Alors que le paysage musical du début des années 90 se peuplait de musique de Seattle, on a pu s’empresser de se procurer la bande originale du film Singles de Cameron Crowe. C’est une excellente compilation de bric et de broc et, à la fin, on y trouve une composition propre à nous toucher. « Would » a ainsi été pour beaucoup une introduction à Alice In Chains. Elle est restée à ce jour un classique, tout comme leur deuxième album, l’incroyable Dirt. Difficile de croire qu’il est sorti il y a un peu plus de 30 ans. Beaucoup de choses sont arrivées à Jerry Cantrell au cours de cette période, la perte tragique de Layne Staley n’a pas mis fin à Alice In Chains, ils continuent à sortir de la musique de qualité et à faire des tournées dans le monde entier. Entre temps, Cantrell a enregistré trois albums solo, Boggy Depot (1998) et Degradation Trip Volumes 1 & 2 (2002). Il s’est écoulé beaucoup de temps entre le dernier album solo et Brighten, son dernier album.
Mais pendant ce temps, Cantrell a vu sa musique apparaître dans des films à succès comme John Wick et Spider-man. Sans parler des onze nominations aux Grammy Awards, de la vente de plus de 30 millions de disques et du fait qu’il a été cité parmi les 100 meilleurs guitaristes de tous les temps par Guitar World. Ce n’est pas seulement son jeu de guitare inimitable qui fait d’Alice In Chains le groupe qu’il est, mais aussi ses incroyables interventions vocales. Les tendres harmonies de Cantrell avec le râpeux Staley ont apporté de la chaleur à leurs penchants mornes et sombres infusés de drogues. En solo, Cantrell s’oriente vers un son plus joyeux et ses talents de compositeur sont mis en avant.
Avec une pléthore de musiciens invités (Greg Puciato, Duff McKagen, Gil Sharone, Michael Rozon pour n’en citer que quelques-uns), Brighten contient neuf chansons de haute qualité de production et de mélodie. L’album commence par « Atone », une mélancolie psychédélique avec des guitares floues, une basse qui drague les rivières et une pléthore de craquements de fouets de films de western et de tambours qui dégringolent. La chanson constitue un morceau d’ouverture intense. Cantrell chante avec un grognement à la Staley et l’ensemble du morceau ressemble à un classique perdu d’Alice In Chains.
Comme le titre le suggère, « Brighten » est un rocker optimiste avec une mélodie euphorique et un refrain qui fait mouche. Les voix harmonisées sont une chose magnifique et unique à Jerry Cantrell, il a embelli sans effort sa musique avec ces voix depuis des décennies pour un effet glorieux. Avec quelques changements d’accords excentriques qui semblent s’adapter logiquement à la perfection aux mélodies. « Prism of Doubt » a beau avoir un changement d’accord qui a déjà été utilisé des centaines de fois, Cantrell en tire une mélodie sublime et y ajoute de jolies touches country comme des pédales d’acier et des guitares virevoltantes. Sans aucun doute l’une des meilleures chansons qu’il ait jamais écrites, c’est une chanson joyeuse et extrêmement mémorable, aussi glorieuse qu’une brise chaude d’été.
Le pedal steel de Michael Rozon s’attardera sur la pâle « Black Hearts and Evil Done », une autre chanson country qui semble être un genre dans lequel Cantrell pourrait facilement se glisser. Sa voix se prête au côté plus attrayant du style musical qui a progressé au fil des ans. La chanson acoustique « Siren Song » commencera comme une ballade rock stable avec une pédale d’acier langoureuse et des scintillements froids du soir. Alors qu’elle se dirige vers un territoire plus dur, elle se transforme en un slow d’Alice In Chains resplendissant avec des harmonies étonnantes. Ecoutez attentivement et vous aurez droit à de splendides éléments percussifs de toutes sortes. Si vous écoutez encore plus attentivement, vous entendrez Greg Puciato, de Dillinger Escape Plan, vous arracher quelques chœurs.
Si jon signale que « Had to Know « contient les mêmes accords que « Run To You » de Bryan Adam, ce n’est pas pour vous gâcher la surprise, mais pour vous émerveiller de la capacité qu’a Cantrell à ne pas se lancer dans le refrain rugissant de cette chanson. Ce morceau est un rocker bein professionnel mais finalement oubliable qui est la première piste à décevoir ces oreilles. C’est le cas jusqu’à ce que Puciato réapparaisse pour ajouter un peu de grognement qui réussira à l’extraire du rlot commun. Des années de malheur et de tonalités sombres n’ont pas terni la capacité de Cantrell à créer des mélodies brillantes et « Nobody Breaks You » offrira de la positivité par le biais d’un refrain épique d’harmonies superposées, de guitares denses et de piano. Pour rappeler qu’il est capable de pratiquer une entame méchante, Cantrell nous délivre un solo teigneux qui fait du morceau le point culminant de l’album.
Alors que le titre de la chanson suggère un groupe de death metal, le poppy « Dismembered » est une autre compositi mid-tempo de rock country avec une mélodie glorieuse et une centaine d’accroches. « Goodbye », qui clôt l’album, est dépouillée de toute instrumentation et la voix de Cantrell est vulnérable alors que le multi-tracking est laissé au repos. La chanson est une ballade sincère et il est inhabituel d’entendre Cantrell non pas couvert de guitares épaisses mais soutenu par des cordes délicates. C’est un domaine à explorer davantage pour les prochaines sorties.
Comme déjà mentionné, il aiura fallu vingt ans à Jerry Cantrell pour sortir un autre album solo. Peut-être qu’il s’est trouvé dans une impasse, comme le reste d’entre nous, avec le monde ainsi confiné et c’est à partir de cette situation que Brighten a vu le jour. Comme pour beaucoup d’autres artistes, les circonstances entourant la création de l’album ont donné lieu à un album de grande musique. Brighten contient quelques-unes des meilleures chansons de Cantrell et plaira non seulement aux fans d’Alice In Chains, mais aussi à tous ceux qui ont l’oreille pour le bon rock lourd et les belles mélodies.
***1/2