Le shoegaze en tant que genre peut être caractérisé de quelques façons assez évidentes, mais c’est avant tout une musique de texture. L’harmonie, la mélodie et le rythme viennent après le timbre lui-même. C’est une musique que l’on peut toucher et ressentir physiquement plutôt que simplement entendre. Les huit années de Letting Up Despite Great Faults ne font pas exception à cette règle. S’écartant de l’attaque à la tronçonneuse habituelle de groupes comme My Bloody Valentine et Swervedriver, l’approche de Letting Up Despite Great Faults est résolument numérique. IV, assez étonnamment le quatrième album studio du groupe, vit dans un paysage de bandes sonores de jeux vidéo rétro. Les bits sont écrasés et la résolution est volontairement faible. C’est le son de l’exploration de royaumes sous-marins en deux dimensions, ou de la collecte de centaines d’anneaux précieux sur des pistes de course dans le ciel.
Le premier morceau de l’album, « Kisses », vous plonge lentement dans un monde de synthétiseurs délavés…. ou s’agit-il de guitares ? Une partie de l’intrigue réside dans ce flou. Les instruments apparaissent et disparaissent déguisés les uns aux autres, revêtus d’une grande cape d’invisibilité robotique.
L’influence de l’électronique de chambre dreampop du milieu des années 2000 est omniprésente sur ce disque. Le fantôme d’Ulrich Schnauss hante chaque changement d’accord et chaque rythme minimal de boîte à rythmes. Des morceaux comme « Gorgeous » et « Curl » imitent l’amour de Schauss pour les accords granuleux et les profondeurs de bits modifiées, tout en oscillant entre une sorte d’austérité inspirée de Moe Tucker dans le second et le maximalisme frénétique de la Drum ‘n’ Bass dans le premier.
IV ne vit cependant pas entièrement dans le royaume des processeurs. Des guitares et des basses live parsèment le disque d’influences post-punk et gothiques. « New Ground » est un morceau de culte de l’époque de Head On The Door, Softly, « Bravely » évoque le jangle de C86 et « Self Portrait, » le « closer », emprunte fortement au playbook de New Orders. Les guitares modulantes et le chant discret de Fisette font de ce dernier morceau un point fort pour ce modeste auteur.t
Letting Up Despite Great Faults sont de toute évidence des obsédés de la musique et cela se ressent tout au long de IV. Des écoutes répétées font apparaître des clins d’œil et des références de plus en plus nombreux à des disques et des groupes qu’ils adorent. C’est un album pour les gens comme eux. Des gens obsédés par le son de la basse de Peter Hook sur « Ceremony, » ou par la cadence de la voix d’Ana Da Silva sur « Animal Rhapsody ». Nerds de la musique, unissez-vous et mangez à votre faim.
***1/2