Gifts From Crows: « Stories in Slow Light »

Il est fascinant de voir un compositeur s’emparer d’une idée ou d’un concept et l’exploiter dans différentes directions. Gifts From Crows, le surnom de Richard Laurence, travaille depuis un certain temps à la réalisation de Stories in Slow Light. Ce projet audiovisuel, qui s’inspire des photographies d’Helen Whitten pour chaque morceau, est une excellente idée. Musicalement, tout se tient également sur ses deux pieds.

Les images obsédantes de Whitten sont souvent fantomatiques et d’un autre monde, et ce sentiment imprègne chaque morceau de cet album. Qu’il s’agisse des rêveries classiques teintées de post-rock de « Beyond the Frame » ou des arrangements de cordes émotifs et sombres de « The Empty Mirror », chaque morceau a son poids. « Beyond the Frame » a un côté figé dans le temps, avec le piano qui s’écoule, la batterie qui fait tic-tac comme des éclats de verre et la guitare électrique qui résonne au loin. A l’inverse, « The Empty Mirror » est un débordement d’émotions tendues qui jaillissent de voix chuchotées et de cordes pincées en un flot d’accords déferlants. Ces deux styles concentrent le style de Gifts From Crows et canalisent une grande partie des chansons dans deux catégories. Certains morceaux comme « All That Is Concealed » utilisent leurs percussions électriques et leur combinaison de cordes pour évoquer une présence fantomatique plus froide. Ces morceaux contiennent en grande partie des éléments plus électroniques. Ils s’opposent à des morceaux plus organiques comme le très beau morceau de piano et de marimba « Traces ». Ici, au lieu d’une teinte d’humeur, ces morceaux donnent l’impression que des émotions se jouent en temps réel.

En regardant l’imagerie d’Helen Whitten, elle utilise beaucoup d’effets de vitesse d’obturation lente pour créer des couches de mouvement et des chuchotements visuels dans son travail. C’est une idée que Gifts From Crows exploite de manière fantastique. Un thème récurrent est la voix humaine ou une toile de fond déformée par l’écho. C’est ce que fait « Traces » avec des voix canalisées comme une chanson chorale bouillonnante jouée dans une autre pièce. « Now Winter Has Come » associe des enregistrements de terrain à un piano pour créer un vaste espace. « The Unimaginable Brightness of Summer » utilise des bribes de voix pour ouvrir un arrangement de piano et de cordes magnifiquement chaud, dans l’un des rares moments de légèreté gracieuse. Les arrangements de cordes sont souvent élégants et sobres, mais les deux dernières pistes enregistrées en studio sont pleines d’agitation. The Day Before Tomorrow » et, en particulier, « Childhood (Dance of Unknowing) » dégagent une énergie viscérale. Cette dernière s’amuse à sautiller avec une confiance et une curiosité qui fonctionnent. Gifts From Crows ne se défait jamais de ce poids susmentionné. La musique est généreuse et bondissante mais les motifs et la production ont un aspect oppressant.  Bien que difficile à décrire on trouve aussi une inflexion gothique dans chaque mesure. « The Mesmerist » est un duo de piano et de corde délicatement équilibré qui explique le mieux ce que l’on ressent alors. La progression des accords et le jeu rythmique oscillant sont gothiques et macabres, mais le piano est enregistré si intimement que l’on peut entendre ses entrailles battre doucement. Les cordes soutiennent et enveloppent sans effort le piano d’une manière qui ressemble à un câlin serré né d’un bouleversement émotionnel. On adore également la façon dont il est enregistré.

En plus des pistes enregistrées en studio, certains morceaux ont des versions « récital » alternatives. Il s’agit des versions pour piano solo de « The Empty Mirror » et « A Resolution ». Le fait d’entendre les deux morceaux dans des éditions pour cordes et piano est une touche agréable et les deux versions sont excellemment composées.

Si on recommande absolument Stories in Slow Light en tant qu’album néoclassique bien au-dessus de son poids, on le recommande également en tant qu’album conceptuel. Si vous le pouvez, ayez les images qui ont inspiré chaque morceau à portée de main lorsque vous écoutez l’album, car vous pouvez entendre le flou de l’appareil photo à vitesse lente dans les haut-parleurs. C’est exactement comme ça que ’on peut imaginer la photographie fantomatique à vitesse d’obturation pour sonner comme un son. C’est le meilleur travail de Gifts From Crows à ce jour et tout fan de néoclassique devrait y jeter un coup d’œil. Mais d’abord, il faut baisser les lumières…

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