Vampyre est le troisième opus de The Neuro Farm un groupe de Washington DC, après The Descent (2019) et Ghosts (2014). Si les titres des albums suggèrent l’obscurité et la hantise, c’est tout à fait approprié pour un groupe qui récolte des influences dans le domaine qui contient Joy Division, Radiohead, Nine Inch Nails, Siouxsie and the Banshees, Sigur Ros, Chelsea Wolfe, Portishead et Rammstein.
Composé de Brian Wolff (guitare, voix), Rebekah Feng (violon, voix), DreamrD (batterie) et Tim Phillips (synthétiseur), le violon et le synthétiseur s’efforcent d’apporter des éléments instrumentaux plutôt inhabituels au format, notamment en l’absence d’une basse en direct. Ce n’est certainement pas une impédance (les seules personnes qui s’en prennent à la basse synthétique semblent ironiquement être des fans de The Sisters of Mercy qui n’ont pas tourné la page de 1985 – pour qui boîte à rythmes voulait dire cool et basse synthétique signifiait pas cool).
Chose dite, Vampyre est un album conceptuel, qu’ils expliquent comme suit : notre héroïne titulaire, attirée par la promesse de l’immortalité, se voit imposer cette malédiction par le leader égocentrique d’un culte vampirique. Mais au sein du culte, les désillusions se multiplient et l’héroïne crée ses propres adeptes. Elle finit par rejeter son créateur, se rebellant contre lui et son institution en décomposition. Elle fait un dernier adieu à son mari mortel, se détournant de l’humanité et embrassant sa nouvelle nature. Elle tue son ancien maître lors d’un « massacre de minuit » et se déclare reine.
Même si on est un défenseur des albums plutôt que des collections aléatoires de chansons, on peut avoir parfois du mal avec les albums conceptuels, dans la mesure où suivre une narration est souvent assez difficile. Trop de narration peut être ennuyeux ; trop peu, et vous êtes perdu, vous demandant ce qui se passe. C’est un territoire épineux sur lequel il faut naviguer en toutes circonstances.
« Cain » est, à cet égard, une introduction audacieuse et théâtrale, lespersussions sombres qui roulent et grondent fournissant une toile de fond stoïque à des voix théâtrales et dramatiques. « Feng » n’est pas seulement opératique dans sa prestation, mais elle est soutenue par un arrangement choral complet, puis le violon s’insinue et l’échelle cinématique de la composition se révèle alors dans toute son excentricité.
C’est aussi ce qui va se passer avec « Purity », un morceau lent qui, en six minutes et demie, se faufile entre le gothique Christian Death de l’ère Rozz, le stoner rock laborieux et le post-rock qui va crescendo.
Le titre « Maker « apporte une touche de grandiloquence, à l’image du « Carmina Burana » de Carl Orff, en passant par divers passages où le ma^îre-mot sera grandeur et où on trouvera, en effet, myriade d’élements à assimiler. Le prog-rock spatial de » »Enthralled », l’électro industrielle glauque du « single » « Confession » ou la mélancolie chargée de cuivres du métallique « Decay ». Le titre de l’album, guidé par des pianos et des échos, est une sorte de chef-d’œuvre gothique, sombre, ombrageux, avec des voix envolées. Il déborde de qualités épiques qui touchent les centres émotionnels et s’épanouit dans une cascade glorieuse de soleil, où le goth et le post-rock sont en parfaite concordance. Cela ressemble à un final, mais les trois chansons restantes continuent de projeter des atmosphères riches et résonnantes, avec « Midnight Massacre « qui débarque de manière inattendue sur la fin avec un glam-stomp aux accents lugubres. C’est du vrai rock gothique, parfaitement réalisé.
Le plus souvent, tout ce qui se dit gothique et qui emprunte la voie du vampire » a tendance à être maladroit, ringard et cliché, mais malgré tous ses penchants conceptuels, Vampyre n’est rien de tout cela ; au contraire, c’est comme un plongeon plus sombre et plus gothique dans le domaine des premiers iLiKETRAiNS. Mais par-dessus tout, c’est un exercice varié, imaginatif, dramatique et vraiment spectaculaire.
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