Le sextuor de rock britannique Sea Power (anciennement connu sous le nom de British Sea Power) est un groupe aux contours flous. And Everything Was Forever, leur huitième album, est, lui, un disque qui glisse dans le temps.
Les dix titres de l’album se déroulent, presque sans interruption, dans un élan onirique, avec le mélange distinct et propre à Sea Power de rock lyrique taillé pour le stade, un son qui ressemble autant à celui de U2 qu’à celui de Siouxsie and The Banshees. Tout au long de llopus, la texture rayonne d’une délicieuse porosité, avec le sentiment que tout peut soudainement devenir central. Un écho de clavier en arrière-plan éclate en un solo de néon vibrant « ‘Folly »), une allusion à la voix de Robert Smith devient un quasi hommage (« «Doppelganger’) et un basson en maraude finit par traquer l’album entier comme un rêve récurrent.
La logique du rêve permet à des moments de reconnaissance abrupte de s’infiltrer, comme dans le post-punk lugubre de « Transmitter », dans lequel le chanteur Yan admet que « All of this used to mean so much to me / It doesn’t mean so much anymore » ou dans la ballade bucolique « Fear Eats The Soul’ » dans laquelle il est murmuré « You know what I’m most afraid of ? Finding out what I’m really made out » (Tu sais ce dont j’ai le plus peur ? De découvrir de quoi je suis vraiment fait).
« Two Fingers » est le meilleur titre du disque, un album à lui tout seul. L’odyssée de six minutes se réveille un nombre incalculable de fois, faisant sursauter, comme le Gregor Samsa de Kafka, de nouvelles réalités. Cependant, qu’il s’agisse de guitares post-rock ascendantes, d’ambiance de dockers ou de refrains entraînants, la chanson suit la vague. Comme Cthulhu [la divinité fictive créée par l’auteur de romans d’horreur H.P. Lovecraft], « Two Fingers » semble exister en dehors de l’espace-temps normal. Everything Was Forever est , à cet égard,moins un album qu’un vaisseau : une méditation surréaliste et « radio-friendly » dans laquelle on peut naviguer à loisir.
***1/2