Il y a quelque chose très évocateur chez Blut Aus Nord, peut être ces structures de chansons assez classique, longue, progressive, mélodique. Des guitares saturées à l’extrême en brouillard noisy dans le fond, une batterie qui se la donne double pédale et rythmiquement en arythmie, quelques claviers cold wave et un chant fantomatique qui véhicule malaise. Sans compter une guitare soliste en roue libre qui donne le meilleurs d’elle même.
Il y a, à cet égard, quelque chose de parfois malsain à se laisser perdre dans l’écoute du disque, il y à quelque chose de dérangeant qui semble poindre à la surface, au détours d’un morceau.
Cet opus est bizarrement addictif, d’ailleurst personne ne saurait mettre en défaut ces sept morceaux (d’en moyenne plus de six minutes). ils sont escessivement bien composés et construits, sans temps morts, et ça ne devient jamais du black métal qcomme on entendrait souvent ailleurs. Les ambiances sont nrassées, même si parfois elles ne le sont que brièvement, ; Hallucinogen est un opus très réussi, à condittion de se mettre dans les bonnes dispositions mentales… et non simplement musicales.
Helvegr, du groupe allemand Donarhall est construit, selon l’aveu des compositeurs, comme la lecture de huit poèmes ( en huit pistes cqfd) ou le chant s’efface pour laisser place à une musique total faites dans le but avoué de stimuler l’imagination de l’auditeur.
Cela évoquera selon les personnes bien des choses différentes, tant la palette musical est riche. Certain y verront les grands espaces naturels, immaculés, préservés de la souillure de l’homme, et d’autre peut être y verront de la violence, du désespoir ; euphémisme qui souligne que c’est loin d’être joyeux.
Finalement, là ou Donarhall aurait pu sortir un énième disque de black métal, honnête, correct mais insignifiant le fait de laisser le chant s’effacer permet de laisser un blanc que doit combler l’auditeur, ce qui est la force de l’album. En stimulant l’imaginaire, on touche à ce qu’il y a de plus noble dans ce type de musique, offrir une main tendu à l’interprétation.
Suffit-il que cinq ou six groupes habitent le même pâté de maisons pour faire une scène ? On vous laisse réfléchir à la question. Toujours est-il que la récurrence du terme Brooklyn black metal, apparu dans le sillage de Krallice et Liturgy il y a une dizaine d’années, interpelle. Si l’on considère que tout épithète est un entre-soi, on y verra, à demi-amusé (ou pas), une forme de réaction symétrique à la grande famille des groupes étiquetés Cascadian black metal, sévissant pour leur part dans les verts recoins du Northwest. Les apôtres de la permaculture d’un côté, les exégètes du posturbanisme de l’autre. Maintenant que la caricature est posée, nous pouvons centrer le propos sur Yellow Eyes, qui peut-être ne se réclament pas eux-mêmes de l’école de Brooklyn, et après tout, who cares, n’est-ce pas ? Ce qui est vrai, c’est que le groupe appartient à une petite galaxie de projets ayant pour dénominateur commun le guitariste/vocaliste Will Skarstad. On citera Sanguine Eagle et Ustalost pour les archives, et aussi parce que les deux valent largement le détour. S’ils développent des propos et des esthétiques différentes, les groupes de Will Skarstad se rejoignent naturellement sur certaines bases, la première étant un son de guitare à la fois ultra écorché et lumineux, comme enveloppé d’un halo de cuivre, propice à éveiller une impression de mystère et de grande ancienneté. Ce son typé est constitutif de Rare Field Ceiling, comme avant lui du très bon Immersion Trench Reverie (2017).
Dans cette même lignée, Yellow Eyes s’affranchissent en totalité d’une gestion alternée des temps. Leurs morceaux ne repassent jamais deux fois au même endroit, obligeant l’auditeur à renoncer aux repères « classiques » et à raccorder son attention aux virages imposés pour ne pas se laisser décrocher. Par chance, la variété est au rendez-vous et ménage de nombreuses respirations, lesquelles compensent de façon salutaire les parties rageuses où le groupe donne tout, sans édulcorer quoi que ce soit, derrière les sermons criards de Skarstad. Le mot « sermon » est à dessein car un fond spirituel anime l’œuvre de Yellow Eyes, sans la prendre en otage – on est heureusement loin des rengaines liturgiques omniprésentes d’un Batushka. Cette présence du mystérieux, déjà mentionnée dans les guitares, prend aussi la forme de passages atmosphériques traversés de cloches, ou encore de beaux extraits de chants populaires slaves qui, adroitement fondus dans une matière ambient, rappellent la poétique paysanne des films de Béla Tarr. Pour le petit vernis d’authenticité, ajoutons que ces chants de femmes ont été, sauf fake news, enregistrés par Skarstad lui-même lors d’un voyage en Sibérie. Au smartphone quand même, la perfection n’est pas de ce monde. Abrité derrière un concept difficile à décrypter (les amateurs de symboles seront aux anges), Rare Field Ceiling est un album épique au sens noble, à la fois intimidant par son côté sérieux et progressif, et hospitalier pour qui viendra juste se repaître d’une musique créative en diable. D’évidence il ne prendra jamais une ride.
Aoratos est le projet de la tête pensante de Nightbringer, l’américain Naas Alcameth. Au sein de celui-ci, son but est clairement de redonner une légitimité au terme black metal. En effet, beaucoup de formations du genre privilégient la brutalité, la sauvagerie, la haine chevillée au corps. Aoratos, lui, a d’autres projets, plus extrêmes. Il se propose de ramener l’indicible horreur, la répugnante noirceur au coeur du genre. Gods Without Names est un tout. Black atmosphérique, black cru, dark ambiant s’y conjuguent, et si les ambiances sont prépondérantes, groupe n’hésite pas à jouer de silences, de stridences et, à placer ça et là hurlements d’effroi pour qu’on ne puisse oublier d’où il vientet comment il tire tant de titres malsains, voire bestiaux.
Ainsi, Aoratos parvient sans peine à instaurer un climat de haine et de terreur au travers de ses neuf compositions. On ne peut que féliciter Debemur Morti, le label du combo, d’être parvenu à déceler le talent chez des formations qui, certes, ne sortent pas de nulle part, mais ne se contentent plus de singer leurs condisciples et ont une vraie passion pour le genre qu’ils servent. Gods Without Names est une véritable réussite, un retour aux sources de ce que représente le black metal : un genre en-dehors de toute convention, musicale et humaine, centré sur tout ce qu’il y a de plus noir chez l’homme, parvenant sans mal à réveiller les forces obscures pour l’assister et les exorciser.
Gardsghastr est un super groupe de black metal formé de membres d’autres combos du genre ; Bekëth Nexëhmü et Chaos Moon qui sont respectivement suédois et américains.
Il a son propre style ; un black symphonique qui doit pas mal aux nineties.
Cela se métérialise par des curseurs placés différemment où ce qui sautera aux oreilles sera ratranscrit par des riffs et une vois noyés sous les claviers.
Le côté épique, occulte et majestueux s’en trouve renforcé mais l’impression générale est c’elle d’un brouillon, d’un fouillis sonore artisanal, bref de recherche encore en hachère.
Cela reste quand même assez bien ficelé, assez en tout cas pour qu’on s’accroche et qu’on souhaite mener l’écoute à son terme.
Se dégage aussi de cet opus une certaine forme de désespoir glacé, et de terreur ; il est en effet à noter que le côté atmosphérique est assez développé aussi, et il règne donc ici un équilibre certes fragile et qui ne conviendra peut-être pas à tout le monde, mais bien palpable. On peut bien entendu parfois penser à des formations comme Vinterriket ou Darkspace, soit des groupes qui allient une certaine exigence mélodique avec un esprit résolument black metal. On ne s’en plaindra pas ; Slit Throat Requiem fonctionne très bien, et pourrait même faire sensation dans le genre.
Sur son album éponyme en 2016, Nordjevel faisait la démonstration d’un black cru et intense ; avec Necrogenesis la même approche est de rigueur, mais un cran au-dessus. Les riffs, le chant, les rythmiques semblent redoubler de puissance. Et on ne va pas s’en plaindre. Certes, le genre développé est très classique, déjà entendu des dizaines de fois au travers des travaux de Setherial, Dark Funeral, Marduk ou Watain mais, en même temps, on trouve ici l’ex batteur de Dark Funeral capable d’en rajouter encore un peu plus dans l’outrance.
Impossible de ne pas adhérer à des titres comme « Panzerengel » qui conclut l’album comme pour témoigner de la marge de progession et de créativité rehaussé d’ambiances au clavier et de parties techniques qui transfigurent le titre. Bien sûr, rien ici n’est du domaine de l’inédit mais cela cela rend toutefois cet opus imparable et plein de promesses pour un avenir qui s’annonce noir et glacial à souhait.
Deuxième album pour les américains Vanum. Le duo pratique un black metal atmosphérique qui s’inspire autant de la scène américaine qu’européenne. Il faut dire que ses membres ne sont pas les premiers venus, et pratiquent leur art au sein de nombreuses formations couronnées de succès au cours de nombreuses années. Et ça s’entend. Sur ce disque, Vanum sait parfaitement où il met les pieds. Il emploie les bonnes méthodes pour parvenir au bon résultat ; un black qui mélange des éléments épiques, crus et atmosphériques. Tout ça est complété par une voix déchirée et des accalmies assez doom, mais rares.
Le résultat ? On ne s’ennuie pas une seconde au sein de ce « Ageless fire » qui pourtant n’use que d’effets et de riffs connus et reconnus. Puissance, mélodie et intensité se bousculent au sein de six titres aux durées très diverses ; on passe de moins de deux minutes (le dernier titre est une outro, ok) à plus de dix minutes, tout de même. Et des ambiances certes assez proches mais changeantes. Pour ceux qui ont découvert, ou qui découvriront, le premier album « Realm of sacrifice », il y aura peu de surprises. Le groupe est tout de même parvenu à resserrer son propos, et à le rendre un peu moins typé black metal, sans pour autant rogner sur sa personnalité, ce qui est bien joué.
Cinquième album pour les allemands Downfall Of Gaïa. Depuis leurs débuts, le groupe s’est démarqué en proposant un post black atmosphérique teinté de post hardcore et de sludge. Alors non, ce n’est pas un mélange inédit, mais il s’avère suffisamment maîtrisé pour s’attirer les faveurs du public. Et petit à petit, le combo apprend à affiner ses qualités, approfondir ses ambiances, varier le tempo, intégrer des influences nouvelles, ou au contraire en gommer d’autres. Bref, Downfall Of Gaïa vit, évolue, et sa musique ne perd pas en intérêt, bien au contraire.
Cet Ethic of Radical Finitude en est une preuve de plus. On y trouve des riffs hérités du black metal, des voix black et cassées, des parties atmosphériques, des soli heavy, de longs titres fragmentés. On y trouve aussi de la beauté, du désespoir, de la haine, de l’intensité. Tout ça concourt à en faire un disque aux intentions et sentiments bien calibrés avec une profondeur et une variété qui sont des atouts considérables et garantissant, ainsi, des réécoutes successives sans que l’on ne se lasse.
La Transylvanie a été une source d’inspiration inépuisable (tout comme les Vikings et la mythologie nordique) pour les groupes de Black Metal, en terme d’occultisme et de mysticisme. Alors, quoi de mieux que d’être originaire de cette région quand on pratique ce style de musique? Niveau crédibilité, Ordinul Negro qui vient de Timisoara, n’est pas attaquable. Actif depuis 2006, ce n’est que maintenant, avec Faustian Nights, que loisir est donné de se pencher sur l’œuvre de la formation roumaine.
Le combo propose un Black Metal assez traditionnel, avec sa dose d’agressivité et de noirceur, tout en ne faisant pas l’impasse sur un léger aspect mélodique. L’influence de De Mysteriis Dom Sathanas de Myhem est très nette, par exemple sur l’ouverture du disque, ou bien l’intro de « Faceless Metamorphosis ». Quelques riffs en forme de nécrologie viennent jeter de l’huile sur un feu qui ne demande qu’à s’enflammer.
Ajoutons quelques éléments disséminés avec parcimonie pour apporter juste ce qu’il faut de variété, et, même s’ils ne sont pas des plus originaux, ils sont employés avec savoir-faire: du chant clair sur « The Apocalypse Through a Hierophant’s Eye », une rythmique vaguement tribale (« Faceless Metamorphosis ») ou un discours déclamé en toute fin de disque. Si on ajoute à tout cela une production idéale pour le style, à savoir avec un équilibre parfait entre clarté et cendres, on obtient un album, à défaut d’être référentiel, est aussi solide que les racines des monts des Carpates.
Il y a quelques années, alors que Winterfylleth foulait ses premières scènes, on découvrait en lui un nouveau chantre du black metal épique et atmosphérique. En fait, on y a très vite perçu une certaine bipolarité ; entre le black atmo et le dark folk, le groupe avait du mal à choisir. Cinq disques plus tard, il semble que le combo anglais a fait un choix. En effet, ce sixième album marque la totale absence des riffs et du chant black metal, pour se concentrer sur un style qui se rapproche beaucoup plus d’une dark folk mélancolique, poétique et d’une beauté simple mais touchante.
L’instrumentation riche en outils acoustiques, rehaussée de quelques claviers et choeurs épiques. Assez généreux, Winterfylleth nous en sert quasiment une heure, et prend bien garde de ne pas nous assommer avec des redites d’un titre à l’autre : on appréciera la démarche mais on apprécie encore plus la manière dont sont (joliment) agencés les douze titres de cet album, belles pièces sachant autant jouer la sobriété et le minimalisme qu’user d’une orchestration luxuriante et grand angle.
Et c’est là sans nul doute la marque d’un grand pas et d’une approche et que les contempteurs du metal noir ne pourront plus nier.