Negură Bunget: « Zău »

13 décembre 2021

Après le schisme fatidique entre Negru et les autres membres principaux de Negură Bunget en 2009, on s’est interrogé sur la légitimité et la substance du groupe dans son incarnation actuelle. On n’écrit pas ceci en tant que critique sauf si ce n’est que de se mettre à la place du fan qui reste déçu par la façon dont les choses ont tourné pour eux. JON n’est d’ailleurs certainement pas les seuls à dire que leur quatrième album, OM, possédait l’une des atmosphères les plus originales et les plus étranges jamais créées dans le domaine du black metal. Les deux membres du groupe, Hupogrammos et Sol Faur, ont créé un successeur magique à OM en sortant Dar de Duh sous le nom de Dordeduh. Dans une tournure d’événements qui n’est pas sans rappeler la débâcle plus récente avec Queensrÿche, Negru a embauché une équipe de nouveaux initiés et a poursuivi sa route. Vîrstele Pămîntului était assez décent, mais il n’est rien en comparaison de ce que l’autre côté de Negură Bunget a fait depuis, sans parler des monuments audacieux qui l’ont précédé.

En parlant d’une audacieuse «  trilogie transylvanienne » (dont Tău est le premier volet), il semble que les Negură Bunget d’aujourd’hui aient l’intention de faire une déclaration aussi (sinon plus) ambitieuse que leur ancien travail. Les trilogies achevées ont tendance à devenir des points de repère dans la discographie de tout groupe qui les tente. C’est à cause de cette promesse d’ambition que l’on peut être déçu par Tău, déçu parce que les autres attentes que l’on avait pour un album post-schisme de Negură Bunget ont été satisfaites., en revanche, vagabonde et raîne en longueur. Il représente un défi sans être, pour autant, gratifiant dans un sens durable. Il est agréable en dépit de ces choses, mais en fin de compte vient comme un écho artificiel de la maîtrise du genre auquel ce groupe vétéran était associée.

Il est intéressant de noter que la composition de Tău est presque identique à celle de Vîrstele Pămîntului. En d’autres termes, M. Negru est le seul propriétaire de la direction que prend le groupe ; le reste des musiciens est largement là pour remplir l’exécution. Tău reflète bien le style caractéristique du groupe : le mélange de folk et de black metal chargé d’avant-garde est ici dans son intégralité. Plus important encore, l’atmosphère bizarre et indescriptiblement mystique – qui a fait de Negură Bunget une écoute si difficile en premier lieu – est toujours là. Même si l’adhésion a donné lieu à la question de savoir si ce projet mérite son nom ou non, le son distinctif demeure. S’il y a un problème à prendre avec l’album sur une base purement stylistique, c’est que M. Negru n’a pas jugé bon de pousser le son en avant. Tău ressemble ainsi à une ombre discrète de leur passé, plutôt qu’au nouveau chapitre audacieux que le concept de Trilogie aurait pu promettre.

Oui, le son est étrange, mais pas d’une manière qui exige une bonne compréhension. Negură Bunget sonne automatiquement au moins un peu étranger par leur instrumentation folk omniprésente. Le folklore slave a influencé la façon dont les mélodies sont façonnées. Bien moins consonant que le folk de l’Europe du Nord-Ouest que l’on voit le plus souvent incorporé au black metal, Negură Bunget gagne tout de même des points par le sentiment qu’ils font du metal coloré de manière indélébile par son influence folk. Tant de groupes de métal «  folk » » pourraient être entendus tout aussi bien sans l’étalage d’accordéons et de violons. Même sans les flûtes de pan tourbillonnantes et les touches atmosphériques, vous seriez en mesure d’entendre des traces significatives de la patrie roumaine de Negură Bunget. Le style est confortablement décrit comme avant-gardiste, mais Tău se sent toujours comme l’amalgame largement naturel d’influences culturelles. Il existe quelques exceptions excentriques ; le son bourdonnant du thérémine à la fin de « Nametenie » ne peut être expliqué par aucune norme traditionnelle de la musique folk.

On peut certainement entendre le black metal à l’œuvre sur Tău, mais il est fait pour ressembler à autre chose par les couches de voix claires, les orchestrations folkloriques et les expérimentations extraterrestres. Qu’il s’agisse du vrai Negură Bunget ou non, Tău a une bonne maîtrise du style aventureux et dérangeant que j’ai (lentement) appris à aimer dans leur musique. Là où Tău souffre le plus, c’est dans l’écriture des chansons. Il y a de bonnes idées, mais seulement quelques bonnes chansons.’ »Schiminiceste », par exemple, est un morceau de clôture mélancolique, doté d’un refrain et d’une reprise parfaitement lugubres. « La Hotaru cu Cinci Culmi » sera, elle, une belle vitrine de leur côté folk, avec des chants païens enchanteurs et une instrumentation variée. Le plus souvent, cependant, la plupart des grands concepts de Tău ont besoin d’un meilleur contexte. Les chansons n’exploitent pas pleinement leurs meilleures idées ; elles s’égarent et errent, et ne donnent que rarement l’impression de construire quelque chose. La plupart du temps, un élan prometteur est enclenché, mais il est stoppé dans son élan par un détour malencontreux. « Taram Valhovnicesc «  en est un exemple particulièrement frappant : si les deux dernières minutes constituent l’un de nos passages préférés de l’album, la majeure partie du morceau sonne comme du black metal synthétisé bon marché. Il y a un temps et un lieu pour ce genre de choses, mais dans le contexte de Tău, cela sert à nuire à l’atmosphère folklorique de l’album.

Il n’y a rien qui me surprenne vraiment dans la façon dont cet album a tourné. Hupogrammos et Sol Faur étaient responsables de la majeure partie de l’écriture avant que Negură Bunget ne prenne des chemins séparés. M. Negru a prouvé qu’il était capable de diriger un groupe avec toutes les cloches et les sifflets associés à ce projet, mais l’écriture de chansons ne fait pas partie de ses talents les plus forts. Avec « Schiminiceste », Tău est très bon. Avec « Taram Valhovnicesc », pas vraiment. La plupart du temps, l’album tombe dans ce milieu indéfini où la musique est agréable sans être immersive.

On peut aimer cet album, mais on peut également espérer le meilleur pour les prochains chapitres de cette « Transylvanian Trilogy » sur laquelle ils travaillent, mais sauf la non-possibilité d’une réconciliation miraculeuse, on peut craindre que les meilleurs jours de Negură Bunget ne soient terminés, et ce depuis un bon moment.

***1/2


Finsterforst: « Zerfall »

24 août 2019

Certains albums en disent beaucoup, rne serait-ce que par leur intitulé. Zerfall par exemple ; il ne faudra pas longtemps à un connaisseur, sans même avoir déjà entendu une note des Allemands de Finsterforst, pour deviner qu’il s’agit de folk metal. Précision ; de black folk orchestral. Au programme donc, de longs titres aux envolées héroïques grandioses, des choeurs guerriers, des parties folk exécutées à l’accordéon, au hautbois, au tin whistle. En voyant la durée totale du disque ou pourrait avoir peur de s’ennuyer. Il n’en est rien. Même le morceau-fleuve « Ecce homo » (plus de 36 minutes !) parvient à ne jamais perdre son auditeur dans ses méandres, alternant entre tempête metal, accalmies folk, moments héroïques théâtraux et mise en ambiance.

Le sinal sera grandiose et à déguste.r Bien sûr, tout cela est en langue allemande, mais c’est la barrière à franchir le plus souvent pour des oeuvres de ce genre, et c’est aussi ce qui leur confère leur caractère. Puissance, mélodie, caractère épique, émotion se tirent la bourre dans cet album qui prouve que ce septième opus n’est pas « un de plus » dans la discographie de Finsterforst qui a,ici, fait un pas de géant, à même de réconcilier fans de la première œuvre et progressistes de tout poil. Bref, cette nouvelle offrande aux divinités païennes est une sacrée réussite, qu’il était urgent de faire partager.

***1/2


Saor. « Forgotten Path »

6 mai 2019

Quatrième album pour Saor, qui en profite au passage pour signer avec le label Avantgarde music, (souvent) garant de chouettes disques. Si vous ne connaissez pas Saor, ça n’est pas grave, je vous fais le tour du propriétaire de suite. Nous sommes en présence d’une groupe Soar est un combo qui prend certes ses racines dans le black metal, mais est marqué par une forte identité folk. Cela se traduit par un style à mi-chemin entre folk metal et black atmosphérique ; de très longs titres assez grandioses où la mélodie mène la danse mais que des riffs épiques et puissants épaulent, que des claviers splendides magnifient, que les voix rauques et claires accompagnent vers les cieux.

Forgotten Paths est le quatrième opus de ces Écossais et il manie avec excellence l’alternance entre passages très folk metal et moments plus féroces et metal extrême est super bien gérée. Les riffs, le violon et la flûte enchevêtrés ne vous paraîtront même pas exotiques ; ce mélange a vraiment quelque chose de naturel et, par moments, de majestueux.

***


Arkona: « Khram »

8 janvier 2019

Arkona est l’un des fers de lance du (folk) metal russe, oeuvrant d’abord dans l’ombre puis en pleine lumière depuis quelques années et sa reconnaissance sur la scène internationale. Il faut dire que celle-ci est méritée, le combo présentant de nombreuses qualités et particularités. Dont la moindre n’est pas le génie dont il fait preuve pour écrire des titres puissants, mélodiques, aux délicates et classieuses envolées folk. Qu’il agence de façon intelligente au sein d’albums de plus en plus réussis et denses. On pourrait également parler de son impressionnante vocaliste et ses vocaux grommelés ou chantés. De son style alliant folk metal, (post) black et thrashcore. « Khram » va une fois de plus mettre le feu ; Arkona n’y est pas avare en efforts (on est bien au-dessus de l’heure), et ceux-ci s’avèrent une fois de plus payants.

Ce qui est le plus impressionnant ici, c’est que peu importe la durée des titres (parfois très étirés : le plus long ici fait plus de 17 minutes), on s’y sent aussi bien, et ils font montre d’autant de classe et de finesse que l’on est en droit d’attendre d’Arkona, et même plus. Le combo transcende ici encore (plus) ses influences pour en tirer une œuvre richissime, changeante, épique et nappée d’une beauté mélancolique touchante. Un disque que l’on pourra au final conseiller aux amateurs de folk metal les plus aventureux et pourquoi pas aux amoureux des voyages musicaux metal extrême.

***1/2


Grai: « Ashes »

7 janvier 2019

Rares sont les groupes russes à parvenir jusqu’à nos oreilles. Raison ; ça doit forcément être pour une bonne raison. Grai est un groupe de folk metal qui sort avec Ashes son quatrième album. «Grai » signifie « le pleur de l’oiseau » ; on se doutera bien à l’entendre que sa musique ne respire pas la joie de vivre. « Haze » introduira le disque de façon à la fois inquiétante et riche de tensions nous laissant dans l’expectative d’un gros riff bien noir qui ne viendra pourtant pas.

« Song of dead water » prolongera alors ce moment en introduisant les éléments folk (ici, une flûte et un chant féminin inspiré) et les éléments metal (des accords bien épais à consonance dark). « A water well » mêlera une guimbarde à un grognement et « Darkness with me », plus posé et sombre, creusera un tunnel entre le rock indé et le dark folk. Avec « Donya » ce sera , enfin, un retour vers le folk metal plus classique.

Grai n’’est certes pas un combo très original mai il s’évertue à varier les plaisirs en articulant son style plutôt passe-partout au travers de titres en équilibre entre la puissance du riff, la légèreté des éléments folk et le côté grave du chant féminin. Cela fonctionne plutôt bien même si on se dit que sa musique bénéficierait d’un traitement plus acoustique ou démesté des éléments metal.

On passera ici un bon moment, mais Ashes restera un disque parmi beaucoup d’autres ; ses racines exotiques ne lui permettant pas de dépasser le sdae de la simple curiosité et de l’anecdote.

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