Après le schisme fatidique entre Negru et les autres membres principaux de Negură Bunget en 2009, on s’est interrogé sur la légitimité et la substance du groupe dans son incarnation actuelle. On n’écrit pas ceci en tant que critique sauf si ce n’est que de se mettre à la place du fan qui reste déçu par la façon dont les choses ont tourné pour eux. JON n’est d’ailleurs certainement pas les seuls à dire que leur quatrième album, OM, possédait l’une des atmosphères les plus originales et les plus étranges jamais créées dans le domaine du black metal. Les deux membres du groupe, Hupogrammos et Sol Faur, ont créé un successeur magique à OM en sortant Dar de Duh sous le nom de Dordeduh. Dans une tournure d’événements qui n’est pas sans rappeler la débâcle plus récente avec Queensrÿche, Negru a embauché une équipe de nouveaux initiés et a poursuivi sa route. Vîrstele Pămîntului était assez décent, mais il n’est rien en comparaison de ce que l’autre côté de Negură Bunget a fait depuis, sans parler des monuments audacieux qui l’ont précédé.
En parlant d’une audacieuse « trilogie transylvanienne » (dont Tău est le premier volet), il semble que les Negură Bunget d’aujourd’hui aient l’intention de faire une déclaration aussi (sinon plus) ambitieuse que leur ancien travail. Les trilogies achevées ont tendance à devenir des points de repère dans la discographie de tout groupe qui les tente. C’est à cause de cette promesse d’ambition que l’on peut être déçu par Tău, déçu parce que les autres attentes que l’on avait pour un album post-schisme de Negură Bunget ont été satisfaites., en revanche, vagabonde et raîne en longueur. Il représente un défi sans être, pour autant, gratifiant dans un sens durable. Il est agréable en dépit de ces choses, mais en fin de compte vient comme un écho artificiel de la maîtrise du genre auquel ce groupe vétéran était associée.
Il est intéressant de noter que la composition de Tău est presque identique à celle de Vîrstele Pămîntului. En d’autres termes, M. Negru est le seul propriétaire de la direction que prend le groupe ; le reste des musiciens est largement là pour remplir l’exécution. Tău reflète bien le style caractéristique du groupe : le mélange de folk et de black metal chargé d’avant-garde est ici dans son intégralité. Plus important encore, l’atmosphère bizarre et indescriptiblement mystique – qui a fait de Negură Bunget une écoute si difficile en premier lieu – est toujours là. Même si l’adhésion a donné lieu à la question de savoir si ce projet mérite son nom ou non, le son distinctif demeure. S’il y a un problème à prendre avec l’album sur une base purement stylistique, c’est que M. Negru n’a pas jugé bon de pousser le son en avant. Tău ressemble ainsi à une ombre discrète de leur passé, plutôt qu’au nouveau chapitre audacieux que le concept de Trilogie aurait pu promettre.
Oui, le son est étrange, mais pas d’une manière qui exige une bonne compréhension. Negură Bunget sonne automatiquement au moins un peu étranger par leur instrumentation folk omniprésente. Le folklore slave a influencé la façon dont les mélodies sont façonnées. Bien moins consonant que le folk de l’Europe du Nord-Ouest que l’on voit le plus souvent incorporé au black metal, Negură Bunget gagne tout de même des points par le sentiment qu’ils font du metal coloré de manière indélébile par son influence folk. Tant de groupes de métal « folk » » pourraient être entendus tout aussi bien sans l’étalage d’accordéons et de violons. Même sans les flûtes de pan tourbillonnantes et les touches atmosphériques, vous seriez en mesure d’entendre des traces significatives de la patrie roumaine de Negură Bunget. Le style est confortablement décrit comme avant-gardiste, mais Tău se sent toujours comme l’amalgame largement naturel d’influences culturelles. Il existe quelques exceptions excentriques ; le son bourdonnant du thérémine à la fin de « Nametenie » ne peut être expliqué par aucune norme traditionnelle de la musique folk.
On peut certainement entendre le black metal à l’œuvre sur Tău, mais il est fait pour ressembler à autre chose par les couches de voix claires, les orchestrations folkloriques et les expérimentations extraterrestres. Qu’il s’agisse du vrai Negură Bunget ou non, Tău a une bonne maîtrise du style aventureux et dérangeant que j’ai (lentement) appris à aimer dans leur musique. Là où Tău souffre le plus, c’est dans l’écriture des chansons. Il y a de bonnes idées, mais seulement quelques bonnes chansons.’ »Schiminiceste », par exemple, est un morceau de clôture mélancolique, doté d’un refrain et d’une reprise parfaitement lugubres. « La Hotaru cu Cinci Culmi » sera, elle, une belle vitrine de leur côté folk, avec des chants païens enchanteurs et une instrumentation variée. Le plus souvent, cependant, la plupart des grands concepts de Tău ont besoin d’un meilleur contexte. Les chansons n’exploitent pas pleinement leurs meilleures idées ; elles s’égarent et errent, et ne donnent que rarement l’impression de construire quelque chose. La plupart du temps, un élan prometteur est enclenché, mais il est stoppé dans son élan par un détour malencontreux. « Taram Valhovnicesc « en est un exemple particulièrement frappant : si les deux dernières minutes constituent l’un de nos passages préférés de l’album, la majeure partie du morceau sonne comme du black metal synthétisé bon marché. Il y a un temps et un lieu pour ce genre de choses, mais dans le contexte de Tău, cela sert à nuire à l’atmosphère folklorique de l’album.
Il n’y a rien qui me surprenne vraiment dans la façon dont cet album a tourné. Hupogrammos et Sol Faur étaient responsables de la majeure partie de l’écriture avant que Negură Bunget ne prenne des chemins séparés. M. Negru a prouvé qu’il était capable de diriger un groupe avec toutes les cloches et les sifflets associés à ce projet, mais l’écriture de chansons ne fait pas partie de ses talents les plus forts. Avec « Schiminiceste », Tău est très bon. Avec « Taram Valhovnicesc », pas vraiment. La plupart du temps, l’album tombe dans ce milieu indéfini où la musique est agréable sans être immersive.
On peut aimer cet album, mais on peut également espérer le meilleur pour les prochains chapitres de cette « Transylvanian Trilogy » sur laquelle ils travaillent, mais sauf la non-possibilité d’une réconciliation miraculeuse, on peut craindre que les meilleurs jours de Negură Bunget ne soient terminés, et ce depuis un bon moment.
***1/2