MS MR suit un Secondhand Rapture plutôt bien reçu ce qui devrait être le cas à nouveau pour le How Does It Feel de notre duo. Le début, « Painted », est énergique à souhait pour qui veut occuper les dance flooes ce qui semble être un des objectifs de Lizzie Plappinger et Max Hershenow.

Quelque part le combo est le chaînon manquant entre les moments les plus sombres de Florence + The Machine et l’effervescence de Marina & The Diamond. On ne saurait en être étonné sachant que Plappinger est influencée par Bats for Lashes et que ses vocaux évoquent la grandeur de ceux de Adele.

La dance est enveloppée d’une pop un peu « glamour » mais virulente que ce soit la power ballad puissante « Wrong Victory » ou la chanson d’amour militante « Leave Me Alone ». « Cruel » et « Wrong Victory » apporteront des moments plus introspectif comme pour monter que MS MR ne cherche pas systématiquement à atteindre des proportions anthémiques.

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Tanlines: « Highlights »

27 mai 2015

« Pendant tout ce temps nous avons attendu de pouvoir prouver qu’on pouvait l’emporter sur tout », ainsi chante Eric Emm sur « Palace » le troisième titre du deuxième disque de Tanlines, Highlights.

Ce qui pourrait passer pour une quête amoureuse ou existentielle ; c’est pourtant aussi une ode à la patience, une qualité que le duo possède indubitablement si on calcule l’écart de trois ans entre le premier album, Mixed Emotions, et celui-ci.

Nous n ‘avons, en effet, pas affaire à un disque electro-indie à rythmique en 4/4 uniforme ; on y trouve des éléments « dance » (« Slipping Away », « Pieces » ou « Thinking ») mais on sent très bien que ça n’est pas l’objectif fondamental de Emm et de Jesse Cohen.

Tout comme le précédent, Highligts aurait très bien pu être une recherche uniquement sonique, la plus énorme même ; on y discerne au contraire beaucoup de retenue comme si les deux musiciens pouvaient très bien voir la route vers laquelle ils devaient s’engager mais avaient choisi de rester là où ils sont parce que c’est plus confortable.

Ceci, en soi, n’est guère gênant dans la mesure où on y trouve des signes subtils de maturation, suffisamment en tous cas pour que le duo évite le fameux « sophomore slump ».

Un morceau comme « Running Still » par exemple brille d’influences Radio Dept. qui manie avec dextérité le paradoxe de grandir en âge, le nombre des années ne nous faisant pas nécessairement plus avisés.

La question « What are you running for ? » est d’ailleurs omniprésente dans le dernier tiers de l’album où une composition dance, « Thinking », se mue en fading de cet hymne à la crise existentielle qu’est « If You Stay » avant de s’arrondir avec ‘Darling Dreamer ».

À la fin de l’album on reste avec l’impression qu’attendre sera notre seule option ; les derniers vers de Highlights sont un « wait for me » significatif. Mais cette demande est tempérée d’optimisme et, si c’est un appel, il n’est pas désespéré mais plutôt un cri de tolérance. Quand Emm déclare qu’il est parvenu à « se débarrasser de ses peurs et fini de se cacher », il ne nous reste plus qu’à patienter pour voir vers où ce cheminement mènera Tanlines.

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The Knife: « Shaken Up Versions »

4 décembre 2014

Réputés dans l’art de créer une musique électronique minimaliste, sombre et même baroque, The Knife est un ensemble aussi mystérieux que sa musique. Il est composé de Karin Dreijer Andersson et Olof Dreijer, deux frères et sœurs, qui ont déjà sorti de nombreux disques depuis 2206 (Silent Shout) et, l’année dernière un Shaking the Habitual qui leur a valu de nombreuses critiques positives. Il faut dire que, dans ces deux instances, ils étaient parvenus à aller au-delà des frontières de la musique électronique ce qui avait eu pour conséquence de solidifier la mythologie qui les entourait.

Sur Shaken Up Versions, The Knife nous délivrent un assortiment de plages remixées sous la forme d’un LP numérique. Cet album crée une toute nouvelle atmosphère sonique qui permet au duo d’explorer, et souvent de transcender, le royaume de la dance indépendante tout en parvenant à maintenir leur voile de mystère, touché par la musique industrielle et souvent expérimentale qui est une niche particulière de l’electro.

Avec des versions mixées et tronçonnées de « ‘We Share Our Mother Health » ou « Got 2 Let U » démarrant le disque, The Knife nous emmènent directement dans un monde angoissant et post-humain qui est le leur et qui dépasse lune simple étiquette qui serait celle de la « dance music ».Les tonalités et les éléments sonores qu’ils utilisent sont constamment androgynes et, très souvent, tordus comme pour créer une sorte de cauchemar électronique. S’y accouplent, dans les reprises de « Without You My Life Would Be Boring » et « Bird » des choses plus organiques et tribales issues de la « jungle music ».

Ce qui est réellement fascinant avec ce duo c’est cette facilité étrange avec laquelle ils maintiennent une identité tout en la maintenant dans l’allusif. Cela n’est pas lié à ce qu’ils ne montrent pas leurs visages malgré de nombreuses nominations aux Grammys suédoises mais à la manière dont ils ont réussi à créer leur propre folklore en partant de tout ce que leurs performances ont d’extravagant. C’est cela qui importe et qui va bien au-delà du gadget comme chez certains.

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The Faint: « Doom Abuse »

11 avril 2014

Durant le boom de l’indie dance au début des années 2000, The Faint se sont fait connaître en musclant avec flair leurs claviers grâce à des guitares. Leurs titres les plus mémorables, lle revivalisme new-wave de «  Worked Up To Sexual » ou le post-punk gothique de Danse Macabre, restaient toutefois d’une énergie punk débridée et immédiate.

Doom Abuse est de ce tonneau (après un Fascination qui suscitait tout sauf son titre) en s’appropriant à nouveau la spontanéité et la verdeur de leurs meilleurs opus. Leur leader, Todd Fink, semble avoir retrouver une inspiration lyrique avec des textes abstraits empli d’imagerie religieuse et catastrophique et les riffs à la guitare ont un tranchant qui accompagne à merveille les thèmes du groupe ; la paranoïa, la nature émasculante de l’Amérique du business et l’angoisse par rapport au futur.

Parfois les vocaux de Fink sont si étouffés ou distordus par les effets qu’il est difficile de leur donner sens ; ce procédé d’imprécision est pourtant efficace pour que l’atmosphère de claustrophobie et d’aliénation prenne une signification aussi prégnante.

Comme sur un Danse Macabre « overdosé » à la caféine, Doom Abuse donne la part belle aux tempos nerveux, aux synthés crissants et aux percussions ravageuses. Le résultat est un patchwork nerveux de pogos synthpunk (« Evil Voices », un « Dress Code » qui rappelle Devo), d’electronica industrielle glaçante (« Animal Needs » , « Unseen Hand »), de punk métallique (« Salt Me Down ») ou de dance-pop allumée (« Scapegoat »).

La fin de l’album culminera avec « Damage Control » grinçant dont la synthpop évoquera le Human League des débuts mais, même avec son climat étranger au reste de l’album, le résultat sera effectif dans la façon où les textes de regrets et de chagrin nous parleront à nouveau comme dans le reste du disque. Qu’il soit peuplé par l’agitation ou la rumination, Doom Abuse est un album exemplaire pour dresser le tableau de toutes ce choses qui vont de guingois ou autour de nous, et à l’intérieur de nous.

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