Blut Aus Nord: « Disharmonium – Undreamable Abysses »

L’obscurité a quelque chose d’irrésistiblement séduisant, n’est-ce pas ? Simultanément effrayante et belle. Quelque chose dans le vide nous attire comme des mouches vers la fausse lumière. C’est un appel si ancien que son langage et son véritable objectif ont depuis longtemps cessé d’être compris par les hommes, devenant une abstraction, un terrifiant écho perdu ; piégé dans une mémoire passée que nous choisissons d’oublier, par peur ou par oubli. Et pourtant, nous continuons à marcher vers lui, comme des souris guidées par le son de la flûte d’un conte populaire. Sans pouvoir. Disharmonium – Undreamable Abysses est la mélodie qui nous pousse vers l’abîme, vers les ténèbres. La berceuse hérétique que nous cachons à nos enfants. Ce quatorzième opus de Blut Aus Nord est donc obsédant et beau, faisant puissamment écho aux horreurs lovecraftiennes dans un style engagé rappelant Hallucinogen, mais désormais avec un ton plus sombre, dévoilant moins de lumière et d’oxygène. Les ingrédients précédents, à savoir les leads harmoniques distinctifs et le flux constant, sont toujours présents mais presque comme des reflets opposés, comme si nous vivions Hallucinogen à travers un miroir noir. Tout est interconnecté. Toutes les chansons s’écoulent implacablement dans la même direction, aspirant l’auditeur dans un vortex sonore multicouche fait de plaintes et de grognements malveillants qui nous submergent à chaque étape. Les rythmes explosifs et les tempos lents et syncopés interagissent d’une seule voix, construisant un récit commun qui présente rarement des contrastes, trop coincé dans son propre noyau gravitationnel.

La composante atmosphérique, comme on peut s’y attendre, est cruciale dans la construction du paysage sonore, soit par des interludes ambiants, soit par des couches de synthétiseurs qui complètent les chansons. Pourtant, à l’instar d’Hallucinogen, Disharmonium – Undreamable Abysses évite l’esthétique industrielle présente dans les œuvres précédentes et adopte une personnalité plus « métal » et mélodique. L’ouverture, « Chants of the Deep Ones », et « That Cannot Be Dreamed » sont les points culminants de ce voyage sonore, combinant la beauté et l’inquiétude dans une palette surréaliste et un trait distinctif. Nous savons parfaitement qui joue de la flûte, mais comme des souris, nous continuons à avancer, hypnotisés, et nous disparaissons dans « The Apotheosis of the Unnamable », le vortex final.

Il ne restera plus qu’un faux calme, un lien avec le tout début, exposant une spirale, un récit sans fin qui ne se termine jamais vraiment. Car le vide est éternel.

Une fois de plus, Blut Aus Nord a donné une voix et un son aux ténèbres. Pas nécessairement de manière avant-gardiste ou expérimentale, mais par des touches surréalistes à sens unique qui poussent l’auditeur dans un abîme sensoriel. Il y a une beauté étrange dans Disharmonium – Undreamable Abysses qui nous pousse à mordre dans la pomme bien que nous soyons conscients de son contenu toxique, impuissants face à son enchantement. C’est l’attraction irrésistible de l’inconnu, source d’inspiration et de malheur. Cet appel ancien que les hommes et les artistes tentent si désespérément de comprendre, sachant d’avance que la réponse finale, quelle qu’elle soit, n’apporte ni espoir ni lumière.

***1/2

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