Dream the Day Away sonne comme sa couverture : un flou apaisant et détaillé. Désormais composé de Sander Bryce et Jonah Levine, le duo de production H A U N T E R, basé sur la côte Est, se décrit avec justesse comme une « approche organique et échantillonnée du jazz et du hip-hop ». Dès le premier morceau de ce deuxième album à la chaleur sombre, on assiste à un jeu d’équilibre entre spontanéité et réticence qui finit par payer.
Dream the Day Away se situe dans une catégorie presque sans genre, mais suit avec assurance les traces de Thundercat ou de Flying Lotus. En même temps, les années passées par Bryce à jouer dans Really From confèrent à l’album des aspects plus jazz. Alors que nous sommes presque habitués au jazz ambiant moderne et aux mesures punchy parfois agressives sur fond d’échantillonnage créatif et de cornes, un son mathématique scintillant rappelant Minus the Bear vient comme un coup de poing bienvenu.
La narration est intriquée avec la nature onirique de l’album, moins de surréalisme et plus d’un journal de rêve donné son. « 888″ nous donne immédiatement des paroles chantantes avec une sélection d’instruments divers et chaleureux, et les cymbales augmentent progressivement pour ponctuer la sensibilité rock de Lady Pills. Même au plus fort de la chanson, elle a toujours une qualité contemplative. Un son ambiant et rêveur avec des paroles poppy, « I reach for the arms that knew from my ship of friends while I learnt of the love that holds me » (Je tends les bras que j’ai connus sur mon bateau d’amis pendant que j’apprenais l’amour qui me tient » semble être un album presque différent du morceau suivant « Brain Cells » : un rap commençant par « I can’t stay focused » qui garde une vibe de film western bluesy Tarantino qui pourrait faire d’une promenade nocturne un strut.
Le séquençage de H A U N T E R est cette fois-ci surprenant mais cohérent avec le flux narratif de l’album, ce qui est un exploit pour un album de 22 titres. Certains auditeurs peuvent se demander si cette longueur est nécessaire, ce qui est discutable. Il y a quelques chansons que j’ai balancées en me demandant si ce morceau n’était pas la thèse de Dream the Day Away, et c’est plus une question de goût que de contenu du morceau. Différentes versions de la rêverie pop ambiante débattant de la manière d’éviter de céder à un cauchemar éveillé, sur le plan lyrique ou autre. Un fan de H A U N T E R avant l’ère Jonah Levine souhaitera peut-être plus de morceaux instrumentaux, mais la direction prise montre l’ampleur dont le duo est capable.
Alfred sur « Peace Sign »s peut vous faire sourire solennellement à la ligne « fuck out my face » sur une soirée d’été. Je vais certainement tester cette théorie cet été. Les morceaux plus courts comme « Believe in It » souffrent d’un manque de rubato lyrique lorsqu’ils ne sont pas des interludes, car une grande partie de Dream the Day Away est consacrée à la subversion sur une base de mesure à mesure. Des percussions précises complètent la voix apaisante de Lo Artiz, qui reste étonnamment ancrée dans le sol pour sonner comme un morceau abstrait de Yasmin Lacey qui demande « si je parle à Dieu, me répondra-t-il un jour » et répond à cette question la ligne suivante par un peut-être.
A la fin de « Witching Hour », on nous berce et on nous demande de réécouter l’album un autre jour pour bien comprendre chaque ligne, chaque batterie et chaque échantillon, ou bien on essaie de comprendre ce que Paige Chaplain dit à partir de tant de morceaux. Les singles de l’album seront probablement mes morceaux les plus écoutés ici, les instrumentaux seront sur mes playlists personnelles jusqu’à ce que je n’aie plus d’oreilles, et notre plus grande surprise aura été d’être fortement impressionnée par M. Rhodes, basé à Sydney, qui apporte un flux lyrique abstrait accompagné de cornes dans « Floatin' ». Agréable à écouter dès la première écoute et doublement avec des écoutes répétées, ce single a du punch, de l’ambiance et une qualité plus pop que ce à quoi on pourrait s’attendre, mais il reste en phase avec le reste de l’album. On ne voudrait pas gâcher quoi que ce soit tant on ne peut que saluer un tel « l’accomplissement ». H A U N T E R est à la hauteur de son nom, avec un sentiment rêveur et presque incessant de juxtaposition d’instruments, d’artistes vedettes et de signatures temporelles. Nous avons hâte d’entendre le prochain morceau qu’ils sortiront tout en souhaitant que personne ne s’endormira sur un tel opus.
****