Ulver: « Flowers Of Evil »

18 septembre 2020

Ce combo légendaire de par son parcours singulier sort un nouvel album, ainsi qu’un livre de plus de 300 pages retraçant son inléraire musical, Wolves Evolve : The Ulver Story. Ulver, qui signifie « loup » en Norvégien, est une formation protéiforme active depuis 1993, a d’abord proposé trois albums de black metal, puis, avec beaucoup de talent et autant d’audace, a abordé une multitude de styles – néo-folk, jazz expérimental, trip-hop, ambient, drone – pour s’orienter vers une musique pop qui vient évidemment d’autres territoires. Depuis quelques années, le pack alterne entre ces albums pop, soutenus par la voix limpide et pénétrante de Kristoffer « Garm » Rygg, et d’autres projets : bandes originales et albums instrumentaux, comme un remarquable Drone Activity sorti l’année dernière.

En dépit de sa polyvalence, les ambitions artistiques du groupe n’ont pas faibli. Dénicher le sublime, non pas en plein jour, mais, comme le dit le titre de l’un des morceaux de cet opus, « Hour of the Wolf », les dernières heures de la nuit, où le sublime et le tragique se confondent. Flowers of Evil, dans la lignée esthétique de son chef-d’œuvre, The Assassination of Julius Caesar en 2017, est imprégné de ce dessin imposant qu’ils créent à chaque fois en utilisant une variété de textures.

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Ledit nouvel album, avec ses impulsions « années 80 », est comme une anthologie d’histoires personnelles, de drames humains, avec un traitement naturaliste. Devenu maître dans l’art de relier la petite histoire à la grande, le groupe se révèle dans toute sa force grâce à un sens du récit sans pareil. Il en résulte des pièces magnifiques, riches, sérieuses et dansables, où la contemporanéité est proche des références bibliques et historiques. Deux collaborations sur l’album : la guitare et l’électronique de Christian Fennesz sur la piste d’ouverture, eOne Last Dancee, véritable manifeste de cantiques. Le funk affligé de « Little Boye atteint, lui, une délicieuse saturation, à la fin de laquelle apparaissent les cornemuses de Michael J. York de Teleplasmiste. La puissance d’Ulver rayonne bien au-delà de sa musique, au point de composer une dense fresque mythiqu dépassant de très loin sa propre ibdentité.

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Lyra Pramuk: « Fountain »

22 mars 2020

Pas de synthés, pas de batterie, pas de problème ! Cette compositrice berlinoise n’utilise que sa voix pour évoquer des chansons épiques et riches en harmonies.

Le potentiel de la technologie contemporaine à perturber les binaires – réels et artificiels, hommes et femmes, passés et présents – est exploré par un certain nombre de musiciens de formation classique. Holly Herndon a combiné une entité d’IA appelée Spawn avec le chant choral pour produire des productions orchestrales qui brouillent la distinction entre le son synthétisé et le son organique. Également enraciné dans la scène d’avant-garde berlinoise, Colin Self utilise sa voix comme interface pour explorer les relations homosexuelles. Fruit de collaborations avec Herndon et Self, le premier album de Lyra Pramuk, Fountain, est entièrement composé d’échantillons de son propre chant sans paroles, ce qui lui permet d’assumer des identités multiples et fracturées. Des notes profondes de baryton glissent dans le soprano, dans des incarnations extraterrestres, refusant de se cristalliser en une seule entité.

Ayant grandi en Pennsylvanie, Pramuk a passé son enfance dans la chorale de l’église où sa grand-mère était pianiste. Décidant de poursuivre sa carrière musicale, elle entre dans un conservatoire et maîtrise le chant de différentes manières et dans plusieurs langues. Sur les premières mesures de « Witness », les influences religieuses sont immédiatement évidentes : une réverbération qui oscille comme à travers un temple caverneux.

Le chant ancien de Pramuk est accompagné d’une ambiance fredonnant et imprégnée de techno. C’est dans cette frontière entre le cadre d’un club et le divin que Fountain prend vie. Utilisant sa voix comme un système modulaire, Pramuk suggère un rituel à la fois folklorique et futuriste.

Sur scène, Pramuk est une prêtresse posthume. L’année dernière, au festival Unsound de Cracovie, elle a présenté en première les chansons de Fountain via un système multicanal conçu par le producteur expérimental Ben Frost. Vêtue d’une robe écarlate longue, elle s’est déplacée entre le mixeur et le microphone, exécutant des mouvements de danse gracieux et hypnotiques. Impossible à qualifier d’ambient, Fountain n’en provoque pas moins l’état de transe que le genre peut induire. En son centre se trouvent les nombreuses Lyras : artiste, conteur, poète et cyborg.

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Haiku Salut: « There Is No Elsewhere »

4 novembre 2018

Haiku Salut est un trio féminin dont There is No Elsewhere est le troisième album. Privilégiant les climats instrumentaux, il s’efforce de mettre en branle notre imaginaire comme sur un « Cold to Crack the Stone » qui ouvre leur nouvel opus sur une note fantomatique, légendaire, voire mythique.

Pour cela, le groupe s’est adjoint les services des cuivres du Glastonbury Brass Atmospherics et s’est également servi d’enregistrements de la NASA pour mettre en musique les impulsions émises par la foudre.

On comprend alors que cette démarche se conjugue dans un schéma qui se veut atemporel, loops qui se mêlent à un accordéon sur « Occupy », chaleur exotique avec « Twinklr » ou mélancolie perlée de recherche mélodique, en exemple l’obnubilant « The More and Moreness ».

Pour suppléer aux textes, les onomatopées vont s’imposer ; associées aux cuivres, l’univers de Haiku Salut se fera alors impalpable et éthéré.

Le piano sur « Bow Wood »  calmera l’ambiance pour apporter sérénité, tout comme « I Am Who I Remind You Of » instrumental emblématique du « discours » des artistes. On trouvera les influences post-punk et électroniques ; on ira lorgner du côté de New Order ou, accessoirement, de Joy Division. On applaudira l’équilibre entre soubresauts tendus et marées étales et on rêvera à un salut ou à un haiku dont à la démesure de cette entreprise où l’austérité est parcourue d’émotions.


Autre Ne Veut: « The Age Of Tranparency »

11 octobre 2015
Arthur Ashin exige sans doute que l’on sache tout de lui puisque le nouvel et troisième album de son groupe Autre Ne Veut se nomme The Age Of Yransparency. Artiste toujours à l’avant garde, il concseptualise la notion que, même si (ou parce que) elle s’avère honnête, une oeuvre est intrinsèquement devenue une marchandise.

 

 

Dans sa vison idéaliste il reconnaît ainsi l’échec inévitable qu’est le désir de représenter son moi le plus profond. On ne sera donc pas surpris d’y trouver des jaillissements électroniques et le constat que nous avons avoir à ce qui est pour lui une trilogie incomplète lourdement déconstruite et semblable aux enregistrements originaux d’un vieux groupe de jazz.
La tentative consiste ici alors à exécuter une réplique de cette arificialité ; on comprend alors pourquoi la dissonance convient au musicien d’autant qu’elle représente un équilibre entre intimité silencieuse et abrasion bruitiste.
On cherchera éventuellement une transcendance sonique sans être néanmoins assuré de la dénicher.
**1/2

Post War Years: « Galapagos »

1 avril 2013

Le premier album de Post War Years, The Great And The Happenings, sorti en 2009 avait suscité beaucoup d’espoirs tant il suintait l’originalité. Quelques E.P.s plus tard, le groupe de la banlieue londonienne revient avec un Galapagos pour lequel le temps qui à été pris semble avoir conforté la démarche.

Ce nouvel opus révèle, à première écoute, une profusion de couches soniques, de samples répétés et passés au synthétiseurs, de vocaux malmenés embringués dans une cacophonie sonore qui se veut pourtant fluide et harmonieuse.

Ce technicolor musical va donc naviguer entre des ambiances onctueuses façon Foals, un feeling presque ensoleillé à la Friendly Fire sur des morceaux comme « Be Someone » ou des titres beaucoup plus bruitistes et « samplés » comme « Lost Winter ».

Bien que tout soit impeccablement produit et interprété, le problème de ce disque est qu’il ne s’installe ou ne se pose jamais quelque part.

La composition d’ouverture est, à cet égard, emblématique de l’album. « All Eyes » démarre de manière impétueuse et bravache. On a la sensation d’entendre un hymne fait pour les stades, lent mais imposant, assuré et comme inévitable par son côté pompeux sur lequel se grefferait, presque incongru, un « dubstep » appuyé et ampoulé.

Tous les styles sont ainsi accommodés, ce qui est à la fois une force et une faiblesse. La diversité fait que bien des morceaux manquent d’individualité et d’instantanéité. Même si certains restent mémorables et sont susceptibles de s’incruster voire de s’avérer dansantes, (« Vocano », « The Bell »), Galapagos risque d’être un album que lequel on ne s’arrêtera pas tant le le disque semble être fait de petits moments sans avoir de véritable apogée. Le potentiel de Post War Years est là, ne reste plus qu’à lui donner adhérence et constance, ainsi que retenue et subtilité.

★★½☆☆