Dana Miller, de Deer Scout, décrit son approche de l’écriture de chansons comme un processus de mise en boîte des choses, ou de rangement d’une capsule temporelle. Il est donc logique que les chansons folk alternatives que l’on retrouve sur son premier album, Woodpecker, soient empreintes de la nostalgie souvent chaleureuse – parfois inconfortable – d’un passé qui n’est pas si lointain.
Sur le frémissement des arpèges country du premier morceau, « Cup », Miller chante : « Je ne peux pas me débarrasser d’un sentiment dont je ne connais pas le nom « (I can’t shake a feeling I don’t know the name of). C’est une phrase saisissante qui sous-tend les thèmes de l’incertitude et de la confusion qui traversent le disque, et la vie. Sur « Peace with the Damage », écrit par son père, Mark, Miller ajoute sa voix à la question de savoir comment et pourquoi nous blessons ceux que nous aimons, et les conséquences avec lesquelles nous devons vivre. Ce faisant, elle ébranle les fondements des croyances sur lesquelles nous choisissons de baser nos vies.
Ancienne compagne de tournée de Katie Crutchfield, il y a certainement des parallèles à faire avec l’intimité et le style vocal des deux premiers albums de Waxahatchee, mais cela ne fait qu’ajouter à la familiarité réconfortante qui existe déjà dans l’écriture de Miller. Ce sont des chansons que l’on pourrait imaginer figurer sur un des premiers albums de Bright Eyes si l’histoire d’amour d’Oberst avec l’Americana était arrivée une décennie plus tôt. Et certains pourraient confondre la nature épurée de l’album avec une esthétique lo-fi, mais c’est tout le contraire. Le disque est à la fois vivant, et son message est le fruit d’années passées à affiner son art et à s’entourer de collaborateurs et de contributeurs qui lisent sur la même page.
Un disque parfois profondément personnel qui parvient à dresser un portrait du cœur déchiré de l’Amérique, Woodpecker mérite sa place parmi les grands débuts de ses pairs. « Dans mon rêve, tout le monde nous laisse tranquilles » (In my dream everyone leaves us alone), chante Miller sur « Dream ». C’est quelque chose que nous souhaitons tous par moments : se cacher d’un monde, ou d’un passé, que nous préférons ne pas affronter. Et pour sa durée éphémère, Woodpecker peut être ce temps de solitude dont nous avons tant besoin.
***1/2