Rosie Carney: « I Wanna Feel Happy »

Définir le son de Rosie Carney sur son deuxième album I Wanna Feel Happy n’est peut-être pas aussi facile qu’il n’y paraît. À première vue, et d’après les singles, il semblerait que Carney s’inscrive parfaitement dans l’arène florissante des auteurs-compositeurs-interprètes qui écrivent des hymnes indie émotionnels, surfant sur les vagues de succès et d’intérêt créées par des artistes comme Phoebe Bridgers et les sorties plus folles de Taylor Swift ces deux dernières années. Vous pouvez certainement entendre l’influence de ces artistes dans les chansons de Rosie Carney. Mais si vous passez un peu de temps sur I Wanna Feel Happy, vous constaterez qu’il y a aussi un côté différent, plus éthéré et d’un autre monde que beaucoup d’artistes de ce genre, semblable à l’album de reprises de The Bends de Radiohead q’elle a sorti en 2020. Son travail a un aspect traditionnel et familier, mais la production et sa performance vocale ajoutent un élément d’inconnu en même temps.

Cela dit, il serait facile pour un auditeur occasionnel de parcourir l’album une ou deux fois sans remarquer les nuances. Il s’agit de chansons à combustion lente et à l’emphase tranquille, qui prennent un certain temps avant de s’enfoncer dans les os. Sugar  » est l’un des points forts de l’album et en est peut-être à cet égard l’exemple parfait. À première vue, il s’agit d’un morceau indie pop typique, avec son refrain  » c’est quelque chose à faire/quand il n’y a rien à faire/quand il n’y a plus rien à perdre/tu arranges tes cheveux/pour faire semblant de t’en soucier/mais ça ne marche plus/amour, je ferme la porte  » ( it’s something to do/when there’s nothing to do/when there’s nothing to lose anymore/you’re fixing your hair/pretending to care/but it doesn’t work anymore/love, I’m closing the door) qui renvoie à de nombreux points de contact typiques de ce genre de musique. Mais avec le temps, cette chanson se transforme un peu, la douleur dans la voix de Carney vous fait ressentir quelque chose de différent, le contraste entre les percussions croustillantes et le doux son des touches a un effet déconcertant. C’est un morceau qui demande beaucoup d’attention.

Et il en va de même pour la plupart des autres chansons proposées ici. La voix dela chanteuse est magnifique, donc l’auto-tune sur le morceau d’ouverture  » i hate sundays  » peut sembler inutile, mais c’est un outil vital pour établir l’atmosphère de cet album légèrement décalé. Le premier single  » dad  » a un ton décontracté et nonchalant dans les couplets, mais au fur et à mesure que le chant se construit et que les paroles se déploient, nous avons droit à l’histoire captivante d’une personne qui se remémore des temps plus simples avant de réaliser certaines vérités du monde. Et  » chiriro « , qui commence comme la chanson acoustique la plus simple de l’album, mais avec une superbe phrase d’ouverture  » on the wrong side of my bed/in a pool of pretty sweat « (du mauvais côté de mon lit/dans une mare de jolie sueur), devient rapidement la chanson la plus hymne mais aussi la plus obsédante de l’album. La boucle de piano sur le refrain est simple mais dévastatrice.

Si vous êtes prêt à donner à ce genre de musique le temps de grandir en vous, il y a tellement de couches à décortiquer tout au long de l’album. Rosie Carney est une artiste qui fait beaucoup avec ses paroles et sa voix. Mais la musique est aussi infiniment fascinante, offrant confort et calme au premier abord, mais révélant une nature plus troublante au fur et à mesure que l’on passe du temps avec elle. Entre le premier et le deuxième album, elle donne l’impression d’être une artiste différente, plus accomplie et plus passionnante, repoussant ses limites et intégrant dans ses propres chansons une partie du son qu’elle avait utilisé sur cet album de reprises de Radiohead. Il y a quelque chose ici pour les fans d’indie-pop mais, pour ceux qui considèrent parfois ce genre comme jetable, il y a de la profondeur et de l’intrigue pour vous faire revenir pour plus. C’est un album que l’on écoutera encore pendant des années.

***1/2

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