Show Me The Body: « Trouble The Water »

29 octobre 2022

« En ces jours de haine, je cherche la vérité. » Cette phrase résume parfaitement le troisième album de Show Me The Body, « Trouble The Water », un album finement adapté à l’esprit du temps, très tendu et marqué par l’anxiété. Le dernier album du trio new-yorkais rend hommage à sa ville natale, tant sur le plan sonore que narratif.

Dans le premier cas, il s’agit d’un assaut féroce de punk hardcore, de hip-hop et de bruit déconstruit, et dans le second, d’une célébration des riches sous-cultures de la Big Apple, et de la façon dont elles se combinent pour créer un style et un esprit uniques. Malgré les tendances new-yorkaises de l’album, beaucoup de ses thèmes sont universels, principalement la frustration, le désenchantement et un puissant dédain pour la bureaucratie sans visage. Si vous écrasez tout cela, vous obtenez une collection de chansons qui frémissent d’une violente fureur, mais ce n’est pas une fureur aveugle. Malgré cette rage ardente, Show Me The Body transmet un message de communauté et montre comment la force du nombre peut susciter le changement.

Si « in these days of hate/I search for truth » via « War Not Beef » caractérise le ton de « Trouble The Water », le grognement acerbe de « everything suppressed boils up » ( tout ce qui est réprimé remonte à la surface) du volcanique « Boils Up » s’enfonce profondément dans la colère de l’album. Il s’agit d’un appel aux armes explosif hurlé par Julian Cashwan Pratt (chanteur/banjo) et qui se trouve au cœur du disque. C’est ici que la tension mondiale palpable, littéralement, explose au son d’une distorsion hip-hop punk.

Si ce morceau est le plus viscéral de Show Me The Body, leur troisième album ne manque pas de violence gutturale. « Food From Plate  » convulse avec une énergie de confrontation qui fait que Pratt aboie  » they try to save their face/fuck that/we try to take it away  » (ils essaient de sauver leur visage / merde à ça / nous essayons de l’enlever) comme un homme à la tête d’une unité déterminée à démasquer les escrocs du pouvoir. Le morceau d’ouverture « Loose Talk » dresse un constat sombre de la vie moderne, où des personnages malfaisants se cachent à la vue de tous : « sometimes I think of silence/sometimes I think of the words they speak/sometimes I think of the wolf in the carcass of the sheep «  (parfois je pense au silence/parfois je pense aux mots qu’ils prononcent/parfois je pense au loup dans la carcasse du mouton). S’écartant brièvement de la mêlée apparemment perpétuelle de « Trouble The Water », la livraison dépouillée de « WW4 » permet à Pratt de faire le commentaire le plus accablant sur son pays d’origine « difficile de rester en vie en Amérique ». Le titre éponyme de l’album clôt l’album de façon menaçante par un hochet punk et rugueux. On peut entendre une légère lueur d’optimisme poindre dans le paysage sonore dense, alors que le leader du groupe grogne « it’s easy to tell hate from love ».

Lorsqu’il ne s’agit pas d’aborder les questions sociétales de front, Trouble The Water nous présente une figure assiégée, qui ploie sous le poids du monde. Un brouhaha de bruits électroniques et de tambours qui s’emballent alimente la personnalité désenchantée de Radiator, tandis que le leader du trio crache « give me a problem/give me a break/don’t know how to communicate/there’s nothing for me when I try to stay/there’s nothing for me here » (donnez-moi un problème / donnez-moi une pause / je ne sais pas comment communiquer / il n’y a rien pour moi quand j’essaie de rester / il n’y a rien pour moi ici). Les sous-entendus nauséeux de  » Out Of Place  » injectent un moment de calme dans le disque, alors que Pratt lance  » I wasn’t meant for earth/escape the hurt/I reach for space « (Je n’étais pas fait pour la terre, j’ai fui la douleur, je suis parti pour l’espace.) avec un puissant sentiment de douleur et de vulnérabilité.

Trouble The Water est un disque intense, un disque de confrontation, de colère et de recherche de la vérité dans un monde plein de mensonges.

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Static Dress: « Rouge Carpet Disaster »

25 mai 2022

Après leur premier EP Prologue et une multitude de singles, Static Dress sort son premier album tant attendu, Rouge Carpet Disaster, et c’est un brillant mélange de post-hardcore planant et de divers autres sons. 

Lesdits sons comprennent des éléments électroniques et un sens aigu de la mélodie, qui mettent en valeur la musique du groupe et lui permettent de se démarquer de la masse. Sur cet album, Static Dress explore une multitude de vibrations différentes, trouvant un équilibre entre la lourdeur hymnique et des moments plus oniriques.

Des compositions telles que les sublimes et brumeuses  » Attempt 8  » et  » Marisol  » côtoient des titres plus lourds comme  » Courtney « ,  » Just Relax  » et  » Push Rope « , mais toutes sont délivrées avec un sentiment de passion palpable, ce que Static Dress fait avec aisance. 

Avec Rouge Carpet Disaster, Static Dress a réalisé un premier album assuré qui les voit explorer des styles au-delà de leurs débuts post-hardcore et bien qu’ils embrassent sans aucun doute ce son, et le font très bien, il y a beaucoup plus ici et c’est ce qui les élèvera. 

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AHNA: « Crimson Dawn »

22 mars 2020

Un bon tas de titres sur cette nouvelle production de AHNA sonnent taillées sur mesure pour notre époque : « Run for Your Life », «  In Death’s Grip », « Sick Wast » ». Peut-être est-ce juste une malheureuse coïncidence – ou peut-être qu’une telle grimace est endémique à la malheureuse perspective d’une bande de punks canadiens crouteux qui ont expérimenté le glacial doom et le thrashy death metal, et qui, au cours de leurs dernières sorties, ont gravité vers une variété particulièrement truculente de spunk hardcore.

Crimson Dawn est la première sortie du groupe depuis cinq ans, et leur premier véritable album depuis 2010. On serait tenté de dire que c’est juste un service minimum, mais ce serait vraiment sarcastique. D’ailleurs cette musique l’est, tout comme le monde dans lequel elle nous a été offerte.

**1/2

 


The Wilful Boys: « Life Lessons »

9 décembre 2019

La vie, selon les Wilful Boys, c’est moche ; d’où cet album en mode rouleau compresseur qui écrase tout, consciencieusement, en balançant ses giclées corrosives partout. Punk à tous les étages, éclats métalliques dans les interstices, grosse vibration hardcore tout du long, c’est un nouveau pavé dans la mare, un brûlot qui ne concède aucune minute de répit.
En même temps, étant donnée leur configuration, difficile de s’attendre à autre chose.
The Wilful Boys vient peut-être de New-York mais son leader est australien. Il est derrière la batterie mais il chante/éructe aussi. Devant lui, on trouve deux guitares barbelées et gémellaires (Johnny Provenzano et Nick Isles) agrafées à une basse-enclume (Eric Lau, déjà croisé chez Child Abuse mais aux claviers) et tout ce petit monde met sur pied des bombinettes rugueuses qui amalgament à la truelle quelque chose comme l’urgence furieuse de Bad Breeding et l’exécution plombée des Cosmic Psychos. C’est dire si c’est abrasif. Et jubilatoire surtout.
Oui, parce que tout ça a beau être tangentiellement moche, rares sont les moments où l
on ne se retrouve pas au garde-à-vous lsous l’avalanche de décibels. Les Wilful Boys ne s’embarrassent jamais de bifurcations et digressions inutiles : pulvérisation systématique de tout ce qui peut faire obstacle entre leurs doigts et nos tripes et donc, plaisir maximum. Et cette façon de donner du souffle à la rugosité, de la rendre tellement implacable, de la faire déborder tout en la maintenant dans le cadre. C’est féroce tout le temps même quand ça lève (très) légèrement le pied (le dangereux et merveilleux « Bad Guy » par exemple) et tout est généralement dit en trois minutes, souvent moins, rarement plus. Du coup on passe de bourre-pifs en uppercuts sans forcément s’en rendre compte et la fin arrive presque par surprise, bien trop vite en tout cas. De ci-de là quelques soli de guitares aussi courts qu’efficaces, la basse qui laboure, la batterie qui fracasse et à la fin, un champ de ruines. Sans doute sont-ce là les fameuses leçons de vie promises par le titre : pas de quartier et droit dans le mur.

Life Lessons est ainsi dans l’exacte lignée du précédent, le déjà très excellent Rough As Guts (2016) même si on compte un changement de bassiste dans l’intervalle. On y retrouve les mêmes chœurs, l’efficacité maximum et aussi, ce qui est assez nouveau, quelques titres où Wilful Boys oublient d’appuyer sur l’accélérateur pour goûter aux joies de la conduite sur terrain mouvant : le très chouette « Both Ends » voit par exemple le groupe explorer la répétition pour un résultat tout à la fois déviant et impeccable.
Partout ailleurs, c’est droit devant et le plus vite possible : « 
Head Check » en ouverture, le très hardcore « Der Brain, Summer’s Over » plus loin, « Waiting » et plein d’autres morceaux où ne subsiste que la guerre : du riff en veux-tu, en voilà, les deux guitares qui se complètent merveilleusement, la voix qui transmet son coffre à tout ce qui l’entoure, des mélodies simples que le groupe prend plaisir à saccager et l’urgence. C’est bien ça la grande affaire des Wilful Boys : chaque note donne l’impression d’être balancée comme si elle était la dernière et cela confère un aspect définitif aux morceaux, comme si le groupe à la fin de chacun d’eux allait avoir du mal à se relever. Pourtant, c’est bien ce qu’il fait, douze occurrences durant et on le sent passer. Life Lessons est bien parti pour nous donner une leçon de vie et, à ce titre, il ne fera pas mentir son intitulé.

***1/2


Refused: « War Music »

23 octobre 2019

On avait laissé Refused sur un Freedom paru y a quatre ans. Depuis, le quatuor de post-hardcore suédois a tracé son bonhomme de chemin comme il se doit et le groupe a décidé de revenir à la source de la musique qui a fait son succès avec son cinquième opus, War Music.

Avec un contexte sociopolitique des plus inquiétants ainsi qu’un monde qui se meurt à petit feu, rien ne présageait de très bon pour Refused. War Music vient à la charge avec punk hardcore des plus salvateurs qui débute avec un « REV001 » où son leader Dennis Lykzén hurle à tout va comme auparavant. On est bien servis avec d’autres tueries heavy bien violentes pour nos oreilles allant de « Violent Reaction » à « The Infamous Left « en passant par les sanglants « Blood Red » et « Turn The Cross ».

Du punk hardcore contestataire et dénonciateur, on en demande. Et c’est avec des titres bien cinglants comme « Malfire » et « Damaged III » que l’on a affaire. Lorsque la rage intérieure de Refused est réveillée, on ne peut qu’apprécier ces moments enragés et incisifs tels qu’on est en droit de les attendre.

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Metz: « Automat »

15 août 2019

Toujours aussi cacophoniques, les trois enragés canadiens de Metz nous offrent un album de diverses pépites. La compilation de raretés qui ne sont plus trouvables, ou que personne ne cherchait vraiment explose de partout. Le trio brille dans le chaos. Ils continuent d’explorer les différentes manières de hurler, pour notre plus grand plaisir. C’est effréné. La batterie coupe le souffle comme un coup de coude dans les côtes, la guitare grafigne la peau, pendant que la voix pue la tequila et le sel. Attention à vos plaies apparentes.

Si c’est votre entrée en matière avec le groupe, vous aurez droit à un tour d’horizon assez complet de ce que le trio canadien à offrir. Ils prouvent qu’ils sont à leur place autant dans les bombes punk rock courtes (« Dirty Shirt ») que les moments plus en longueurs qui rappelle presque la lourdeur progressive du métal. L’influence lourde du métal se fait plus sentir d’ailleurs dans l’album en passant par moment par le drone. D’ailleurs, la finale massivement bruyante d’Eraser, après une introduction qui aurait pu être écrite par Ty Segall, me donnait l’envie d’en entendre plus. En utilisant judicieusement la distorsion, « Leave me Out » paraîtra plus longue qu’elle ne l’est. Les notes s’étirent à l’infini ou c’est peut-être le bruit résiduel de mes nouveaux acouphènes.

Ceux qui connaissent le groupe seulement avec leurs parutions sur Sub Pop seront contents de découvrir de leurs idées parues avant la signature avec la maison de disque légendaire. De vieilles idées, mais qui sonnent comme des nouvelles. Entre les deux, on pourra préférer les plages plus longues. « Ripped on the Fence » étonnera par les variations beaucoup plus complexes que ce qu’ils nous ont habitué. Ils s’essaient même à des rythmes franchement déconstruits (« Soft Whiteout, Lump Sums » et la chanson-titre,) qui donnent l’impression d’être des improvisations restructurées où la distorsion fait loi.

Au final, aucune déception, quelques beaux moments et plusieurs petits éclats de génie grinçants. Cet album intermède est diablement efficace, prend presque des allures de compilation « live » avec les qualités d’enregistrements à la qualité variable. Pour d’autres artistes, peut-être que cette inégalité technique dérangerait, mais pour Metz ça s’emboîte parfaitement à leur univers à cran.

***1/2


Krimewatch: « Krimewatch »

1 mars 2019

Il existe des groupes qui sont capables de foutre délivrer l’essentiel et le lourd mais de façon elliptique. C’est le cas du groupe punk hardcore new-yorkais Krimewatch qui est composé de Rhylli (chant), Emma Hendry (basse), Sean Joyce (guitare) et de Shayne (batterie) et qui nous présente un premier album d’une durée de 12 minutes !

Donc courte chronique pour ce court album qui nous met KO sur place. Entre riffs tapageurs et section rythmique qui galope sans oublier l’interprétation bien agressive de Rhylli, tout est au programme. Comme quoi il ne suffit pas de faire un disque de 40 minutes pour bien nous mettre à terre et Krimewatch l’a bien compris. Sinon, ne restera qu’à réappuyer sur la touche lecture.

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Workin’ Man Noise Unit: « It’s Not Nothin’ »

13 décembre 2018

Ne pas se fier aux roses de la pochette. It’s Not Nothin’ n’en a clairement pas l’odeur même s’il en conserve les épines. Débridé et punk, ce nouveau Workin’ Man Noise Unit s’avère fortement jubilatoire.

Trois années ont passé depuis Play Loud et Workin’ Man Noise Unit n’a presque rien changé. Guitare carnassière, basse affolée, batterie trépanée et grouillements synthétiques viennent épauler les deux voix travaillée et mises au service de morceaux qui se veulent grossiers. Envoyant tout valdinguer, la musique des Anglais explose toujours les limites strictes du bon goût.

Voici donc It’s Not Nothin’ et ses onze éructations revendiquées comme débordant du cadre et mettant en avant leur côté punk dévridé, bien plus que sur leur album précédent. À ce stade, c’est déjà très séduisant. Mais Workin’ Man Noise Unit ne s’en tient pas là et leur grand truc, c’est cet habillage synthétique qui fournit aux morceaux un souffle décidément bien singulier. L’amalgame n’est certes pas nouveau mais entendre ici ces riffs massue chevillés à une ossature électronique bruitiste précipite chaque titre dans une sorte d’entre-deux indéterminé. Hésitant en permanence entre arrachage et trip cosmico-barré, It’s Not Nothin’ ne fait jamais mentir son titre. Les onze brûlots se succèdent sans temps morts et balancent des brûlots à tire-larigot où s’entremêlent garage, sludge, quelques pincées hardcore, un soupçon de stoner et beaucoup de punk et de rock’n’roll.

Dès qu’un riff devient trop pachydermique, une zébrure synthético-distordue vient immédiatement le taillader pour le délester de ses kilos excédentaires, quand l’électronique devient trop perchée, la rythmique indéboulonnable la ramène tranquillement au sol, seule compte la course en avant que rien n’arrête.

D’emblée, le bien nommé « Opener » annonce la couleur : chaotique mais surtout carré, la voix (qui rappelle de loin celle de Joe Strummer) s’ébroue à la fois vive et exténuée. Mis derrière le bruit, partout, en grattant la crasse, on décèle des morceaux très bien écrits. « Turn It Off », « Workin’ Man Blues » ou « Rathaus », montrent un groupe à même de sculpter ses échardes et de broder un canevas étonnamment subtil de ses doigts gourds. Partagé entre écume punk et psychédélisme plombé, It’s Not Nothin’ file à la vitesse de l’éclair, ne s’égare jamais et se révèle franchement jouissif. Sur l’ultime et charmant « Become The Scum », Workin’ Man Noise Unit lève même le pied, quitte ses guenilles hirsutes et met en avant toute sa sensibilité. On l’avait pressenti,, cette chouette collection d’aigreur cache en son sein un spleen profondément insulaire. C’est sûr, c’est plutôt moche et ça ne sent pas vraiment la rose mais c’est aussi très prenant et on a l’impression de partager avec la Noise Unit quelques ecchymoses dont l’ADN correspond à un album qui ne pouvait qu’être une incontestable réussite. Et cela, bien sûr, ça n’est pas rien.

****1/2


Cancer Bats: « Searching for Zero « 

15 mars 2015

Cela fait presque dix ans que Cancer Bats fait partie de la scène hardcore punk de Toronto. Le fait qu’ils fassent aussi figure de « tribute band » sous le nom de Bat Sabbath indique vers quel versant ils pointent leur inspiration et ce cinquième album les voit essayer de faire un point sur leur carrière et leurs épreuves personnelles tout autant que musicales. En un sens ils s’en sortent pas mal même si leur promesse de nous délivrer un album aussi brut que possible se vérifie amplement.

Leur approche dépouillée demeure en effet explosive comme sur « Arsenic In The Year Of The Snake » et « All Hail », coups de poing dans le ventre et à la gorge auxquels le groupe nous a habitués mais certains passages, tels «  Beelzebub », deviennent très vite laborieux tant ils dépassent excessivement la durée qu’on peut accorder à ce type de démarche.

À l’inverse il y a des titres comme « Devil’s Blood » qui voient le combo passer la surmultipliée en termes d’adrénaline injectée dans nos oreilles et ceux-ci rappellent les moments les plus mémorables du groupe à ses débuts. On trouvera le même flair sur « Cursed With A Cosncience », un hymne sombre et balancé, trempé dans des guitares.

Quand on approche la fin de l’écoute, on constate clairement que Cancer Bats ont travaillé dur pour que Searching for Zero rappelle les fondations qui sont les siennes tout en nous proposant quelques évolutions. Ils y parviennent la plupart du temps mais, si on prend un peu de recul et si on regarde le tableau dans son ensemble, le mélange ne prend pas réellement et certaines pièces ne semblent pas s’imbriquer les unes aux autres. On se gardera de mentionner leur recherche du zéro en se disant que, parfois, il est des titres d’albums qui ne sont pas du plus heureux effet et qui résonnent ironiquement.

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Perfect Pussy: « Say Yes to Love »

21 janvier 2015

Tout, rigoureusement tout chez Perfect Pussy mérite l’adjectif d’abrasif. La chanteuse Meredith Graves glapit comme si elle subissait ou souhaitait faire subir une agression permanente tout en essayant de prendre le dessus sur des rythmes qui crissent et semblent se tortiller dans tous les sens sans relâche. L’écoute n’est pas aisée mais elle est gratifiante.

Avec des vocaux entachés de distorsion et dégoulinant d’une menace imperturbable, il n’y a aucun moyen de s’affranchir de la poigne que Perfect Pussy exerce sur vous une fois mise en branle. I y a pourtant une émotion indéniable dans le bruit débridé qui jalonne Say Yes To Love, le premier album du combo. Que ce soit sur des hurlements qui semblent parcourir une distance partant de l’Enfer pour infester le ciel ou cette attitude blasée en voulant au monde entier si chère à Sonic Youth, on ne peut pas ne pas sentir en familiarité avec un tel album. Bien que parcouru de poncifs, le disque sonne remarquablement frais et ce sont précisément le fait de s’appuyer sur des références si usitées qui rend Say Yes To Love si surprenant.

Dès le torride « opener » que constitue « Driver », il est évident que les prochaines 25 minutes seront pleines de vitriol et d’un fournaise à faire bouillir le sang au point qu’il risque de provoquer une hémorragie auditive. Dès le début donc et, à partir de ce moment, aucune pause ne nous permettra de se libérer de cette étreinte hormis les rares descentes qui néanmoins restent toujours en vrille ou les crescendos qui, de toutes manières, ne peuvent que nous entraîner là où on ne souhaiterait peut-être pas aller. « Advance Upon the Real » est le parfait exemple de cette approche avec le fuzz comminatoire qui accompagne ses plus de 3 minutes.

Le « closer », « VII », invoquera la vision d’une avalanche qui descend sur nous, décimant tout ce qui précède sur son passage. Le bruit devient alors immense et fracassant comme des coups de bélier sur une porte qui ne demande peut-être qu’à lui céder comme pour appréhender sa beauté ; quand le martèlement vicieux s’arrête, on hésite entre le « enfin » et le « encore » qui peuple le silence. Le prix d’entrée dans l’univers de Perfect Pussy est accessible et en même temps inestimable ; dans tous les cas il vaut la peine de s’en pénétrer.

***1/2