À l’époque de sa sortie en 2013, l’album Moving Mountains n’a pas fait grand bruit. Son ton sobre et plus endormi en faisait une sortie beaucoup moins immédiatement captivante que leurs précédentes sorties, et le groupe s’est séparé peu après. Dans les années qui ont suivi, l’influence de cet album est devenue évidente. Des groupes comme Overgrow, Seer Believer et Valleyheart se sont inspirés du cadre établi par Moving Mountains et ont expérimenté dans ces limites. Blood on My Guitar, le premier album de Saint 44, est probablement le groupe qui s’est le plus approché de ce son.
Blood on My Guitar n’est pourtant en aucun cas une copie de Moving Mountains ; pour commencer, le groupe de Ian Karoway a beaucoup plus en commun avec la musique traditionnelle des auteurs-compositeurs-interprètes qu’avec le post-rock automnal de Moving Mountains, mais l’influence se fait clairement sentir. C’est dans la voix de Karoway qu’elle est la plus évidente, adoptant un ton râpeux et haletant similaire à celui de Greg Dunn sur cet album, mais ailleurs, des chansons comme « A Bridge Elsewhere » et « The Orchid » s’épanouissent et se déploient d’une manière qui rappelle les crescendos majestueux de « Seasonal » ou « Eastern Leaves ».
Une grande partie du disque, cependant, s’inscrit dans le moule de l’auteur-compositeur-interprète, consistant en un peu plus de voix et de guitare. « Push & Pull » et « First Beach », qui constituent la pièce maîtresse de Blood on My Guitar, sont clairsemés et aériens ; ils ressemblent davantage aux premiers travaux de Noah Gundersen qu’à un projet de groupe. Le fait que les deux morceaux soient dos à dos aurait pu, sur un album plus long, provoquer un affaissement du disque dans sa partie centrale, mais pris en sandwich entre la conclusion explosive de « The Orchid » et le vif « Nail in the Coffin », le morceau le plus optimiste de Blood on My Guitar, ils ne font que donner un peu d’air.
Comme Moving Mountains, Blood on My Guitar peut être considéré comme un disque d’ambiance, qui se consacre surtout à créer et à maintenir une atmosphère de calme cohérente plutôt qu’à loger certaines mélodies dans la tête de l’auditeur ; pour sa variété sonore, l’album s’en tient effectivement à des tempos et des sentiments similaires. Mais là encore, pour un album qui n’atteint même pas une demi-heure, ce n’est pas un inconvénient. C’est plutôt la preuve que Saint 44 excelle dans ce qu’il entreprend. Sa prochaine collection sera certainement encore plus serrée et plus impressionnante – un exploit, car Blood on My Guitar est un merveilleux « debut album ».
****