Show Me The Body: « Trouble The Water »

« En ces jours de haine, je cherche la vérité. » Cette phrase résume parfaitement le troisième album de Show Me The Body, « Trouble The Water », un album finement adapté à l’esprit du temps, très tendu et marqué par l’anxiété. Le dernier album du trio new-yorkais rend hommage à sa ville natale, tant sur le plan sonore que narratif.

Dans le premier cas, il s’agit d’un assaut féroce de punk hardcore, de hip-hop et de bruit déconstruit, et dans le second, d’une célébration des riches sous-cultures de la Big Apple, et de la façon dont elles se combinent pour créer un style et un esprit uniques. Malgré les tendances new-yorkaises de l’album, beaucoup de ses thèmes sont universels, principalement la frustration, le désenchantement et un puissant dédain pour la bureaucratie sans visage. Si vous écrasez tout cela, vous obtenez une collection de chansons qui frémissent d’une violente fureur, mais ce n’est pas une fureur aveugle. Malgré cette rage ardente, Show Me The Body transmet un message de communauté et montre comment la force du nombre peut susciter le changement.

Si « in these days of hate/I search for truth » via « War Not Beef » caractérise le ton de « Trouble The Water », le grognement acerbe de « everything suppressed boils up » ( tout ce qui est réprimé remonte à la surface) du volcanique « Boils Up » s’enfonce profondément dans la colère de l’album. Il s’agit d’un appel aux armes explosif hurlé par Julian Cashwan Pratt (chanteur/banjo) et qui se trouve au cœur du disque. C’est ici que la tension mondiale palpable, littéralement, explose au son d’une distorsion hip-hop punk.

Si ce morceau est le plus viscéral de Show Me The Body, leur troisième album ne manque pas de violence gutturale. « Food From Plate  » convulse avec une énergie de confrontation qui fait que Pratt aboie  » they try to save their face/fuck that/we try to take it away  » (ils essaient de sauver leur visage / merde à ça / nous essayons de l’enlever) comme un homme à la tête d’une unité déterminée à démasquer les escrocs du pouvoir. Le morceau d’ouverture « Loose Talk » dresse un constat sombre de la vie moderne, où des personnages malfaisants se cachent à la vue de tous : « sometimes I think of silence/sometimes I think of the words they speak/sometimes I think of the wolf in the carcass of the sheep «  (parfois je pense au silence/parfois je pense aux mots qu’ils prononcent/parfois je pense au loup dans la carcasse du mouton). S’écartant brièvement de la mêlée apparemment perpétuelle de « Trouble The Water », la livraison dépouillée de « WW4 » permet à Pratt de faire le commentaire le plus accablant sur son pays d’origine « difficile de rester en vie en Amérique ». Le titre éponyme de l’album clôt l’album de façon menaçante par un hochet punk et rugueux. On peut entendre une légère lueur d’optimisme poindre dans le paysage sonore dense, alors que le leader du groupe grogne « it’s easy to tell hate from love ».

Lorsqu’il ne s’agit pas d’aborder les questions sociétales de front, Trouble The Water nous présente une figure assiégée, qui ploie sous le poids du monde. Un brouhaha de bruits électroniques et de tambours qui s’emballent alimente la personnalité désenchantée de Radiator, tandis que le leader du trio crache « give me a problem/give me a break/don’t know how to communicate/there’s nothing for me when I try to stay/there’s nothing for me here » (donnez-moi un problème / donnez-moi une pause / je ne sais pas comment communiquer / il n’y a rien pour moi quand j’essaie de rester / il n’y a rien pour moi ici). Les sous-entendus nauséeux de  » Out Of Place  » injectent un moment de calme dans le disque, alors que Pratt lance  » I wasn’t meant for earth/escape the hurt/I reach for space « (Je n’étais pas fait pour la terre, j’ai fui la douleur, je suis parti pour l’espace.) avec un puissant sentiment de douleur et de vulnérabilité.

Trouble The Water est un disque intense, un disque de confrontation, de colère et de recherche de la vérité dans un monde plein de mensonges.

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