Midlake: « For the Sake of Bethel Woods »

La couverture du cinquième album inattendu de Midlake représente la peinture d’un jeune garçon pris dans un moment de contemplation. L’image est tirée de Woodstock, le documentaire de 1970 sur le légendaire festival de musique qui s’est déroulé dans une vaste ferme laitière à Bethel, dans l’État de New York. Le spectateur pensif est en fait le père du claviériste et flûtiste de Midlake, Jesse Chandler, qui, à l’âge de seize ans, s’est rendu en auto-stop à cet événement de trois jours en 1969. Le fait que le père de Chandler soit le support visuel central de la dernière œuvre du sextet texan semble approprié. Sans lui, il est possible que For The Sake of Bethel Woods n’ait jamais vu le jour. Comme dans une scène de film, le père de Chandler (décédé en 2018) lui a rendu visite dans un rêve avec un message:  « Get the band back together» (Reforme ton groupe)

Pendant une grande partie de la carrière, Midlake a existé dans son propre vide temporel. Ils semblent même en être conscients sur « Of Desire », le morceau de clôture de For The Sake of Bethel Woods : « Nous y travaillons mais le temps peut vraiment nous jouer des tours ». Bien que le contexte de cette phrase soit ancré dans le désespoir romantique, elle est également pertinente pour la trajectoire de Midlake, depuis leur album en 2006, Tf, jusqu’à leur réapparition en 2022. Avec ce disque, Midlake, alors dirigé par le chanteur Tim Smith, a parfaitement annoncé la puissance mélodique des harmonies des années 1970, proches de Fleetwood Mac, et a exploité des motifs du prog-rock britannique en cours de route. Le départ acrimonieux de Smith en 2012 a incité ses anciens camarades de groupe à être plus audacieux et plus contemporains dans leurs compositions, à évoluer avec leur temps. Ce rajeunissement sonore a culminé avec l’album Antiphon de 2013, que beaucoup considéraient comme leur chant du cygne. C’était le cas jusqu’en janvier de cette année, lorsque leur « single » électrisant, « Bethel Woods », est arrivé sans crier gare. Certains aspects de l’arrangement – la mélodie larmoyante du clavier, la percussion propulsive et le refrain inoubliable – donnaient l’impression de tracer une ligne rétrospective entre Van Occupanther et Antiphon, aux tendances plus électroniques. C’était prometteur pour l’avenir du groupe.

En retournant en studio pendant le calme de la pandémie et en travaillant avec John Congleton, le premier producteur externe à contribuer à leur son, le chanteur Eric Pulido et ses coéquipiers ont réalisé un album de grande ambition avec onze arrangements expansifs et changeants. Malheureusement, Midlake arrive cinq ans trop tard pour faire une impression durable avec cette sortie. Ici, les pierres de touche musicales combinées sont aussi éloignées du terrain que le retour de Midlake. Le tempérament de « Glistening » rappelle celui de « Painted Ruins »de Grizzly Bear, Hall & Oates se retrouve dans le riff de basse groovy de  » « Gone «  tandis que le traitement vocal appliqué à la performance beaucoup plus retenue de Pulido sur le tendre « Noble » » le transforme en un numéro de Sufjan Stevens. Le piano mélancolique de « Of Desire », qui clôt l’album, ramène, lui, immédiatement l’auditeur au Coldplay de 2002.

En plus de la force imparable de  » »Bethel Woods « , il y a des titres qui attirent le public. Notamment « Feast of Carrio », une composition douce combinant des éléments de Led Zeppelin, Steely Dan et les harmonies mielleuses de Graham Nash. Ailleurs, on trouve « Meanwhile », l’un des rares cas où le groupe se laisse aller à sa musicalité et engage sans effort son public. Le plus souvent, le plaisir que procure ce disque provient de mouvements et de textures isolés au sein des chansons, comme les parties de basse négligé contrebalancées par des accompagnements de flûte liminale sur  « Exile » ou les rythmes oniriques dignes des années 1960 sur « Meanwhile », déjà mentionné. En fin de compte, l’écoute de For The Sake of Bethel Woods devient un exercice consistant à repérer les nombreux artistes que Midlake imite et non les façons dont ils innovent leur musique. Un bon album, mais qui convient mieux à une époque révolue.

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