Fitz & the Tantrums: « Let Yourself Free »

13 novembre 2022

S’il y a une chose que Fitz & the Tantrums savent faire, c’est créer des hymnes pop-soul accrocheurs qui ressemblent à des publicités pour eux-mêmes. C’est cette énergie positive qu’ils apportent à leur cinquième album, Let Yourself Free. Depuis More Than Just a Dream, sorti en 2013, le groupe de Los Angeles (dirigé par le chanteur Michael Fitzpatrick) s’est éloigné de l’ambiance Motown excentrique et enregistrée à la maison de ses débuts. La transformation a atteint son apogée avec « Handclap » en 2016 un titre incontournable qui fonctionnait à la fois comme une déclaration de la capacité du groupe à écrire un hit et comme une menace un peu ironique. Avec Let Yourself Free, ils conservent tout ce savoir-faire pop grand public tout en réussissant à ramener les choses à leurs humbles débuts R&B. Annoncé plusieurs mois auparavant par le single estival « Sway », l’album est le meilleur mélange stylistique du groupe entre leur style néo-soul des débuts et la dance-pop lisse qu’ils ont adoptée.

Parmi les premiers, « Silver Platter » et « Steppin’ on Me » sont les plus proches de l’ambiance intime et moite des fêtes universitaires des années 60 des débuts du groupe. Ce sont des morceaux mélodiques, dignes de se pâmer, où les voix chaudes des chanteurs Fitzpatrick et Noelle Scaggs sont noyées dans une réverbération élastique et des accents de guitare R&B spectraux. On retrouve également les intimités du New Jack Swing des années 90 sur « Is It Love », où Fitzpatrick s’encadre d’une mer croonante de ses propres chœurs multipistes, comme une version clone de Boyz II Men. La funky « Moneymaker », le piano « Heaven » et le romantisme synthétisé de la dance-pop des années 80 « Big Love » sont plus en accord avec le talent du groupe pour écrire des chansons pop accrocheuses, dignes d’une bande sonore. Fitz & the Tantrums savent exactement ce qu’ils font, et Let Yourself Free est un album pop confiant, sans excuses, qui a toujours une âme.

***1/2


Drama: « Dance Without Me »

20 février 2020

Drama est le nom d’un projet parallèle mené par un duo composé de Na’el Shehade et Via Rosa. Shehade est le producteur derrière la musique, tandis que Rosa chante et écrit. La richesse de leurs origines et de leurs cultures respectives contribue à influencer leur art. L’objectif de Drama est de s’assurer que chaque chanson qu’ils publient est dansable. 

Leur dernier projet est, à cet égard, intitulé Dance Without Me. Il commence sur une note agréable, avec le morceau « 7:04 » qui affiche le côté plus doux de la pop, avec un rythme lent hypnotique et des percussions silencieuses. « Years », a chanson qui suit, est un peu plus optimiste, mais elle conserve la sensation mélancolique du morceau précédent, soulignée par l’écho des voix et un message sombre de type « ven in death/ I hope you’ll know I was here for you » (même dans la mort/ j’espère que vous saurez que j’étais là pour vous). 

Les deux premiers « singles » de l’album sont « Hold On » et « Gimme Gimme » qui mettent en avant le son dance-pop dont le duo est fortement influencé, avec des paroles répétitives associées à des mélodies accrocheuses. « Gimmie Gimmie » en particulier a un côté old school des années 80, mêlé aux sons de synthé actuels qui rappellent sans aucun doute le côté plus tendance de l’indie-pop.

Un morceau qui se démarquera un peu du reste sera « Good For Nothing » qui chevauche en parfait équilibre entre les éléments électroniques, l’influence des années 80 et la pop lunatique actuelle avec un chant émotionnel et des paroles vulnérables mais attrayantes comme « There’s nothing better than a good love letter to confess/ and I thought there was nothing left » ou « I used to dream of falling in love/ I had some dark, strange fantasy of/ finding the one »( Il n’y a rien de mieux qu’une bonne lettre d’amour à confesser/ et je pensais qu’il n’y avait plus rien) et (Je rêvais de tomber amoureux/ j’avais un fantasme sombre et étrange de/ trouver l’âme soeur).

Le projet se termine sur une note de piano avec le titre éponyme, « Dance Without Me » » et bien qu’il ne partage pas la qualité dansante de certaines autres, c’est le morceau qui a le plus de touches R&B et même jazz dans la voix et les styles rythmiques qui y alternent  Dance Without Me est un bon mélange de chansons faciles et accrocheuses, mais aussi sombres et profondes. Drama explore un côté plus doux et plus déchirant de la dance-pop ; des paroles tragiques, des émotions tristes masquées par des airs envoûtants et entraînants.

***1/2


Mika: « No Place In Heaven »

20 juin 2015

On ne peut nier à Mika ce don pour réaliser des « singles » immédiatement addictifs d’autant qu’ils sont servis par une voix avec laquelle il peut tout faire que ce soit du Sparks ou du Queen.

C’est sans doute pour cette raison qu’on est en droit de demander de lui un album, son quatrième, qui ne sonne pas comme un recyclage des recettes passées. On peut considérer qu’être juge à The Voice en France ou The X Factor Factory chez nos voisins transalpins aurait pu représenter une possibilité d’ouvrir son horizon musical ; que nenni.

Il est évident ici que ce que l’on subodorait sur le précédent album est exact : Mika n’a pas la vision qui lui permettrait d’évoluer comme Sparks ni la versatilité de Fredie Mercury ; Mika est un excellent « entertainer » c’est déjà appréciable si on est capable de se mouler à ses gesticulations théâtrales.

De cet album on ne retiendra qu’un « Ordinary Man » où une profondeur à la Rufus Wainwrght se fait jour ; quant au reste cela demeure tout sauf une collection dans laquelle Mika s’est lancé des défis artistiques.

**1/2


Calvin Harris: « Motion »

5 décembre 2014

Itinéraire particulier que celui de Calvin Harris puisque celui-ci est passé de phénomène electro-house d’avant-garde à celui de producteur « mainstream » du label EDM. On y ajoute quelques indiscrétions révélées par les tabloïds et il est ainsi devenu une figure en vue de la scène pop. Musicalement sa formule est instantanément reconnue : beats basse/batterie militaires en 4/4, textes assez sordides sur le désir, mélodie syncopée au synthétiseur et l’inévitable crescendo rythmique aboutissant soit à un brusque silence, soit à une version en surmultipliée du chorus. Quand cela fonctionne, ces formules sont de la pure dynamite au même titre qu’un solo de guitare et des refrainsrepris en coeur dans des concerts de rock.

« Blame » en est un exemple sur Motion, son quatrième album. On y trouve un brusque saut d’un octave vers le haut de Jon Hewman aux vocaux et ce qu’on pourrait qualifier de contrepoint dans le pré-chorus final. Ce sera une belle instance de sophistication dans un style qui met surtout en avant la force brute.

Malheureusement ce délice pour les oreilles ne sera que sporadique. « Faith » ouvre le disque de manière flasque et la cadence d’accroche sur « Outside » est du déjà entendu et sans aucun charme par rapport par un « Good Time » de Carly Ray Jespen qu’il semble reprendre ici. Mentionnons un inaudible « Open Wide » avec ses textes sur la fellation maladroits et de mauvais goût.

Reste toutefois la faculté que possède Harris à revenir à ses penchants electro retro tels qu »on les avait découverts sur I Created Disco en 2007. L’album devient alors moins prévisible et Gwen Stefani apporte une touche vintage cool « Together ». « Pay To God » semblera, certes, plagier A Flock Of Seagulls mais il possède une identité discernable qui le distingue du reste de Motion. De la même manière, « Slow Acid » ne pourra que susciter la nostalgie d’une époque où les raves n’étaient pas encore sponsorisées par Budweiser même si Harris ne pourra s’empêcher de lui donner une tournure radio-friendly et d’en ôter toutp iment.

Motion est un disque en demi-teinte, et ne représente en aucun cas un mouvement vers l’avant.

**


Faber Drive: « Lost In Paradise »

12 septembre 2013

Faber Drive est un combo pop-punk canadien dont une des démos a attiré l’attention de Joey Moi, le producteur de Nickelback au milieu des années 2000. Un peu comme Good Charlotte, le groupe a un répertoire composé de chansons pop « radio friendly », aux percussions puissantes et aux riffs accrocheurs et en légère distorsion mais qui n’arrivent pourtant pas à dissimuler le côté sirupeux.

Leur deuxième album, Seven Second Surgery, leur a permis d’atteindre le Top 40 en 2007 et Lost In Paradise peut être perçu comme une suite logique à leur évolution. Celui-ci va, en effet, s’éloigner de manière significative de leurs racines « punk commercial » pour mettre en place des sons électroniques orientés vers la dance ou la synth-pop des années 80. La production va être typique de la dite période, gros son et gros budget, comme va l’indiquer le titre d’ouverture, un « Set It Off » qui semble comme introduire une « party ». Tout va ensuite enchaîner les clichés electro-pop : vocaux fragmentés, chorus festifs et même un vague dubstep. « Candy Store » brisera un peu cette recette en démarrant sur une guitare acoustique avant que le rappeur Ish ne se mette à réciter une liste invraisemblable des sucreries. On se retrouve alors dans une routine quelque peu ennuyeuse ; celle de la pop triviale et ronronnante façon Train ou Jack Johnson.

Au final Lost In Paradise se résumera à un nombre conséquent d’hymnes disco-dance (« Dead On The Dancefloor », Don’t Stop ») dont la verve heavy pop a disparu. Même s’il ne s’agit que de baisser les guitares au profit des synthétiseurs, l’effort semble trop clinique une fois que le clinquant de la production a disparu pour ne laisser place qu’à des morceaux interchangeables.

★★☆☆☆

Foals: « Holy Fire »

16 février 2013

Foals avait créé le buzz, du moins en Angleterre, avec leur premier album Total Life Forever. Le problème pour ce groupe indie dance rock est qu’ils sont maintenant soumis à ce démon qui est l’attente, ou du moins ce qui est attendu d’eux. Le défi n’était pas trop de se renouveler sans trop changer mais plutôt de justifier, avec Holy Fire, l’accueil qui avait été réservé précédemment.

Il est certain que le groupe a souhaité se transformer et, même si, le groupe décrit l’album comme « un machine brutale et à dix jambes », la couverture représentant un cheval et son cavalier dans le couchant dément son propos.

« Prelude » qui ouvre Holy Fire se consume lentement et donne un ton qui va être généré sur tout l’album. Loops de guitares, basse ronflante qui passe peu à peu de ce statut à un volume plus prononcé et une accélération de tempo ; ce procédé du mesuré au bruyant va ainsi zébrer le disque qui de distortions et de fuzz (celles qui vont interrompre les gentilles japonaiseries introduisant le morceau« Inhaler »), qui en hymne disco (un « My Number » qui pourrait bien être une pièce de résistance en concerts.)

Si le groupe s’attarde sur de tels schémas sur « Everytime », il y introduit es arrangements sont plus subtils et pop. « Late Night » suivra le même chemin avec un clavier cotonneux et les vocaux peu appuyés de Yannis Philippakis et, si référence à la vie nocturne il est, ce sera à celle des soirées tranquilles plutôt qu’à celle, lascive, des dance-floors.

Foals a voulu affirmer son identité et l’affiner. On retrouvera donc des synthés rugissants (« Milk & Black Spiders »), des plongées vers l’extrême (le chaos organisé de « Providence ») et des titres plus « downbeat » (« Stepson »).

Terminer sur le minimaliste « Moon » intervient comme un anti climat ; si Foals est prometteur ce « sophomore album » ne justifie en rien l’attente qu’il avait provoquée !

★★★☆☆

Ra Ra Riot: « Beta Love »

23 janvier 2013

Avec Beta Love, les New Yorkais de Ra Ra Riot rejoignent les rangs de ces jeunes musiciens pop et madrés développant un goût prononcé pour la musique synthé des années 80. Les deux premiers albums du combo combinaient rythmes dynamiques, cordes rêveuses et voix la douceâtre et haut perchée de Wes Miles pour produire des refrains légers, au ton plaisant mais inoffensifs. Les choses changent substantiellement ici car les guitares sont quasi inexistantes et les violons, traficotés allez savoir comment, ne servent que de toile de fond à une musique phagocytée par les claviers.

Il en va de même des vocaux qui semblent « bénéficier » des mêmes améliorations studio que les cordes renforçant ainsi la nature électronique proposée par ce mixage. Le résultat en est un disque gai mais peu chaleureux, au son maniéré s’efforçant de donner une atmosphère entraînante. Il y parvient parfaitement si le but était de s’adresser au « mainstream » et de proposer une musique servant de décor sonore à des journées shopping dans les centres commerciaux. 

Beta Love n’a donc même pas l’originalité d’un Passion Pit qui, au moins, proposait une vision de monde empreinte de sensibilité. Il confirme, en fait, que Ra Ra Riot n’a pas réellement conscience de de qu’il est mais, alors que le mariage initial des vocaux et des cordes produisait auparavant une once d’humanité, ce passage au digital ne fait qu’accentuer la côté robotique du groupe (témoin l’ouverture « mécanique » que constitue un « Dance With Me » révélateur). Ra Ra Riot veut se faire pourvoyeur de « hits », mais en souhaitant plaire à tout le monde, il ne touche personne.

★½☆☆☆