Tony Bennett et Lady Gaga, deux des chanteurs les plus grands et les plus influents de leurs générations respectives, produisent une profusion de sons célestes et sentimentaux, qui s’inscrivent parfaitement dans le passé dont ils sont issus et dans le présent où ils ont été enregistrés.
Pour leur deuxième et dernière sortie, Bennett et Gaga construisent une fois de plus leur propre palais d’harmonie riche et mélodique en reprenant 12 sélections du canon de Cole Porter, invitant l’auditeur à quitter le froid glacial pour goûter à sa chaleur, ne serait-ce que pendant 36 minutes. Gaga, comme d’habitude, projette sa lumière unique sur chaque morceau, en particulier sur le morceau d’ouverture « It’s De-Lovely » et le somptueux « Do I Love You », sur lequel elle confirme une fois de plus qu’elle reste peut-être la plus grande interprète de sa génération. Bennett, lui aussi, livre une performance d’adieu chatoyante, évoquant les lumières de la ville et les salles de danse enfumées auxquelles sa voix donnait autrefois une bande sonore séduisante.
À cet égard, Love for Sale ne peut s’empêcher de susciter une certaine nostalgie douce-amère, car le genre a bien dépassé son crépuscule sulfureux et est enfin arrivé à la fin inévitable de son époque. Une grande partie de ce qui reste suivra probablement Bennett lors de sa dernière révérence, car il est l’un des derniers d’une lignée de chanteurs pop magistraux, un réfugié de l’époque lointaine de Frank Sinatra et Jo Stafford. Mais Bennett a de la chance, car il a su faire des adieux sincères et dignes, sa voix n’ayant jamais perdu son éclat et sa crédibilité artistique restant intacte.
Love for Sale est un régal pour ceux qui souhaitent écouter deux grands noms qui, bien que séparés par plusieurs générations, possèdent la même autorité en tant qu’artistes de studio et de scène. « I’ve Got You Under My Skin » et « I Get a Kick Out of You » illustrent le lien intemporel qui unit le duo, tandis que chacun brille de mille feux lorsqu’il est laissé à lui-même, Gaga sur le titre phare susmentionné « Do I Love You » et Bennett sur « Just One of Those Things ».
Love for Sale, l’un des meilleurs albums de jazz depuis longtemps, est un must pour les amateurs du genre, ainsi que pour ses deux interprètes incomparables. On regrette seulement que le duo n’ait pas eu l’occasion d’aborder Hoagy Carmichael de la même manière.
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