Eva-Maria Houben: « Together on the Way »

Elle ne se contente pas de commencer, elle ouvre, elle initie ou peut-être est-ce tout simplement un accueil. Lire la partition d’Eva-Maria Houben pour cette pièce de 2020 est une expérience aussi belle que de l’écouter. Composée pour orgue – l’instrument principal de Houben – en tandem avec le duo composé du pianiste Siwan Rhys et du percussionniste George Barton, l’expérience est évidemment celle de la croissance et de l’actualisation par l’art symbiotique de la collaboration. Dans la partition, publiée par Wandelweiser et disponible en ligne, Houben décrit les événements dans un langage poétique aux temps présents évolutifs, semblable à celui que vivent les dédicataires de l’œuvre lors de ce concert.

L’orgue se met en évidence, ou plutôt une vue s’offre à nous lorsque la porte entre le silence et le son glisse sans bruit hors de vue. Ce que nous entendons au cours de l’heure et demie qui suit n’est pas tant un accord qu’une série de complexes en mouvement, un vocabulaire absolument unique à l’orgue. Dans l’interview publiée sur la page d’Another Timbre consacrée à l’album, Houben élucide les caractéristiques individuelles de chaque orgue, utilisant de manière intrigante le pronom personnel « elle » pour parler de l’instrument et de ses qualités de respiration. Cette respiration est à l’origine de cet accord en constante évolution, qui s’enfle et change lentement, le son sensuel de l’air soutenant chaque tonalité et sonorité. Écoutez-le gronder à 7:23, puis chuchoter à peine à 37:29, juste pour le contraste, mais ces deux points ne constituent même pas un fragment de la vaste courbe de l’œuvre. Comme dans les grandes formes similaires d’Eliane Radigue, l’harmonie et la mélodie perdent de leur importance à mesure qu’une présence sonore unifiée devient de plus en plus familière.

Suggérer que Rhys et Barton travaillent avec ou contre l’orgue s’apparente aux concepts de structure que Houben réfute dans son interview. De telles choses ne sont utiles que pour l’écrivain qui tente de verbaliser l’ineffable. Houben cite Berlioz dans sa partition, et il se peut très bien que sa conception du fluide musical soit la plus proche de ce que ces trois musiciens accomplissent, des sons étant projetés dans l’espace pour ne jamais revenir. Barton et Rhys jettent des objets sonores de densités et d’intentions diverses dans la marmite lentement bouillante de sons d’orgue-drone, chacun provoquant des ondulations qui modifient à leur tour la perception de chaque instant. En choisir plusieurs ne revient pas à les élever au-dessus des autres ni à nier l’impact de l’ensemble. La dyade de piano pincé à 9:43 est particulièrement belle sur la toile de fond de l’orgue, alors qu’une sonorité ouverte devient un accord, et puis, à 19:15, il y a les exquis sons de cloche qui augmentent un agrégat d’orgue déjà complexe. Toute microdescription supplémentaire nuirait à l’expérience. Il suffit de dire que peu importe le nombre de sons qui se produisent dans un espace, et parfois ils sont nombreux, un sentiment de réflexion se dégage, une aura de calme face à un voyage partagé aussi simple et enveloppant que le titre de l’œuvre.

***1/2

 

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