Madrugada est un combo norvégie très populaire en son pays où il a emporté plusieurs Grammys. Formés en 1993, ils ont acquis un statut culte dans leur pays natal, ainsi qu’en Allemagne et surtout en Grèce. Les Britanniques ne les ont pas vraiment adoptés, mais ils ont néanmoins sorti leur premier long player, Industrial Silence, en 1999, un opus acclamé par la critique, avant d’enchaîner deux ans plus tard avec The Nightly Disease. En 2005, ils sortent un album live intitulé Live At Tralfamadore s’inspirant des écrits de Kurt Vonnegut et devenu l’album le plus vendu en Norvège cette année-là. Pendant environ deux ans, les membres du groupe se sont concentrés sur des projets parallèles avant de se retrouver tous ensemble en 2007 pour produire leur dernier album avant la mort du guitariste Robert Buras, qu’ils ont intitulé eux-mêmes. Après cela, ils se sont séparés, jusqu’en 2018 où le groupe s’est reformé. Chimes Of Midnight est le fruit de cette reformation.
Dès le départ, l’ambiance de cet album est réflexive et confessionnelle, le morceau d’ouverture s’exclame « No one loves you more than I do ! » ce qui semble vouloir introduire la tonalité du disque. Il n’y a, pourtant, rien de vraiment nouveau dans cet album, qui serait vecteur de fraîcheurou ou de nouveau souffle à un genre si ce n’est cette marque de bien ficelé. L’album se faufile ainsi d’un morceau à l’autre en climats qui incitent à la rêverie
« Help Yourself To me » vocalisera comme un Nick Cave qui aurait oublé son côté caverneux ; une sentimentalité qui ne convainc pas vraiment même si la musique en tant que fond est agréable à l’écoute. Le titre suivant sera un autre plaisir pour l’oreille en oscillant d’un côté à l’autre et, si Kenny Rogers ou Kris Kristofferson vous faisait tanguer, « Slowly Turns The Wheel » le fera chavirer et vous noiera à moitié. « Imagination, what a way to live your life » est la profession de foi qui ouvre un « Imagination ».dont l’effet général sera celui d’un plaisir soporifique.
Quoi qu’il en soit, cela dure environ une heure avec le même style de musique country léché, paresseux et aux yeux vides. Après environ une demi-heure, les sentiments du début vont commencé à s’estompe un peu .comme une impression de conduire sur l’autoroute à 3 heures du matin et de s‘assoupir au volant, pour ensuite se réveiller brusquement au moment où on est sur le point de percuter l’arrière d’un camion. « Empire Blue » nous frappe alors la tête comme pour nous ramener à la vigilance totale. Il y a une vibe distincte des MamasAnd Papas quand le morceau suivant commence au point que les premières mesures nous feraient nous exclamer « Monday Moanday… ».
Une vibe à la Chris Isaac innerve l’avant-dernière piste. Sivert Høyem chante à l’intention d’un amour, les réminiscences abondent avant que le texte ne change de cible, comme pour donner des instructions. Le gémissement soutenu à la fin ressemble beaucoup à Chris Isaac. En résumé, ce n’en est pas si mal ; il s’agit de 12 chansons sur 58 minutes qui sont musicalement faciles à entendre, sans effort pour entendre les paroles pour la plupart. On oscille entre l’ambiance « assise sous le porche avec de la bière » et l’expression mièvre de sentiments qui se situent entre l’impression qu’on se ferait d’un chat qui fait cette tête après avoir craché une boule de poils et l’expression que l’on aurait quand quelqu’un nous prépare un cocktail parfait.
Sur son troisième album, Sundry Rock Song Stock, Yves Jarvis mélange des influences disparates en un ensemble de sons hypnotiques. Les carillons révélateurs de « Strawberry Letter 23 » des Brothers Johnson, le côté pastoral d’Animal Collective et l’appel exotique de l’azan se mélangent et s’entremêlent sur une douce trajectoire de glisse. Et ce n’est que sur la première chanson, « Epitome ». Malgré le titre rebutant de l’album, il est clair que Jarvis, qui travaille seul en studio, a laborieusement bricolé chaque mélodie enfouie et chaque gargouillement. Ce qui n’est peut-être pas si évident, c’est la franchise des paroles de Jarvis sur l’emballage vert, à peine voilé, dans lequel l’album est relié.
Les chansons passent de la simple et belle « Song of Solomon », à l’incantation de bijoux usés qu’est « Emerald » et aux doux murmures de « Victim », qui, à la surface, ressemble à un thème de télévision des années 70, longtemps perdu. Mais ce que « Victim » cache en son sein est beaucoup plus direct. « Je suis une masse vitriolique de dynamite, qui ne peut que s’enflammer » (I’m a vitriolic mass of dynamite, just bound to ignite) est prononcé si doucement que ses premières racines de poésie slam/hip-hop sont atténuées par la rosée ambiante.
La sortie la plus efficace de Jarvis à ce jour bénéficie de ses explorations sonores, mais brille aussi le plus dans ses moments les plus directs. La lourdeur de la basse de « For Props » partage le buzz du jardin printanier de l’album, mais ses reproches sont un peu plus évidents : « votre fortune gagnée vous rend dépravé, ne peut pas avoir d’empathie, ou réciproque » (your earned fortune makes you depraved, can’t empathize or reciprocate)alors que les percussions de « Semula » le conduisent vers les refrains les plus accrocheurs de l’album.
Bien que le disque maintienne l’intérêt de l’auditeur jusqu’à la fin, les chansons de la fin se déploient dans une atmosphère plus fine. « Notch In Your Belt » est un mélange de rock progressif à cordes de nylon avec un rythme liturgique de stop/start. Et le « Fact Almighty » de clôture offre un fondu enchanteur quelque part entre la clôture d’Eagles chevauchant un solitaire et la brise parfumée au jasmin de Seals and Crofts.
Il est facile de se perdre dans les fibres cotonneuses des derniers tissages de Jarvis, mais son charme est délicatement efficace. Ce que Jarvis a en tête est plus pressant que la manière dont il est délivré et cela n’apporte parfois qu’une faible résolution immédiate. Mais si ce qui compte, c’est de mettre vos pensées au monde, même en parlant doucement, Jarvis y parvient. Si vous avez déjà vu quelqu’un murmurer à l’oreille d’un agresseur, Sundry Rock Song Stock est l’équivalent musical de cette tactique. Jarvis vous fait signe dans un cadre apparemment bucolique, c’est à vous de décider si vous voulez entendre ce qu’il essaie de vous dire.
Certains artistes gardent le même élan conceptuel tout au long de leur carrière et TheThe Pursuit of an Orchid tout comme Kelvingrove Babyont été traces de leur obsession lyrique dès leurs débuts et ils ont toujours nourri la nostalgie luxuriante des différents styles musicaux utilisés pour donner vie à ces ruminations amoureuses. C’est comme si le compositeur en chef Chris Thomson avait son propre langage, riche en symboles ; certains mots et phrases reviennent sans cesse (pandémonium, parfum, folie, orchidées, parfum) et ils sont liés à une géographie solide, avec près de la moitié des titres de chansons sur un album donné faisant référence à des lieux réels dont on se souviendrait.
Le fait que ces chansons puissent être basées sur des souvenirs à moitié oubliés est une autre part importante de l’attrait de The Bathers – tout ressemble à une rêverie nostalgique, ces passions et obsessions sont viscérales…mais le moment décisif est-il déjà passé ? Chaque album fait rêver l’auditeur, et il en va de même pour leur cinquième et avant-dernière sortie, Kelvingrove Baby, même si l’album s’oriente vers une approche musicale autrement plus vive.
Sur le plan des textes, Thomson est toujours incapable de rompre le charme que lui a jeté cette mystérieuse créature ; même lorsqu’il l’appelle sa « petite amie » » il doit admettre qu’elle ne sera à ses côtés que « pour un temps ». Cette entrée en matière précoce dans le décor est importante car, à première vue, tout semble aller bien, la chanson étant une ode sincère aux merveilles de cette personne qui est la vôtre – mais il est crucial de prendre conscience qu’il s’agit d’un moment éphémère, d’une victoire précaire, et que vous êtes certain de finir avec une vie de regrets. Une telle situation appelle bien sûr d’abord à la bravoure (« Risk or Glory »), puis à saisir l’instant présent (le titre exceptionnel de 7 minutes et demie). Cependant, à mesure que l’album progresse, on a de plus en plus l’impression que cet objet de désir nous échappe, qu’il s’éloigne dans les brumes sombres de la mémoire, les trois dernières chansons capturant l’album dans sa plus grande mélancolie et tendresse.
Comme pour tous les albums de Bathers, il est difficile de déterminer si la « muse » de Thomson (et il utilise souvent cette expression) fait toujours partie du monde actuel, si elle habite toujours dans les rues de Glasgow, ou si elle l’a jamais fait ? Était-elle un rêve depuis le début ? Tous les hommes sont-ils condamnés à être rendus fous par la poursuite de créatures qui ne pourront jamais être apprivoisées, qu’ils ne voudraient pas apprivoiser même s’ils en avaient la chance, de peur de ternir la perfection de leur beauté et de leur esprit… et de finir par être hantés par les souvenirs de rencontres trop brèves ? Des effluves de parfums exotiques ?
Alors oui, tout bien considéré, on pourrait qualifier The Bathers de romantiques.
Pour son quatrième album, Nadine Shah s’engage dans la politique de genre des arrangements interpersonnels, en gardant son regard fixé sur les contraintes de temps de la maturation de la féminité. Kitchen Sink est un album imprégné de l’expérience de l’étranger, remplissant le grand livre de chansons de la culture pop avec les histoires manquantes de diverses autres perspectives, des personnages dont la vie ne s’est pas déroulée comme imaginée, attendue ou socialement prescrite. « L’album est avant tout une question de choix », dit Shah, « pour respecter le choix de chacun sur la façon dont il vit sa vie ».
C’est Shah qui trouve son rythme, s’amusant à faire de la subversion domestique avec humour. C’est le genre d’album qu’elle a longtemps voulu faire, lorsqu’elle n’était pas poussée vers une déclaration sociale à grande échelle, comme sur son album Holiday Destination, nominé pour le prix Mercury.
Shah se soucie de défier et de jouer avec les stéréotypes ancrés qui travaillent sous la surface pour renforcer les inégalités concernant l’expérience féminine contemporaine, les entraves de la tradition et leur mélange délicat – en particulier ceux qui sont innocemment intériorisés par la musique pop. Kitchen Sink accomplit superbement sa marche sur la corde raide entre les contradictions, en posant les questions nécessaires tout en s’amusant.
L’album préféré de Shah, Naked de Talking Heads, a certes poussé les sonorités de Kitchen Sink vers sa déclaration la plus provocante sur le plan stylistique et la plus aventureuse sur le plan sonore à ce jour. L’esprit jovial déprimant de Bryne se déverse dans le nouveau groove bizarre de Shah, qui se cachait auparavant sous la surface chatoyante de « Radio 6 », avec les éléments avant-gardistes et populaires maintenant combinés avec le plus de succès. Son mélange unique de styles, noir post-punk blues ou base rock roots, se révèle plus que jamais comme des tropes canoniques complètement déconstruits par son imagination musicale fascinante et particulière, révélant en son cœur une intention artistique sans équivoque. Shah s’avère magistrale dans l’articulation du frisson artistique, donnant substance et gravité à l’atmosphère hypnotique sublime, suspendue, enveloppant des rythmes épanouis.
Sur Kitchen Sink, l’innovation percussive est en vedette avec la voix impressionnante de Shah, qui apparaît simultanément fondue et cristallisée. Ce sentiment d’émotion dramatique, alimenté par un désir irrésistible, infléchit l’expression de Shah (ce qui ne manque pas de susciter des comparaisons avec PJ Harvey). Mais le sérieux émotionnel solennel des premières œuvres de Shah est ici tempéré par un plus grand enjouement vocal et thématique poussé de façon créative à sa performance la plus assurée sur le plan artistique.
« Ladies For Babies (Goats For Love »), emprunte son titre à une peinture de son frère enfant, qui représente un homme avec une chèvre pour amant. Shah s’enfonce ici dans la psyché collective de la culture pop et dans son juke-box des années 90, le morceau étant une réaction directe à « All That She Wants » de Ace Of Base. Mais Shah prend les créateurs de succès du reggae suédois dans leur sens le plus littéral – bien qu’avec un habile renversement des genres, se moquant d’un homme qui cherche une femme pour un utérus de trophée.
Subvertissant les trophées sexistes des chansons pop par une tournure de phrase inattendue et bestiale, « Ladies For Babies (Goats For Love) » secoue le psychisme pour qu’il acquiesce à son contenu dans un moment d’attente sonore exceptionnel, quoi ? Dans le mélange le plus savamment tordu de disparités sonores, des coups de guitare serrés brillent sur le fond d’éléments de percussion innovants, d’une atmosphère énigmatique et du discours taquin et pince-sans-rire de Shah, explosant vocalement sur le refrain audacieux au moment le plus férocement excitant. L’esprit féminin indépendant que Shah façonne ici est tout à fait irrésistible, possédant une sorte d’aura de cheval noir, sans cesse dépouillée par les éclairs staccato d’une femme effrayante et confiante qui s’épanouit pleinement dans son propre pouvoir.
La chanson titre de l’album est une chanson thème pour l’outsider qui a du pouvoir, évitant les « secousses du rideau » qui ne voient qu’ « un visage étrange dont ils ne peuvent pas retracer l’héritage» (a strange face whose heritage they cannot trace). Cette nordique d’origine pakistano-norvégienne est hyper consciente et exprime toutes les facettes de son identité, chantant avec son fort accent su Nord-Est de l’Angleterre et faisant des allusions à ses racines sud-asiatiques.
« Trad » s’efface brillamment au son strident de la guitare, une mélodie aux accents orientaux s’impose d’urgence, anxieusement corrodée par un psychédélisme évidé rappelant les artistes de Sacred Bones, Exploded View, jusqu’à ce qu’elle se mette en marche sur une section rythmique étonnamment rebondissante. L’alto de Shah, qui donne à réfléchir, fait rapidement place à cette accroche, en découpant et en déversant les tripes de l’album, son point central (et, apparemment, l’étincelle créative initiale) : « Rase-moi les jambes, congèle mes œufs, auras-tu envie de moi quand je serai vieux ? » (« Shave my legs, freeze my eggs, will you want me when I am old?)
La métaphore culturelle surdimensionnée de l’horloge biologique continue d’alimenter une grande partie du sexisme scientifique, bien qu’elle soit basée sur des données de fécondité dépassées et très discutables. La fausse ontologie de l’horloge biologique défend des valeurs traditionnelles, souvent diffusées involontairement par des parents bien intentionnés. Malgré de nombreux processus rythmiques internes, il n’existe pas d’horloge mythique ancrée dans une quelconque réalité biologique. L’expérience temporelle n’est pas un processus sensoriel.
En fin de compte, personne n’est invulnérable au temps, mais seule la valeur d’une femme s’est vue attribuer cette date d’expiration abrupte, la suprématie de la jeunesse réduisant la femme mature à un utérus de temps qui passe. Elle érode les relations amoureuses, opposant les désirs et le prétendu câblage des hommes et des femmes les uns contre les autres, sous une fausse division.
En déconstruisant la tradition, le Shah fait attention à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain proverbial. Elle affronte sans relâche les moulins à vent des attentes de la société à l’égard d’une femme dans le cadre du sexisme systémique quotidien. Mais lorsqu’elle chante avec nostalgie « Emmène-moi à la cérémonie, fais-moi un mariage saint » (take me to the ceremony, make me holy matrimony), c’est un désir sincère de préserver un contrat intime fondé sur un sentiment profond et l’intégrité. Ce sont juste les vœux qui doivent être réécrits. La libération extérieure doit maintenant être remplacée par la révolution interne à l’union, un recadrage progressif, en sauvant une expérience humaine digne des griffes de modes traditionnels contraignants et dépassés.
Et c’est précisément l’esprit féminin pleinement émancipé qui prend le plus à cœur la question de la redéfinition des relations qui prend corps dans ce Kitchen Sink au titre révélateur.
Il est juste de dire que le bonheur domestique ne fait pas le plus séduisant des sujets musicaux – ce qui est ironique car, en gros, c’est la seule chose que nous avons tous en commun.
Depuis qu’il a formé The Raconteurs avec les Jacks White et Lawrence, et Patrick Keeler (la section rythmique des Greenhornes), Brendan Benson s’est fait l’avocat des petits plaisirs que permet la vie tranquille. Dans une interview accordée en 2009, il a vanté les vertus de la tonte de l’herbe (« aussi satisfaisant qu’écrire une chanson. Plus, parfois. »), et ses trois albums solo de cette période ont tous, dans une mesure plus ou moins grande, mis en évidence cette satisfaction. Il en va de même pour Dear Life, et bien que son septième album solo soit vendu comme un nouveau départ sonique, il est en fait ldu « business as usual ».
C’est ce qui ressort d’un simple coup d’œil à la liste des titres : « Richest Man Alive » (« J’ai deux beaux bébés et une sacrée belle femme »- ‘I got two beautiful babies and one hell of a good-looking wife’- ) se déroule bien et évite ainsi d’être trop mièvre, tandis que « I’m In Love est répétitif » sur le plan lyrique dans ses 90 secondes mais comporte des accords capricieux qui contredisent la teneur du sujet.
Il peut sembler évident de faire référence aux Raconteurs, mais comme ils ont été en grande partie responsables du crossover de Benson, cela est également valable. Dear Life est également un bon indicateur de qui fait quoi : « Half A Boy (Half A Man) » présente une guitare familière avec un grand refrain de jour, adapté à la radio, bien qu’avec un rythme plus léger. Mais on peut pratiquement entendre Jack White aux chœurs, et l’album dans son ensemble démontre qu’il est la force dominante de ce groupe.
Les percussions et les cuivres du groupe sur « Baby’s Eyes », qui est en pleine liberté, rappellent également l’instinct du super groupe de se lancer sans honte den un echo des Travelling Wilbury. Le morceau-titre comporte également des cuivres lourds, mais cela ne fait qu’ajouter une acclamation trompeuse à un récit sur la lutte contre la dépression, l’une des rares références au côté sombre de la vie « normale ».
Parmi les nouveaux sons qui sont promus, seuls quatre titres s’écartent de la formule éprouvée du rock aguicheur de Benson. Le premier morceau, « I Can If You Want Me To », propose un BPM accru via l’électronique, mais revient rapidement à la typographie avec un refrain explosif à la guitare qui ne comprend que la ligne de titre. « Good To Be Alive » ressemble à la récente production de Beck, car sa voix s’accorde automatiquement, mais conserve la mélodie familière à l’envers qu’il affectionne tant. « I Quit » mélange de nouveaux grooves avec un son acoustique traditionnel, et enfin le plus proche « Who’s Gonna Love You » possède des beats et des effets rapides et aussi un sample de ce que sont, vraisemblablement, ses enfants.
Quelque part, on peut dire bravo à un album qui fait avancer les choses, mais le meilleur morceau de l’album est aussi le plus simple : « Freak Out » fait exactement ce qui est écrit sur la boîte, un rocker rapide comme un morceau de la série des Nuggets avec un solo de guitare qui fait mouche et l’occasion de se lâcher dans le studio.
Selon les standards de Brendan Benson, il s’agit d’un album moderniste, qui se caractérise par sa brièveté et son caractère enjoué ; tout en lui permettant de s’épancher il devient un album fun à écouter.
Deux ans après la sortie de leur premier album, Live For The Moment, beaucoup vantaient les Sherlocks comme une future tête d’affiche de festival ; et leur second opus voit que l’ambition demeure, bien que peu d’autres choses aient changé.
Les Sherlocks sont des têtes d’affiches indie. Nés et élevés dans le South Yorkshire, ils ont l’air d’intermédiaires si coolsque vous pourriez vous tromper en pensant qu’un producteur de disques du milieu des années 90 les a formés pour profiter du succès de groupes comme The Libertines et Kaiser Chiefs. Auditivement, ils sont encore plus raffinés qu’ils ne le sont visuellement, et c’est là que réside l’interrogation que l’on peut avaoir quant à savoir si on déteste ou si on aime leur second effort.
Le premier morceau, « I Want It All », se déroule très si tant est que l’on veuille entrer dans le territoire du « single » principal qu’est « NYC (Sing it Loud) » ; un hit triomphal en chanson où le groupe fait ce qu’il fait de mieux. Suivent les « singles », « Waiting » et « Magic Man, » qui sont, tous deux, des grandes chansons à part entière.
Le reste de l’album suit la même formule que les quatre premiers titres. Il n’y a rien à redire sur aucun des titres, mais il n’y a rien non plus qui njustifie qu’on puisse s’extasier. Il y a de quoi apprécier cet album, on peut l’écouter facilement pour dans n’importe quelle circonstance, mais on ne peut se défaire de l’idée que la passer en boucle sur sa paylist serait un peu redondant et que The Sherlocks ont trouvé la formule d’une super chanson indie-pop et qu’ils l’ont bien gardée.
Mettez vos écouteurs, fermez les yeux et vous pourriez être en train d’écouter pendant le règne de la Britpop dans les années 1990, la prise de contrôle des charts de jeans skinny du milieu de la nuit ou dans une foule de chemises hawaïennes. Il n’y a rien d’offensant chez The Sherlocks, ils ne défient pas musicalement mais est-ce une raison pour ne pas aimer un album?
Honnêtement, non. S‘ils s’étaient formés il y a 15 ans, ils auraient fait la une duNME et auraient été un des meilleurs hits de la Cool List 2004 – 2007. En outre, cet album ne rend pas justice à la qualité de ces chansons en live. C’est un des rares combos à pouvoir rivaliser dans un tel cadre avec The Futureheads ou autres Ash. The Sherlocks y véhicuelnt quelque chose qui n’est pas loin d’être euphorisant et, même si Under Your Sky ne produit pas les mêmes effets, il est indéniable qu’il sera difficile voire impossible de se sortir « Magic Man » et autres titres de cet album de sa tête aisément.
Depuis The Waiting Room paru en 2015, Stuart Staples, en groupe ou en solo, n’a pas chômé. Après la bande son du documentaire Minute Bodies – The Intimate World Of F. Percy Smith, l’album solo Arrhythmia et plus récemment, toujours fidèle à la réalisatrice Claire Denis, la bande originale du film High Life, le voici de retour avec un « véritable » album des Tindersticks : No Treasure But Hope, treizième disque studio du groupe.
D’entrée, ce qui frappe à l’écoute de ce comeback, c’est l’atmosphère qui règne sur l’ensemble de l’album. On ressent une véritable osmose, comme une libération tout au long des dix compositions. A commencer par cette ouverture joliment intitulée « For The Beauty », qui vous pénètre avec ce piano majestueux et cette voix toujours aussi parfaitement posée. Dès l’entame, on sent déjà la grâce qui pointe le bout de son nez. Le premier single qui avait annoncé l’album en septembre dernier, « The Amputees », était une véritable surprise de par le côté enjoué que la chanson dégage malgré une thématique loin d’être amusante.
La musique des Tindersticks n’a jamais connu de côté facétieux et le reste de l’album est là pour l’attester une fois encore. Car à l’exception de ce titre, les musiciens de Nottingham délivrent tout au long des quarante-six minutes de No Treasure But Hope une harmonie musicale posée, très subtile qui n’a nullement à voir avec un quelconque amusement.
« Trees Fall », tragédie à la beauté immense, en est une parfaite illustration pendant ses trois cent cinq secondes divines. A ce moment de l’album, on se dit que cela fait tellement longtemps qu’on n’a pas entendu les Tindersticks à un tel niveau. D’autant qu’ils n’ont pas fini de nous émouvoir sur ce disque.
« Pinky In The Daylight » et son coté ensoleillé vient à son tour illuminer le disque. Le fait que Stuart Staples soit parti vivre en Grèce ne doit pas y être étranger. « Carousel » possède pour sa part plutôt une atmosphère feutrée et s’associerait à merveille en musique de fin de soirée. Tout est magnifique dans cet album, on a le sentiment que les Tindersticks sont peut-être en passe d’avoir sorti là un des plus beaux voire le plus beau disque de leur discographie.
Si la mélancolie du somptueux « Take Care In Your Dreams » ou la délicatesse « The Old Mans Gait « confirment ce sentiment, il n’en demeure pas moins que le choc de No Treasure But Hope figure bien dans « See My Girls, » chanson incroyablement folle avec ce piano qui la débute, sur lequel une basse vient s’accoupler avant que Stuart Staples ne s’aventure dans un chant presque chamanique lui-même renforcé par cette guitare parfaitement immiscée avant que les chœurs des autres membres du groupe ainsi qu’une une série de cordes la remplissent également. En 1993, « Jism » venait marquer à jamais le premier album du groupe. En 2019, « See My Girls » lui rend la pareille. Comment se remettre d’une telle gifle ? Eh bien avec des moments apaisés et apaisants, tels que « Tough Love » ou le superbe final, No Treasure But Hope, comparable à un au revoir ou un adieu.
Vous l’avez compris, les Tindersticks signent là un des très grands disques de cette fin d’année, et probablement l’un des tous meilleurs de leur carrière. Superbe de bout en bout No Treasure But Hope est un monument d’une grande intensité vocale et musicale. On n’espérait plus connaître un tel bonheur de la part d’un groupe qu’on suit et aime pourtant depuis plus de vingt-cinq maintenant. Et pourtant, s’accrocher à cet espoir nous a permis de trouver un trésor, un joyau qu’on se devra de chérir longtemps.
Quatre ans après Mother, le groupe de Birmingham sort aujourd’hui son troisième album. Enregistré à Margate, son titre fait référence à un pub de leur ville, The Emerald. Si le premier album du combo ressemblait à de l’indie mancunienne à la Stone Roses et le second prenait un tournant entre pop psyché et dream pop avec des emprunts acid house, celui-ci va encore dans une nouvelle direction.
Le disque surprend tant les morceaux apparaissent maniérés sans que cela ne soit péjoratif. « To Feel Good » qui ouvre l’album a ce côté de pop sophistiquée bien dans la tradition anglaise. On flirte parfois avec la variété sans, toutefois, y tomber profondément. Cet exercice délicat n’est pas toujours manié comme il le faudrait. Ainsi « World I Share » fait plus que frôler la mièvrerie tout comme un « Happy As Larrie » qui, lui aussi, se révèle être une seconde faute de goût.
Le groupe saura se montrer plus convaincant dans le registre dance avec « Sail Away, Say Goodbye « qui, avec son coté 80’s suranné, se révèle délicieux et addictif tout comme la ballade « Top Of The Pops » qui ne pourra qu’enchanter l’amoureux de la mélodie bien troussée ou encore un « Drag Queens in Soho » dont l’immédiateté et les arrangements feront mouche. Pour couronner le tout, l‘album se conclura par un autre très bon morceau, « Never Stop Pinching », qui nous rappellera ce que Primal Scream avait de plus inspiré. Au final, Emerald Classics est un objet étrange tant il emprunte de voies différentes, parfois avec succès, parfois en se montrant moins inspiré. On y reviendra donc avec un un plaisir qui ne sera que lacunaire et le regret que ses charmes soient si éparpillés.
Le trio de Nottingham Amber Run est de retour avec un troisième album : Philophobia. La « philophobie »,c’est la peur de l’amour et ce nouvel opus confirme un peu plus le penchant assumé d’Amber Run pour les balades nostalgiques et tristes d’autant qu’il est difficile de trouver un thème plus rebattu sous toutes ses formes qui peuvent inspirer les égarements du coeur. Il y a donc ici une certaine redondance après déjà deux albums dans cette veine. Toutefois, avant la sortie de ce 3ème LP, le trio de Nottingham avait dévoilé des « singles » bien plus rock le tout contribuant à piquer l’intérêt.
Celui-ci ne peut qu’être entériné sur la première chanson, après l’intro « Leader Countdown », pour nous faire comprendre que le groupe a évolué. « Neon Circus » est un titre avec une grosse production avec Claudio Mittendor (Weezer, Panic! At the Disco, Interpol) au mixage le tout étayé par des bon et efficaces riffs de guitares et un solo qui véhicule à merveille l’idée d’un défoulement explosif. Le disque continue sur cette lancée avec cette émulation de Muse qu’est « No one Gets Out Alive, » le groovy « What Could be As Lonely As Love » avec un fonctionnement impeccable de la section rythmique et, enfin, un second titre orienté rock, « Carousel ».
Passée cette première moitié, Philophobia bascule dans un rythme beaucoup plus lent et manque de relief. Le groupe anglais s’est lancé dans un numéro d’équilibriste risqué sur ces six derniers titres. La transition entre « Carousel » et « Affection » est, d’ailleurs, brutale ; la balade douce st plutôt harmonieuse casse complètement l’atmosphère joueuse et dynamique construite sur les 5 premières chansons. Les titres vont alors s’enhaîner jusqu’à « Darkness has a Voice », sans réelle distinction et sans supplément d’âme.
On aura droit, avec le début de cette composition, à une nouvelle coupure de rythme abrupte et un titre qu’on pourrait qualifier de du classique pop-rock alternatif. La chanson sera construitesur une montée avec un final plus que flamboyant.
La chanson suivante est LA bonne surprise de cet album. Là où « Neon Circus » et « Carousel « donnaient l’impression qu‘Amber Run avait du potentiel sur des titres à guitares et batterie rock sans toutefois prendre trop de risques, « Entertainment » confirmera cette sensation grâce à un duo basse-batterie que Royal Blood n’aurait pas renié.
La clôture dePhilophobiasera à l’image de son ensemble ; « Worship » est un titre censé apporter de l’émotion, maisil pêchera par un ajout de cordes dans les arrangements superflu.
Philophobia est un troisième album intéressant dans la mesure où il apportant de la nouveauté dans un registre où on n’attendait pas forcément Amber Run.Ne restera qu’à mieux gérer les césures rythmiques et les climats pour que l’écoute du combo reste plus étale et soffre moins de certaines changements de tempo pas toujours bienvenus.
Le 1313 Mocking Bird Lane n’est pas qu’une adresse (en l’exemple celle de la famille des Munsters pour la chaî,e de télévision CBS), il est aujourdhui le titre du 20° album de Paul Roland, musicien anglais atypique puisqu’il avait, entre autres, participé à un « concept album » du nom de White Zombie.
Ce musicien britannique accompli au spectre élargi – son domaine de prédilection englobe aussi la littérature, l’histoire et le cinéma avec une compétence pour l’horreur et le surnaturel produit ici un des albums les plus accessibles de sa longue discographie. 1313 Mocking Bird Lane est, en effet, une collection emballante de chansons pop et psychédéliques au format resserré de 3 minutes et très mélodique. Ses accointances pour le folk rock gothique avec ses climats sombres associés sont ici gommées. Mais Paul Roland sait se faire plaisir. Son péché mignon : glisser 2 ou 3 titres à obédience garage-rock. Le rustique et distordu « Whatever Happened to Baby Jane? » ou le blues-rock psychédélique « Voodoo Man » répondent à ce postulat. Sur ce dernier les musiciens se mettent au diapason du thème de la chanson avec un mélange subtil de rythme tribal et de guitares saturées. L’éponyme « 1313 Mocking Bird Lane » sera la dernière chanson à afficher ce tempo tendu et débridé toujours dans un esprit très garage rock sixties. « Born In The 60s » en 2015 était le « singl »e extrait de son album Bitter and Twisted. Son titre explicite était confirmé par son écoute. Aujourd’hui « She’s A Mind-Reade »” et « Summer of Lov »” exploitent clairement le même filon avec un plaisir identique.
Tout au long de sa longue carrière le musicien du Kent s’est fait une spécialité : développer et proposer de sublimes pièces acoustiques ; véritable orfèvre en la matière sa discographie en est constellée. On retrouve ici ce penchant sur le folkisant « Another Ingmar Bergman Interlude ». Ces quelques douces minutes sont un miroir de productions antérieures emblématiques ; on peut même remonter à 1987 (A Cabinet Of Curiosities), période où les mini symphonies de chambre s’enchainaient sans vergogne et avec enchantement.
Ce 20e opus développe des climats atmosphériques et planants (“Salon of the Senses”), psychédéliques (« My Next Life ») voire aussi – belle nouveauté – clairement pop (« When Chet Baker Sings », « Won’t Go Surfin’ No More ») ou un poil plus rock (« Joe Strummer Said »). Des morceaux d’ailleurs taillés pour toucher un public plus étendu. On peut noter ici le grand écart des références. Les textes, une constante dans l’œuvre du musicien anglais, sont toujours soignés et abondent en personnage de la société du spectacle ou de la littérature.
Les mélodies de ce vingtième opus sont régulièrement enrichies par de discrets ajouts de xylophone, d’orgue Hammond ou de trompette. Des chœurs féminins (Annie Barbazza) fantomatiques émergent à l’occasion comme sur le semi acoustique « She’s My Guru ».
Paul Roland garde donc intact son inspiration et annonce déjà une flopée de projets musicaux singuliers. C’est finalement tout ce qu’on peut espérer d’un musicien que l’on suit à la trace depuis de nombreuses années.