Inner Distance, le premier album d’Emma Palm sous le nom de No Translation, crée des formes sonores spacieuses à partir des moments les plus intimes et personnels. Comme toujours, Palm construit ses paysages sonores en utilisant principalement des synthétiseurs et sa voix, mais les morceaux les plus profonds d’Inner Distance proviennent des enregistrements de terrain qu’elle et sa mère, à Tapei, ont fait et se sont envoyés au cours des deux dernières années. Ces connexions personnelles attirent la musique vers l’intérieur comme un acte de contemplation et de connexion pour naviguer dans les liens fragiles qui nous tiennent ensemble.
La musique de Palm est captivante par sa douceur viscérale. Avec ses sonorités vaporeuses et ses arrangements sans artifice, on s’attend à ce que ce genre de musique passe inaperçu. No Translation n’offre pas un tel soulagement, car la touche légère masque la lourdeur émotionnelle de l’œuvre. Des morceaux comme « Frame of Reference » et « Two Days » se situent dans un espace flou, nous poussant dans le monde tout en exigeant une attention soutenue. Des pas texturés s’éloignent sur la première, chacun d’entre eux étant une dague alors que cette figure s’éloigne au loin, entourée d’oiseaux qui gazouillent et de voix désincarnées. « Two Days » tente de cristalliser des souvenirs perdus au plus profond de soi, des houles montantes et des échos argentés obscurcissant encore les sons juste à l’abri des regards. On ne peut pas détourner le regard sous peine de manquer la partie qui débloque le reste.
Inner Distance voyage à travers l’espace et le temps en comblant des fossés impossibles à combler. Le morceau d’ouverture, « Momentary », glisse comme une brise sur l’océan, rapide et aérienne, s’élevant vers un trou dans les nuages pour trouver le rayon de lumière le plus net. La voix de Palm flotte sans effort, se fondant dans les opulentes nappes de synthé pour devenir un abri lumineux. Des griffures se promènent sur la surface de la ligne de verre, comme des pages que l’on tourne dans une histoire oubliée, un rappel des palais que nous recherchons. C’est doux, magique.
L’album est décrit comme un cadeau pour la mère de Palm : un espace de guérison où le soleil de Joshua Tree peut atteindre les lumières de Taipei. Dans cet espace, il y a de la place pour que chacun de nous trouve sa propre force. En faisant un geste vers le ciel étoilé, la chanson titre comble le dernier fossé dans les derniers moments de Inner Distance. Les chemins de pierre polie se dirigent vers les portes arpégées du château, ouvertes pour la première fois depuis des lustres et prêtes à laisser entrer nos esprits. Ce premier album de No Translation est une tranche de divinité.
***1/2