Lisa Germano a toujours marché sur une ligne séparant sérénité paisible et chaos dissonant. Elle est capable de passer de l’un à l’autre simplement par son jeu de piano alors que sa voi semble ne pas en être perturbée.Quand il s’agit de la première humeur des cordes délicates et splendides enrobent alors ses compositions ; quand elle est contrite les morceaux font comme se distordre et accumuler les faussetés sous le poids de l’affliction.
Toujours, pourtant, s’exerce une chorégraphie parfaitement contrôlée, patiente comme si le fait-même d’écrire était un don qu’il ne fallait pas gâcher. No Elephants est uniquement construit sur une instrumentation dépouillée, un songwriting lucide et la production adroite et immersive de Jamie Candiloro permettant aux mots de flotter puis de déployer leur cinématographie.
Germano sera ici le plus à l’aise quand seront mises en place tensions inquiétantes, une dissection d’accords pris sur le mode mineur qui, assemblés, vont emprunter des tonalité bizarres semblant, comme s’il s’agissait de fuir, les éloigner du réel. Une fois de plus, en retrouve cette familière sensation d’apesanteur, y compris quand la fièvre est palpable.
Condiloro est alors d’une assistance fondamentale apportant sa contribution par des « loops » de percussions électroniques, une pléthore d’enregistrements pris sur le vif comme s’il s’agissait de documentaires (sonneries téléphoniques, avertisseurs, sirènes…).Bien que àça ne soit pas une nouveauté chez l’interprète, c’est la première fois que ces procéds sont utilisés à ka façon d’instruments véritables (« No Eleghants », « Dance of the Bees »). Cette dissonance est plutôt effective, fonctionnant paradoxalement quand elle est associée à la douceur d’une mandoline ou d’un piano.
À d’autres moments, Germano tente de capturer l’éphémère, par exemple sur « Snow » qui en est l’archétype. Il n’y faut pas voir pourtant une contradiction mais plutôt un approfondissement de sa « méthode ». Ces morceaux contribuent à apporter une signification à ces sensations de légèreté et d’espace que véhicule No Elephants. Il ne s’agit, au fond, que d’apporter une pause aux exaltations, un équilibre entre titres accrocheurs et compositions où Lisa Germano vise avant tout à instaurer un climat méditatif, même si ce dernier n’est pas toujours serein.
Au final, ce qui prime sera cette impression de faire une excursion ensommeillée au travers d’une brume qui jamais ne lève son voile. L’atmosphère reste en effet étale, et, même si certains titres sont moins porteurs, ile ne font que mettre en valeur ceux qui témoignent d’intensité, de ferveur ou d’arachnéen.
Le cache ne sera ôté qu’à la fin, comme s’il s’agissait de se débarrasser d’un suaire. Ce sera sur le titre clôturant No Elephants : « Stranded Bird » apportera une touche certes mélancolique mais surtout un réveil qui nous fera nous reposer sur le sol.
Depuis Magic Neighbor en 2009, Germano a encore plus affiné et décharné son style, comme si, fondamentalement, elle cherchait à se dissocier du monde. C’est une délicate recherche de la retraite qui ne peut être simulée. Le seul risque sera de s’éliminer du monde et de s’aliéner ceux qui ne la suivent pas dans cette plus grande plongée au sein de son univers.