Régulièrement, la Grande-Bretagne nous offre une petite pépite encore brute, entourée de mystère, OVNI inclassable qui gravite parfois très brièvement et aujourd’hui, la nouvelle énigme londonienne se nomme black midi dont le moins que l’on puisse dire, c’est que ce projet est excitant et déroutant.
Tout commence avec un concert enregistré dans les studios de la radio KEXP ; ;la prestation des quatre jeunes Londoniens interpelle et les vues se multiplient sur la toile. Ils deviennent ceux qu’on attend, ils intriguent la presse spécialisée et restent pourtant dans un quasi mutisme, délivrant au compte-goutte les informations sur les réseaux sociaux. Ceux qui ont eu la chance de les voir en live ces dernières semaines auront pu le constater : les quatre kids déploient une énergie surhumaine, font preuve d’une décontraction et d’une maîtrise scénique assez ahurissante, ce qui n’a pas manqué d’attirer l’attention, notamment lors du festival de défricheurs The Great Escape à Brighton en mai dernier. Dernièrement, les mythiques Rough Trade Records annonçaient sortir Schlagenheim, preuve ultime de l’intérêt pour les quatre musiciens.
Néanmoins, si leurs concerts dégagent une spontanéité surréaliste, le trait de génie réside bel et bien dans le fait d’avoir réussi à le retranscrire sur disque ; le son de Schlagenheim s’est certes enrichi de quelques instruments difficilement transposables en « live » mais il n’en demeure pas moins que l’on retrouve toute l’énergie délivrée lors de leurs prestations. Enregistrés en à peine cinq jours, les neuf titres forment un condensé enfin dévoilé de ce que donnent black midi en album.
On commence d’emblée, avec « 953 », sur un math-rock noisy alors qu’arrive cette voix nasillarde si distinctive, digne d’un groupe de prog des années 70. Césures rythmiques, fraîcheur, dimension grandiloquente indéniable, narration un brin décalée (« bmbmbm »), il est toujours compliqué de définir quelle direction prendra l’album et c’est ce qui le rend si unique. Aucun titre ne se détache des autres (même si l’enchaînement « Of Schlagenheim/bmbmbm » est tout bonnement incroyable), l’intensité ne décroît à aucun moment, aucun instrument ne prend le dessus sur un autre et le chaos et la folie (comparable à Devo ou encore, plus récemment, à Sunset Rubdown dans une certaine mesure) sont divinement maîtrisés.
Schlagenheim vient donc clore la question qui brûlait les lèvres de tous les férus de musique : black midi ne sont pas qu’une hype sur le papier. Ils réinventent le rock à guitares, style éculé s’il en est, surtout au Royaume-Uni. Leur musique est protéiforme, leur créativité et leur inventivité leur permettent une mise en lumière parfois compliquée dans la profusion de nouveautés que l’on a à disposition.
***1/2