Les 27 premières minutes d’Urgrund, le nouvel album du groupe de black metal allemand Häxenzijrkell, constituent un vortex sonore soutenu. Les riffs mid-to-down-tempo grondent et hurlent, imitant les sons des glaciers qui vêlent ; le tonnerre percussif est précis, et bien que les coups soient épargnés, ils se répercutent avec une force considérable. Les structures mélodiques des chansons sont simples, mais elles sont vraiment mélodiques, conférant aux maelströms de « Die Entschleierung » et « Von Zeit und Form » une puissance magnétique. Ces chansons vous attirent et vous aspirent vers le bas, dans des profondeurs sombres et délibérément tourbillonnantes. Comme l’indique le titre de « Die Entschleierung », on a l’impression que quelque chose est en train d’être révélé, un message cryptique qui se fraye un chemin à travers l’encre de ces profondeurs. L’expérience est lourde, musicalement et par rapport à un sentiment dominant de profondeur pesante. En un mot : Yikes.
Alors, quelques autres mots : Urgrund, Entschleierung, Zeit, tous philosophiquement épais, et l’allemand fait sonner les choses comme Heideggerian. On s’imagine beaucoup de montagnes alpines brumeuses, de fourrés spirituellement impénétrables, de longs discours obscurs sur des concepts comme « dwelling » et « Dasein ». Il suffit d’un ciel nocturne, d’une file de skieurs portant des torches et de Leni Riefenstahl, les joues rouges, pour ouvrir la voie.
Ce sont des noms lourds de sens, indiquant des degrés divers de collaboration avec l’aile culturelle du Troisième Reich – et probablement sensationnels, des fruits mûrs à cueillir dans le contexte du black metal. Ce chroniqueur n’a aucune idée de la position du duo (identifié seulement comme P et MK, dans le style cultissime du black metal) de Häxenzijrkell dans les schismes actuels NSBM/RABM, si tant est qu’il en ait une. De nombreux groupes se sont déclarés Artistes (mon A majuscule, avec une pointe d’ironie), installés dans des espaces élevés, au-dessus de la mêlée mesquine de la politique. Désolé, les amis : si c’est social, et surtout si de l’argent change de mains, c’est politique.
Qu’en est-il de la musique ? Elle est plutôt bonne, bien qu’un peu moins dynamique sur le plan stylistique. Le troisième et dernier morceau du disque, « Der Pfad der Finsternis » (pour nous : « Le chemin des ténèbres »), accélère le rythme en une marche forcée, qui se transforme bientôt en trot. Celui des deux membres du duo, MK ou P, qui est chargé des fonctions vocales, grogne et crie beaucoup. Les guitares intensifient toute la menace soutenue. Ce qu’il y a de mieux dans Häxenzijrkell, c’est peut-être le son que produit MK, qui est à la fois d’acier et de fonte. Pas « acier fondu » ; il ne coule pas tant qu’il croustille. Les guitares sur Urgrund sonnent comme de l’acier déchiré au milieu d’une activité volcanique volatile. C’est un son irrésistible avec lequel on s’attardera volontiers, et pendant de longues périodes.
***1/2