Les Hymnes Orphiques ont déjà été évoqués à propos de de Music for Certain Rituals (AimA & The Illusion of Silence), ce recueil de poèmes datant de la fin de la période hellénistique se situant autour du culte mystérieux de l’orphisme. Un mouvement qui allait à l’encontre de la foi chrétienne. Les adeptes vivaient de manière ascétique afin d’obtenir une meilleure vie après la mort grâce à la pureté physique et spirituelle. Le noyau des « Chants élyséens » (Elysean Chants) est constitué de sept hymnes orphiques, chacun dédié à diverses divinités ou éléments naturels.
Caverna Delle Rose est le nom de la collaboration entre AimA Lichtblau (Les Jumeaux Discordants, Allerseelen), Evor Ameisie (NRTHGTE, DDeM Label, Camerata Mediolanense) et Diego Cinquegrana. Le groupe trouve son inspiration dans les rituels magiques et les pratiques de performance datant de l’Antiquité à nos jours. Ils trouvent un équilibre entre la recherche (anthropologique) et la réinterprétation (musicale). Leur intérêt commun pour les cultures anciennes ou primitives a donné naissance à Elysian Chants, le premier album du collectif.
La pochette du disque présente une image forte : le regard pénétrant d’un vieux masque noir sur un fond blanc contrastant, à moitié voilé par un voile rouge foncé. Intrigant, tout comme l’ouverture « To Dionysius ». Le personnage de Dionysos ou Bacchus est la divinité de la viticulture, de la fertilité, du théâtre et de la musique, mais aussi de la folie rituelle et de l’extase. Ce dernier aspect est clairement perceptible dans ce voyage de plus de six minutes rempli de rythmes irrésistibles et de voix mystérieuses. C’est une évocation dionysiaque prolongée et particulièrement entraînante.
« To Night » ramènea le calme en mélangeant des sons nocturnes de la nature avec un paysage sonore tranquille. Caverna Delle Rose semble attacher beaucoup d’importance à la création d’une atmosphère adéquate et avec des résultats. Le violoncelle d’Annamaria Bernadette Cristian donne à la chanson cette lueur et ce mystère supplémentaires. Ce caractère insaisissable est également exprimé par les chœurs masculins et les textes en grec ancien auxquels AimA donne une voix. C’est l’un des deux poèmes récités dans leur intégralité, avec « To the West Wind ».
Dans l’hymne suivant, il est question des némésis Erinyes ou Furies. Ces créatures des enfers étaient censées chasser et tourmenter les criminels. « To the Furies » est ainsi propulsé par un rythme de marche rapide (faisant référence à la poursuite ?) et des chants enchanteurs (« Terrific virgins, who forever dwell. Endu’d with various forms, in deepest hell » –(ierges terribles, qui demeurent à jamais. Sous des formes variées, dans l’enfer le plus profond – . ) . Le violoncelle en tant que voix supplémentaire s’avère également être une valeur ajoutée ici.
En plus des hymnes, le morceau « Hyle, The Chant of Creation » divisera l’album en deux sous la forme d’un intermezzo instrumental et sombre qui évolue sur ce que nous avons déjà entendu.
Dans la deuxième partie, on trouve « To the Fates ». Outre les Némésis, il y a aussi les Parques ou les Moira qui déterminent le destin de la vie, tant des hommes que des dieux. Whose life ’tis yours in darkness to conceal. To sense impervious, in a purple veil » (Dont la vie est à toi dans les ténèbres pour la dissimuler. Pour sentir imperméable, dans un voile violet) peut-on lire dans la traduction anglaise de Thomas Taylor de 1792. Y trouve-t-on un lien avec l’image de la couverture ? En plus de la récitation d’AimA dans la première partie du chant, le poète italien et traducteur du grec ancien Angelo Tonelli apporte également quelques vers comme une voix sage du passé lointain.
Le dernier hymne est une louange à Zephyrus, la personnification du vent d’ouest. La fin de l’hymne, intitulée » »To the West Wind « , est quelque peu exaltée et rappelle l’idiome musical d’Ataraxia. Il constitue un point d’orgue tranquille après les atmosphères sombres des hymnes précédents.
En tant que concept et premier album de Caverna Delle Rose, Elysian Chants est certainement un succès et mérite toute l’attention lors de son écoute, de préférence à un volume élevé et dans une atmosphère crépusculaire.
***1/2