Frog Eyes: « The Bees »

Les indie rockers de Vancouver que sont Frog Eyes, avaient cessé sleurs activités après l’album Violet Psalms en 2018 et ont fait un bref passage sous le nom de Soft Plastics. Il s’agit d’une courte période de rêve pour un groupe qui a toujours eu l’impression de filer les chansons comme de la barbe à papa. Contrairement à d’autres auteurs-compositeurs canadiens comme Dan Bejar de Destroyer ou Spencer Krug et Dan Boeckner de Wolf Parade, le chanteur et guitariste Carey Mercer semble s’accommoder de la position excentrée de son groupe dans l’industrie musicale. Il est toujours à quelques pas du succès, mais ne manque jamais de livrer les bonnes choses. L’album le plus proche de Frog Eyes a été Tears of the Valedictorian en 2007, un album épique sorti pendant la courte période où le rock indé était le plus délirant et le plus obscur, un endroit que Frog Eyes connaît très bien. Le projet a toujours fait preuve d’une grande véracité punk, mais l’a tempérée par des recueils de compositions art-rock bien burinées.

Comme il y a quelques années, la voix de Mercer est toujours la pièce maîtresse de tout bon morceau de Frog Eyes. Elle grogne, roucoule et s’enroule autour de chaque texte maniaque comme un serpent à sonnette enroulé. Sa performance inimitable sur The Bees est encore plus impressionnante après avoir survécu à un diagnostic de cancer de la gorge en 2013. Variant en longueur, en tonalité et en cadre, ces 10 titres sonnent comme une nouvelle ère, tant pour son chant que pour son trio d’accompagnement qui l’a poussé. Le propulsif « Rainbow Stew » ouvre le disque sur une note élevée alors que le groupe continue de travailler vers la crête de la vague avant d’atterrir sur le morceau titre. Le premier extrait, « When You Turn on the Light », est une chanson inspirée de la vie en appartement. Mercer, 21 ans, entre dans sa chambre en fin d’après-midi, encore sous l’emprise des vapeurs de peinture à fresque de la nuit précédente, et trouve le gérant de l’immeuble en train de regarder « le paysage d’ombre infernal qui scintille des reflets des lampadaires sur la peinture émaillée » (hellish umber landscape that glittered street light reflections from the enamel paint ).

Mercer écrit généralement des nouvelles musicales comme « Light » et « Here Is a Place to Stop », qui sont souvent un mélange enivrant de rêve fiévreux et de beuverie de week-end. Certains des meilleurs productions de Frog Eyes (The Golden River et The Bloody Hand) gèrent bien cette dichotomie, et The Bees s’en approche sacrément. La batteuse Melanie Campbell et la claviériste Shyla Seller créent l’ambiance sur « I Was an Oligarch », « A Rhyme for the Star » et « He’s a Lonely Song », tandis que Mercer fait tournoyer la mise en scène dans sa bouche comme un riche vin tannique.

« Lonely Song » en particulier est l’un des meilleurs morceaux de rock sans fioritures de Frog Eyes depuis presque une décennie. Mercer raconte l’histoire de son père, assis au bord de son lit, qui le rassure en lui disant que Dieu n’est pas mort, mais qui lui remplit aussi le cerveau d’images de pionniers américains massacrant des bisons et empilant leurs cadavres sous un soleil malade et blafard. C’est le monde naturel de Frog Eyes, où les pères parlent du coucher de soleil d’une espèce et où leurs fils luttent contre la mort de cette lumière. Profitez du voyage tant qu’il dure – comme le chante Mercer sur le dernier morceau de The Bees, « tout meurt et tout brille » (everything dies and everything glow).

***1/2

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