Portal: « Avow »

23 mai 2021

Le sixième album de Portal, Avow, voit le groupe revenir à un son plus proche de certains de ses premiers travaux. Ils restent l’un des groupes les plus uniques du death metal, avec un son absolument claustrophobe, sombre et effrayant. Leur capacité à invoquer un sentiment d’effroi dans leur musique reste inégalée avec leurs riffs dissonants et chaotiques, et le grognement chuchotant du chanteur The Curator.

Portal a connu une évolution dans son son, surtout dans les deux derniers albums. Avec Vexovoid en 2013, ils ont réduit le chaos des riffs pour se concentrer sur une attaque plus directe, tandis que le Ion de 2018 a offert la sortie la plus frappante de leur carrière, le plus grand changement de son venant sensiblement des guitares. Dans les albums précédents, le groupe utilisait des instruments à 8 cordes qui contribuaient à créer un son sombre et dense, mais pour Ion, le guitariste Horror Illogium a retrouvé sa vieille Carvin Ultra Flying V, une guitare à 6 cordes avec une attaque en forme de rasoir qu’il a utilisée pour composer et créer le son unique de l’album. Alors qu’auparavant, on pouvait entendre des clins d’œil à des groupes comme Morbid Angel, Gorguts et Incantation, avec Ion, il semble que le groupe canalise l’essence du thrash allemand des années 80, comme Sodom ou Destruction, mais d’une manière unique et tordue.

Lors d’une interview avec Bardo Methodology à l’époque de la sortie de Ion, Horror Illogium a révélé que le groupe avait enregistré des titres pour un album complet, mais qu’il avait décidé de le mettre de côté avant qu’il ne soit mixé. Cette décision s’explique notamment par la montée en puissance de nombreux nouveaux groupes qui tentent d’adopter une approche ou une esthétique similaire. Avec Ion, ils ont réussi à faire un disque qui se démarque de ces imitateurs et qui, à mon avis, est l’un de leurs meilleurs albums. La première chose qui nous a frappé à propos d’Avow, c’est qu’il marque un retour, notamment en termes de production, aux anciens enregistrements du groupe. Les guitares qui étaient si tranchantes sur Ion ont été déplacées dans le mix pour unifier les dissonances et le drone qui est plus prononcé. Il n’y a pas un seul moment qui ne soit pas étouffant dans son exécution. Aucune information réelle n’a été donnée dans la bio de l’album, mais honnêtement, la première pensée qui m’a traversé l’esprit était de savoir si oui ou non le groupe avait décidé de revisiter certains des matériaux de leurs travaux abandonnés. Quoi qu’il en soit, les fans des premiers albums du groupe seront probablement très satisfaits de la direction prise ici. Le chant de The Curator est également à noter. Il reste un point très fort qui élève la menace et l’effroi mis en avant et libère essentiellement la musique pour qu’elle prenne la direction qu’elle veut.

Dans l’ensemble, l’album est plus impénétrable que les deux précédents, mais il n’en est pas moins intriguant à écouter, et c’est là que réside l’une des plus grandes forces de Portal. La cacophonie de Portal transcende toutes les idées que l’on peut se faire de ce que peut être le death metal, et ils continuent de réussir à être l’un des groupes les plus uniques du genre, que les imitateurs soient damnés.

***1/2


Avatar : « Hunter Gatherer »

7 août 2020

Au-delà de la fumée et des miroirs, le huitième album d’Avatar, Hunter Gatherer, révèle le côté de notre monde, défini par la rage, les chagrins et les conflits. En effet, notre joker préféré du death metal mélodique ne rit plus dans son huitième album, Hunter Gatherer. L’ère de comédie de notre société est arrivée à sa fin et le nouvel âge est plus que menaçant, car le groupe peint une représentation du monde obscurcie et déformée. Abandonnant l’attitude enjouée et moqueuse qui caractérisait leur dernier album, Hunter Gatherer se situe dans un contraste totalement opposé, car le groupe ne plaisante plus, ne cherche plus à amuser, ne prend plus les choses à la légère, ne regarde plus les tragédies de la société à travers la lentille de l’humour.

Morceau sombre et violent, « Silence In The Age Of Apes » introduit l’album avec des riffs de guitare violemment flamboyants, une batterie alerte et puissante menée par un chant impérieux et autoritaire, le tout pour révéler une image terrifiante d’un monde submergé par le désastre et l’agressivité. L’atmosphère calamiteuse amorcée par cette première chanson persiste tout au long deu disque, « Colossus » lui donnant une dimension nouvelle et apocalyptique, alors que la race humaine est réduite de l’espèce dominante à celle qui est à la merci d’un géant mécanique sans cœur. « A Secret Door » débute avec une intro insouciante et trompeuse, pour bientôt osciller entre des voix claires et atypiques, associées à un instrumental léger et à un instrument de tir caractéristique, et des voix démoniaques, rendant ainsi hommage à la voix impressionnante et polyvalente de Johannes Eckerström.

Prenant en charge vos moments de sommeil, « God Of Sick Dreams » redéfinira votre sens du cauchemar à l’aide d’une batterie imposante, de riffs de guitare diaboliques et d’un chant terrifiant. D’une manière plus ou moins métaphorique, il transforme vos rêves en cauchemars enchainés visant à vous accabler de doutes et d’impuissance. « Scream Until You Wake » poursuit la marche, tandis que « Child » change l’atmosphère avec un climat plutôt ironique et comique ressemblant presque au style du précédent album d’Avatar tout en gardant l’attitude sombre et vicieuse de cet album – après tout, le thème de cette chanson n’est pas à prendre à la légère. « Justice »prendra suite, comme une question dramatique mais sérieuse sur l’état actuel du monde, doutant de la justesse des actions du statu quo, tandis que leurs conséquences sont révélées par le canon magnifiquement mélodique et d’une vulnérabilité déchirante, dépeignant une victoire amère et un adieu dévastateur. Après avoir fait le deuil d’une grande perte, la rage se déchaîne et se déchaîne à volonté dans le tonnerre et au-delà de la violence, quand tout sauf la force a échoué. L’album se termine avec un « Wormhole », parfaitement équilibré, anthemique et mémorable.

Dans l’ensemble, Hunter Gatherer est une représentation tout aussi déchirante et terrifiante d’un monde qui a perdu sa boussole morale et se dirige vers l’autodestruction. Embrassant à la fois des chants propres et des grognements death, alternant calme et instrumental féroce, Avatar a créé un album étonnamment volatil qui permet à une pléthore d’idées mises en avant à travers une variété d’attitudes de s’enfoncer et de laisser leur marque.

***1/2


Umbra Vitae: « Shadow of Life »

12 mai 2020

Isaac Newton a soutenu que pour chaque action il y a une réaction égale ou opposée, mais il y a de fortes chances qu’il n’ait pas anticipé la façon dont cette théorie pourrait s’appliquer aux albums de death metal brutal plus de 300 ans après avoir rédigé ses lois du mouvement. Pour le chanteur de Converge, Jacob Bannon, c’est ce principe qui l’a poussé à créer son dernier side-project, Umbra Vitae.

Ces dernières années, Bannon a mis beaucoup d’énergie dans Wear Your Wounds, un collectif dérivé qui exploite un mélange sombrement romantique de post-rock, de morosité gothique et de mélancolie acoustique. Bien qu’il soit occasionnellement secoué en vitesse de distorsion, le flux de Wear Your Wounds est généralement étendu et glacial. Pendant la promotion de leur dernier LP, Bannon a apparemment ravivé son amour du death metal, et à son retour, il a littéralement cherché à changer de rythme. Rejoint par les guitaristes de Wear Your Wounds Mike McKenzie et Sean Martin, le bassiste de Red Chord Greg Weeks et le batteur de Uncle Acid & the Deadbeats Jon Rice, Bannon se lance dans un assaut rapide et implacable pour le premier LP d’Umbra Vitae, Shadow of Life.

Après le bref « Decadence Dissolves », sans percussion, Umbra Vitae fait une éruption dans le tempo sur « Ethereal Emptiness ». Comme son titre l’indique, le son est d’un autre monde, contrastant d’abord les explosions nucléaires de Rice avec de sordides et charmants passages de touches sans distorsion, avant de se transformer en un savant death metal à pleine volée Tandis que Rice fait un backbeat de pierre pour Uncle Acid, la destruction de son kit avec Umbra Vitae rappelle la précision de son temps avec les desperados du death metal progressif Job for a Cowboy. De leur côté, McKenzie et Martin proposent une pléthore de cris pernicieux et de trilles à une note à la Floride dans Shadow of Life, avec « Intimate Inferno » et « Return to Zero » qui sont des exercices particulièrement sauvages de broyage de poignet pour les bûcherons du riff.

D’une part, l’approche de Bannon est effectivement à 180 degrés du mélodisme plus texturé et plus sobre qu’il apporte à Wear Your Wounds, mais si vous avez vécu avec l’un des disques de Converge au fil des ans, vous reconnaîtrez immédiatement la signature du chanteur. C’est, en effet, l’un des hurlements les plus emblématiques de la musique heavy. Mis à côté des phrasés d’accords bruyants de « Atheist Aesthetic » ou » »Return to Zero », Umbra Vitae est naturellement incomparable. La différence réside souvent dans la façon dont chaque acte aborde les pistes de guitare. Le guitariste de Converge, Kurt Ballou (qui a enregistré et mixé Shadow of Life dans son GodCity Studio à Salem, Massachusetts) peut faire courir ses doigts comme l’éclair, mais il apporte également une mentalité hardcore chaotique à son jeu ; les solos de Shadow of Life ont tendance à être plus classiques et livrés avec un vibrato prononcé et presque larmoyant.

Le nom du groupe et le titre de l’album d’Umbra Vitae font tous deux allusion à un poème de l’expressionniste allemand Georg Heym (Shadow of Life est la traduction latino-anglaise d' »Umbra Vitae »), une pièce désarmante et sombre, mais magnifiquement composée, qui annonce une apparente fin du monde. Inspiré par le sombre présage de Heym,

Les paroles de Bannon sur Shadow of Life sont tout aussi sombres, qu’il s’agisse de succomber à un abîme de durcissement de l’âme (« Ethereal Emptiness »), ou d’insister sur le fait que « l’oblitération vous libérera » ( obliteration will set you free) sur « Intimate Inferno ». Alors que «  Return to Zero » débite une série de platitudes positives et d’auto-assistance de type « Mordre la chaîne, s’incliner devant personne / Détruire l’ego, rayonner l’amour » (Bite down on the chain, bow down to no one/Destroy the ego, radiate love, the closing title cut’s thesis is that humans “feign such fearlessness….to rid the hopelessness that feeds on each of us), la thèse du titre final est que les humains « feignent une telle intrépidité….pour se débarrasser du désespoir qui se nourrit de chacun d’entre nous »(feign such fearlessness….to rid the hopelessness that feeds on each of us).

Dans un communiqué de presse, Bannon note comment il utilise sa musique comme « une saine purge d’émotion », une réaction constructive à sa lutte intérieure. L’album d’Umbra Vitae se termine sur un rappel poignant que « les ombres viendront un jour pour vous », mais mettre autant de cœur à l’ouvrage, projet après projet, devrait faire briller Bannon jusqu’au grand inévitable.

***1/2


Invocation: « Attunement to Death »

22 mars 2020

Celui qui a inventé l’abréviation IDM n’a pas écouté assez de métal. Ces trois lettres auraient dû être réservées au death metal intelligent. C’est ce que joue le groupe chilien Invocation (à ne pas confondre avec les métalleux australiens du même nom, disparus depuis longtemps).

Leur intelligence musicale les maintient entre le punk abatardisé de métal et le genre de riffs techniques qui sont si souvent joués pour la joie des musiciens plutôt que celle des auditeurs.

**1/2


Svart Crown: « Wolves Among The Ashes »

20 février 2020

On peut considérer Profane de Svart Crown comme le pendant d’Ulcerate, un combo propre à nous narrer les voayages de ce pauvre homme qui tenterait d’apporter quelques éléments d’autres influences (Behemoth par exemple) et nous aiderait à modeler notre avancée dans la scène du métal extrême. Pour la plupart, cette descriptionde quête ou pélerinage fonctionne bien, identifiant les parties de la musique de Svart Crown qui sont intéressantes ou profondes tout en équilibrant ces moments parfois sans éclat qui venaient avec le territoire du death metal et autres vagues métal En 2017, avec Abreation, le groupe, s’est inspiré de Witnessing The Fall et de Profane pour ouvrir sa palette sonore à un monde où Svart Crown pourrait se développer en un amalgame de death metal de qualité.

Wolves Among The Ashes est une sortie ambitieuse qui commence à séparer les sorties passées de Svart Crown de son état actuel. Même à première vue, il est clair que le dernier album de Svart Crown est un opus varié et évolutif. Parfois, leur style de death metal devient progressif, car ils tournent autour du black metal, du hardcore et de certains des death metal les plus typiques que vous entendrez de ce côté-ci de l’année 2010. Mais Wolves Among The Ashes ne se conforme pas non plus à une simple hybridation de death metal noirci.

Après un court morceau d’introduction, « Thermageddon » se fraye un chemin jusqu’à une balade et l’ambiance devient instantanément frénétique lorsque les riffs se fondent dans la basse et le lead, frappant l’auditeur avec un mur sonore rapide et presque cliché. En comparaison directe avec le précédent album du groupe, Abreation, Wolves Among The Ashes est plus singulier en prenant leurs sons piste par piste – plutôt que d’envelopper l’album dans un motif instrumental singulier. La frénésie implicite initiale de l’album n’est cependant pas la seule carte de visite de Svart Crown pour 2020. Après ce qui ne peut être considéré que comme un « Thermageddon », « Art Of Obedience » et « Blessed Be The Fools » se détendent dans un groove accueillant, s’appuyant sur un festival de riffs plus accessible mais complètement dissonant, et comblant à leur tour les lacunes entre certains visages plus extrêmes du métal.

La nouvelle capacité de Svart Crown à changer de vitesse dans Wolves Among The Ashes apporte de nouvelles dimensions sonores à la lumière, en particulier les vibrations d’un combo comme Gojira, sans équivoque, pendant l’attaque de « Blessed Be The Fools ». Ce sont ces changements de tonalité qui renforcent une structuration semi-fondée de l’écriture de la chanson, ne serait-ce qu’en laissant une certaine place à la liberté pour certains des légers problèmes d’identité du groupe. Ce sont ces moments qui créent un niveau de disparité entre la grandeur et la médiocrité moyenne, une ligne qui n’est pas si facilement définie dans le death metal moderne. Wolves Among The Ashes n’est pas si facilement assimilé à l’une ou l’autre de ces deux foules, car ses récompenses proviennent d’écoutes répétées. La trajectoire de carrière de Svart Crown a montré de nombreuses indications que l’album s’appuierait sur les attentes souvent mal placées et élevées par Abreation et pour cela, l’effort de Svart pour 2020 est un pas important dans la bonne direction. Dans l’ensemble, Svart a apporté une base de sorties passées et a progressivement resserré l’emprise sur un paysage sonore désormais intéressant et semi-fondé – rendu réel par quelques défauts intrinsèques qui demeurent non substantiels.

***1/2


Revel In Flesh: « The Hour of the Avenger »

5 janvier 2020

Les formations de death metal sont nombreuses et elles puisent leur inspiration chez les grands anciens pour régaler les plus jeunes. Revel In Flesh nous vient d’Allemagne et ne cache ni ses influences ni ses intentions. C’est bien, comme ça chacun sait où il met les pieds et il est inutile de s’attarder sur le côté peu original d’une telle entreprise ; personne n’est là pour ça. The Hour of the Avenger est le cinquième album du groupe ce qui lui a donné le temps de peaufiner son style et déterminer ce qui lui va le mieux au teint.

Un album qui bénéficie d’une production Dan Swano, ce qui n’est pas anodin ; le style est assez proche de ce que pouvait proposer Edge Of Sanity en son temps… ou Bloodbath dernièrement. Soit un death rétro, puissant, tranchant et mélodique, plus mid tempo qu’effréné et plutôt bien ficelé. <le disque se consomme sur place, sans vraiment penser au lendemain. Ni à la veille donc. Plaisir sans conséquence, mais plaisir quand même.

***


Urschmerz: « Misery Plan »

11 décembre 2019

Ces sept titres d’Urschmerz (qui se traduit, comme il se doit, par Douleur Primale) nous ramènent aux fondements du genre industriel – bruit massif, attaque cinglante qui va au-delà même du black/death metal, explosion nucléaire torride qui non seulement menace de vous arracher la peau mais qui est sur le point de le faire. C’est à cela que ressemblerait l’Enfer ; massacre et guerre industrialisés, torture et haine institutionnalisées, douleur et agonie illimitées.

Le premier morceau, « Hate » ne se préoccupe pas des introductions, mais plutôt de la jugulaire sonique dès le départ. Des détonations granuleuses, des réacteurs à plein régime et une ligne de basse bouillonnante se posent sur vos genoux, puis s’agrippent à vos oreilles et refusent de lâcher prise. Le rythme est implacablement malveillant, ne se relâchant jamais jusqu’à ce que vous soyez submergé. C’est une guerre chaotique et totalement irrépressible. La deuxième plage, « People », s’empile sur la colère et l’agonie, ce qui nous alourdit de misanthropie noire, un souffle froid de vent pâle soufflant des profondeurs d’une fosse profonde, pour être suivi par une sorte de bête mécanique qui surgit rampant. Sa seule intention est la ruine, la décimation et l’anéantissement. Elle se nourrit de notre peur, de nos os écrasés et de notre chair déchirée, et se repaît du sang qui coule dans des ruisseaux jaillissant qutour de nous.

« Deny » sera cet autre assaut, sonduit par une basse granuleuse qui s’oppose à ce qui sonne comme une flûte solitaire, qui se transforme peu à peu en musique orchestrale et en chœurs, qui s’impose comme une solide vaguelors d’un grain de tempête, insistante et écrasante, destinée à écraser et à étouffer les derniers vestiges de la culture ou la bienséance. Il s’agit d’une armée, non pas de soldats, mais de la nature infernale qui nous jette tout son poids de solidité sismique et granitique. Il n’y a vraiment rien que nous puissions faire face à cette agression.

Vient ensuite la naissance, un gigantesque bourdonnement qui gronde et sur lequel sonnent des clochettes, encore une fois avec plus qu’une bouffée d’agitation chaotique, un portrait peut-être de ce que nous appelons la vie cancéreuse à laquelle nous nous accrochons tous si désespérément comme si elle avait un sens. La thèse telle que qu’on peut la lire est que la vie n’a pas de sens, qu’elle n’est en fait qu’une mer sans fin de souffrance et de dégradation : si elle a un sens, alors c’est sûrement que tout cela n’est qu’une blague de malade qui nous a joué des tours, et pourtant personne ne rit.

« Reject » s’inscrit dans une vague de tambours industriels et tribalistes à l’ancienne, un appel massif à tourner le dos à la vie que nous nous sommes créée pour nous-mêmes afin de nous convaincre que tout ce que nous faisons a un but. L’attaque de guitare se faufile dans et hors du rythme battant, ajoutant encore plus d’essence à un feu qui brûle depuis des temps immémoriaux. De plus, ce n’est pas le genre de conflagration que nous pouvons maîtriser de sitôt. « Life » suit rapidement, une détonation atomique du son et de la commotion cérébrale accompagnée d’un assaut de guitare de la taille d’un bataillon, pulvérisant et broyant le tout en poussière et en atomes. C’est à cela que ressemble la vie – un monstre qui veut écraser et piétiner, réduire chaque constituant en particules insignifiantes, réduire nos espoirs et nos rêves à néant, nous maudire de douleur et de chagrin, et se moquer de nous tout le temps. Une fois que tout s’est effondré et est devenu poussière, que reste-t-il ?

« Death » semble être la réponse d’Urschmerz. Si la vie est la question, alors la mort est peut-être la réponse, mais est-ce que cela résout quelque chose ? A en juger par les accords déformés et acides de la guitare d’Urschmerz, la réponse est probablement qu’elle sera plus ou moins la même, sauf sur un tout autre plan. La pression de la vie est apparemment accrue dans la mort, une existence sans lumière, sans air, qui subsume l’esprit humain et le soumet à encore plus de douleur et d’agonie qu’il n’a enduré dans la vie. Enfin, bien sûr, la chute de la plaisanterie a été révélée – la souffrance est suivie de près par d’autres souffrances jusqu’à ce que la substance de l’âme elle-même se dissolve dans la nuit éternelle du Rien.

Un album sombre donc, comme il se doit pour un ensemble de sept pièces délimitant la réalité de l’existence sombre qui est notre lot sur Terre. On ne peut nier les qualités inhérentes à ce communiqué : la puissance et le poids de l’argument, l’absence de tout ce qui ressemble de près ou de loin à la lumière (et par extension, l’espoir), l’inutilité totale de tout ce que nous faisons en tant qu’espèce pour nous faire sentir et apparaître importants. Il s’agit d’une vaste sommation de l’homo sapiens en tant qu’espèce, et en sept abattages, il détruit systématiquement toutes les prétentions. Cela dit, c’est un album magnifique dans son nihilisme transparent et absolument glorieux dans son rejet total des exploits et des triomphes que l’humanité a l’habitude de vanter, mais qui met à nu le vide au cœur de ses prémisses. Mieux encore, c’est la philosophie contenue dans son message caché :

Détester les gens, nier la naissance, rejeter la vie. Embrasser la mort. Pour coeurs, (ceux qui en ont) bien accrochés

****


Der Himmel Über Berlin: « Chinese Voodoo Dolls »

27 octobre 2019

Avec ce nouvel album, leur quatrième, Der Himmel Über Berlin ont affiné leur style. Loin des flamboyances du rock gothique à la Corpus Delicti (ou plus récemment les Nairod Yarg) et à quelques encablures des lamentations batcave (Cinema Strange), ils ont choisi le son death rock, dans la lignée des deux premiers Christian Death.
Alors que ce genre tourne parfois en rond, Der Himmel Über Berlin réussissent à lui donner du souffle et, en conséquence, à se donner un visage bien plus identifiable que surses précédentes livraisons. Les sept titres de cet opus (et un interlude, « Fogmachine ») sont variés sur le plan musical et mélodique. Si la voix de Teeno Vesper a ses propres limites (inhérentes aussi au genre, mais les différentes approches et les sursauts de rage lui donnent un écho particulier – écoutez par exemple les prouesses sur « Sister Paranoia »), les compositions, elles, tiennent cette fois bien haut le flambeau.
Les effets parsèment le disque, comme le placement d’un sample, ou la multiplication des pistes, ce qui donne de la réussite à « Totentanz », proche des débuts de Morthem Vlade Art.

L’ajout de chœurs féminins et un nappage synthétique apportent de la profondeur quand il le faut (« Salvation ») alors que la basse sait se faire bien plus enjoliveuse, puisant dans le goth-rock ce qui se faisait de mieux (lancement de « Revenge » avant mise sur orbite). Plus frontal, le groupe porte de nombreux masques et réussit à faire sonner un vers pourtant déjà bien inscrit dans les mémoires (« Dead Bodies Everywhere »).
« Too many Voices »est un titre que l’on jurerait écrit il y a trente ans. Élégant et racé, il emmène loin, rappelle fortement Rozz Williams ; ce n’est pas un hasard s’il a été choisi pour clore l’album et donner envie de le remettre en lecture. Le démarrage avait été bien agressif avec « Blind Empire », guitares qui accrochent, gimmicks énervés pour amener et ponctuer le refrain. Der Himmel Über Berlin réussissent sacrément bien, là où les Eat Your Make Up peinaient autrefois à installer cette stabilité dans le haut niveau. Démonstration faite : cette fois, c’est du tout bon.

****


Illdisposed: « Reveal your Soul for the Dead »

24 septembre 2019

Voici une formation de death metal dont il ne reste pas grand-chose par rapport à la mouture originelle, mais qui continue à pondre des albums carrés et classiques avec une régularité exemplaire. Les Danois en sont donc à leur quatorzième album. Pas énormément de changements au programme, on retrouve ce death limite thrashcore aux riffs bien groovy et mélodiques, oeuvrant le plus souvent dans un registre mid tempo.

Reveal your Soul for the Dead ne va pas vous rendre ivre de plaisir, mais il vous fera passer un moment agréable et s’écoutera sans déplaisir Le style du groupe n’a certes pas bougé d’un iota, il n’y aura donc ni bonne ni mauvaise surprise aà un programme qui n’en était pas un.

***


Knocked Loose: « A Different Shade Of Blue »

26 août 2019

Quand le premier album de Knocked Loose, Laugh Tracks, est arrivé en 2016, il a donné même aux fans de death metal les plus allègres et alertes une bonne excuse pour terasser l’interlocuteur sans culpabilité ni gène tant les sons hardcore du combo jaillissaient avec une fluidité rarement égalée.

S’il en va de même pour A Different Shade Of Blue, le deuxième album du groupe, et c’est pour cette raison que le groupe n’attirera sans doute pas de nouveaux admirateur tant cette collection de titres véhéments de moins de quarante minutes reproduit exactement les schémas du « debut album ».

Bien sûr, des morceaux comme « Trapped In The Grasp Of A Memory » et « Mistakes Like Fractures » et une atmosphère sinistre émulant les guitares tronçonneuses façon Slayer Mindsnare et Hatebreed donneront plaisir à qui cherche ce type de récréation mais ce sont surtout les participations extérieuress d’Emma Boster (Dying Wish) sur » A Serpent’s Touch » et de Keith Buckley (Every Time I Die) sur » Forget Your Name » qui fonctionneront le mieux.

Fondamentalement, bien que des coupures comme « In The Walls » et « ….And Still I Wander South » soient bonnes en soi, elles ne sont que les révélateurs du problème plus large de ce dique qui voit Knocked Loose ne rien y exploiter de nouveau.

***